
Le 12 octobre 2024, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées devant le Capitole, à Washington, pour participer à une marche baptisée « Un million de femmes » par ses organisateurs.
L’évènement avait été organisé par un petit groupe de dirigeants de la Nouvelle réforme apostolique (NRA), un mouvement de la droite chrétienne, dynamique et en croissance rapide, qui endoctrine des centaines de millions de personnes à travers le monde, dont des dizaines de millions aux États-Unis.
La marche, programmée pour coïncider avec la fête juive de Yom Kippour, avait pour thèmes la façon d’imposer la « domination » chrétienne sur les institutions politiques, la mobilisation des électeurs et — conformément à la priorité accordée par le mouvement à l’idée de « guerre spirituelle » — l’exorcisme des démons du Capitole. Mais, bien que la faible attention médiatique suscitée par l’événement ne l’ait guère évoqué, un autre objectif majeur de la manifestation était de mobiliser en faveur d’Israël.
« Il faut se mettre en conformité avec la parole de Dieu »
Son organisateur, Lou Engle, est monté sur scène en déclamant : « Il faut se mettre en conformité avec la parole de Dieu ! Si nous nous levons et bénissons Israël, Il [Dieu] pourrait sauver notre nation ! » Guidant la foule pendant dix heures de dévotion ininterrompue sur une scène ornée de drapeaux israéliens, les prédicateurs ont exhorté le Congrès à accomplir son « mandat biblique », selon les mots d’un orateur, et à « apporter un soutien sans équivoque à Israël face à ses ennemis et à nos ennemis ». À un moment, la foule a même entonné l’hymne national israélien, déclenchant un tonnerre d’applaudissements1.

Le vaste réseau des églises pentecôtistes et charismatiques indépendantes et les autres institutions qui composent la NRA représentent probablement le mouvement religieux le plus important de l’histoire récente des États-Unis. Il a été partie intégrante des trois campagnes présidentielles de Donald Trump, depuis sa première candidature en 2015. Et, depuis sa première victoire l’année suivante, il s’est frayé un chemin jusqu’aux échelons supérieurs du pouvoir politique, avec la télévangéliste Paula White-Cain — également conseillère spirituelle du président Trump — récemment nommée à la tête du nouveau bureau de la foi de la Maison Blanche.
Au moment où l’indignation internationale grandit contre le programme éradicateur et expansionniste d’Israël, le second mandat de Trump semble encore plus agressivement pro-israélien que le premier. Au cours de ses premières semaines au pouvoir, Donald Trump a appelé au nettoyage ethnique de plus de deux millions de Palestiniens dans la bande de Gaza et à l’occupation par les États-Unis de l’enclave. Des personnages clés de l’administration nommés par le président se sont également prononcés en faveur de l’annexion de la Cisjordanie par Israël, notamment White-Cain, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth et l’ambassadeur des États-Unis en Israël Mike Huckabee, qui a promis que le président Trump provoquerait des changements de « proportions bibliques » au Proche-Orient2.
Les dirigeants israéliens, de leur côté, savent parfaitement où se situe leur soutien le plus fort. Lors de sa visite à Washington en février 2025, le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou n’a rencontré aucun leader juif américain, mais il a pris le temps de voir des dirigeants évangéliques pendant 90 minutes. Au moins trois d’entre eux étaient des hiérarques de la NRA, dont White-Cain, qui s’est longuement entretenue en tête à tête avec Benyamin Nétanyahou avant de conduire une interview exhaustive avec lui pour la télévision israélienne.

Apôtres et prophètes
La NRA n’est pas un mouvement religieux comme les autres, selon le politiste Paul Djupe3. Il représente un « changement fondamental » dans le christianisme américain, car sa vision politique s’étend au-delà du camp charismatique/pentecôtiste dans lequel il est né, pour dominer désormais le champ beaucoup plus large de l’évangélisme américain.
En tant que mouvement qui a évolué à partir de multiples racines pendant un siècle, la NRA a été identifiée et étudiée au milieu des années 1990 par Charles Peter Wagner, professeur au séminaire évangélique Fuller Theological4. Ce dernier a observé que les églises indépendantes enregistraient la croissance la plus rapide à la fois aux États-Unis et dans le monde. Dans ce développement spectaculaire, le professeur Wagner a vu émerger un changement de paradigme.
Ainsi, les réseaux des églises et des ministres de la NRA rejettent beaucoup d’anciennes doctrines, dénominations et hiérarchies chrétiennes, tout en restaurant progressivement les fonctions de l’Église du premier siècle, telles que décrites dans l’épître aux Éphésiens — (NdT. Attribuée à l’apôtre Paul). Parmi elles figurent les titres d’apôtre et de prophète dont s’affublent ses représentants, de sorte que Lou Engle porte le titre de prophète de la NRA et Paula White-Cain, celui d’apôtre.
La NRA incarne également une vision dynamique du contrôle religieux et politique connue sous le nom de « Mandat (NdT. Prophétie) des Sept Montagnes » : un plan politique métaphorique qui charge les croyants d’établir une « domination » sur les « sept montagnes » de la société : le gouvernement, la religion, la famille, l’éducation, les médias, les arts et les loisirs et le business.
Contre les forces démoniaques
Les adeptes du mouvement se considèrent souvent comme l’armée de la fin des temps, destinée à mener une « guerre spirituelle » dans les cieux par la prière, mais parfois aussi une guerre physique contre les forces « démoniaques » du libéralisme, de la démocratie, des droits LGBTQI+ et reproductifs, et autres ennemis.
Il ne s’agit pas d’un simple excès rhétorique. Ce qui rend la NRA et son influence politique grandissante particulièrement préoccupantes, c’est que les différences politiques et religieuses normales sont considérées comme démoniaques — l’œuvre d’esprits surnaturels créant des problèmes à tous les niveaux, des détails de la vie quotidienne aux conflits internationaux. De tels démons sont susceptibles de tout contrôler, depuis de simples individus jusqu’à des nations entières. Ils sont considérés comme la principale opposition à l’avancement du Royaume de Dieu sur terre. Par exemple, les « apôtres » Ché Ahn et Lance Wallnau assurent que l’ancienne vice-présidente Kamala Harris est « un genre de Jézabel (NdT. La sulfureuse princesse étrangère, incarnation du vice et prophétesse de malheur dans l’Ancien Testament, le Nouveau et le Livre de l’Apocalypse) » — littéralement un esprit démoniaque.
Cette vision du monde se diffuse rapidement. Selon une enquête réalisée en 2024 par le professeur Djupe, plus de 60 % des chrétiens américains sont d’accord pour dire qu’« il y a des apôtres et des prophètes des temps modernes ». Environ la moitié croit qu’« il existe des “principautés” et des “puissances” démoniaques qui contrôlent des territoires physiques », les démons territoriaux, et que l’Église devrait « organiser des campagnes de guerre spirituelle et de prière pour chasser les démons de haut rang ». Et 42 % adoptent directement le mandat « dominioniste » de la NRA en affirmant que « Dieu veut que les chrétiens se tiennent au sommet des “Sept montagnes de la société” ».
En tant que mouvement, la NRA contribue également à rallier les troupes MAGA (Make America Great Again, « Rendre sa grandeur à l’Amérique »). Ses dirigeants, comme White-Cain et Wallnau, ont été parmi les premiers et les plus enthousiastes soutiens évangéliques de la candidature de Trump en 2015. Les mêmes ont joué un rôle important dans le mouvement de refus de reconnaître les résultats de l’élection de 2020, avec divers « apôtres » et « prophètes » ayant aidé à préparer le terrain pour les émeutes du 6 janvier 2021 en organisant des veillées de prière à l’extérieur du Capitole, au cours desquelles ils ont exhorté Dieu de châtier ses ennemis, en soufflant dans des shofars — la corne de bélier servant d’instrument de musique sur les champs de bataille dans l’ancien Israël et que se sont appropriés les chrétiens sous influence de la NRA. Si leur influence sur la vie publique américaine est désormais reconnue, l’impact mondial des chrétiens évangéliques, en particulier au Proche-Orient, reste encore sous-estimé.
Israël et la fin des temps
Depuis des décennies, les dirigeants sionistes chrétiens aux États-Unis et dans le monde travaillent main dans la main avec la droite israélienne pour encourager l’apartheid, le nettoyage ethnique et sa domination en Palestine. Ces dernières années, ce mouvement a milité pour une augmentation de l’aide américaine à Israël, l’annexion de la Cisjordanie, la confrontation avec l’Iran, la suppression du financement de l’aide aux réfugiés palestiniens, l’effacement de toute critique d’Israël. Dit simplement, le sionisme chrétien est l’épine dorsale du soutien américain et international à Israël. Ainsi, la principale organisation sioniste chrétienne aux États-Unis, les Chrétiens unis pour Israël (CUFI), basée au Texas, revendique plus de 10 millions d’adhérents — soit un électorat globalement deux fois plus nombreux que l’ensemble de la population juive américaine.
Son leader, le pasteur John Hagee, réunit tous les ans une conférence très médiatisée, qui attire des personnalités politiques de premier plan. Le CUFI a défrayé la chronique fin 2005, quand le pasteur Hagee a suggéré que le Holocauste faisait partie du plan divin pour ramener les Juifs en Israël, Dieu ayant envoyé Hitler comme son « chasseur » désigné5. « Les nazis de Hitler » ont chassé les Juifs d’Europe « vers le seul foyer que Dieu ait jamais destiné aux Juifs : Israël », a aussi soutenu Hagee dans son livre Jerusalem Countdown (Le compte à rebours de Jérusalem) publié en 2006.

Depuis son lancement en 2006, l’organisation CUFI est devenue l’alter ego évangélique de l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), le puissant lobby pro-israélien fréquemment associé — quoique souvent à tort — à la communauté juive américaine. Le CUFI fait agressivement pression sur le Congrès en faveur d’une série de politiques promues par la droite israélienne. Les dirigeants israéliens tressent d’ailleurs régulièrement des louanges au pasteur Hagee pour son soutien indéfectible.
Pourtant ce dernier est le représentant d’une forme antérieure du sionisme chrétien, celle incarnée par des évangéliques blancs comme Jerry Falwell et le pasteur Tim LaHaye, l’auteur, avec Jenkins Jerry, de la saga prophétique Les Survivants de l’Apocalypse (éditions Vida). Cette forme de fondamentalisme chrétien s’en tenait à une vision « dispensationaliste » de la fin des temps, dans laquelle les chrétiens fidèles échapperont à l’Apocalypse par la grâce d’un événement baptisé « l’Enlèvement de l’Église » (ou le « Ravissement »), quand tous les bons chrétiens vivants seront « enlevés » sur des nuées pour monter au Ciel et rencontrer le Christ, tandis qu’Israël et le monde seront engloutis dans les guerres dévastatrices de la « Grande Tribulation » (NdT. Période qui précède l’avènement du Royaume de Dieu sur Terre).
Accélérer l’arrivée du royaume de Dieu sur Terre
Mais avec la montée des évangéliques néo-apostoliques, dans le contexte plus large de l’essor des populations pentecôtiste et charismatique, la théologie prédominante de la droite chrétienne de la fin des temps est en train de changer. Plutôt que d’attendre d’être « enlevés au Ciel », de nombreux évangéliques s’investissent davantage dans l’élaboration de leur vision du Royaume de Dieu sur Terre. Ils cherchent à reconquérir les « territoires » des démons par l’intercession de prières au nom de la « guerre spirituelle » mais aussi via l’engagement militant dans la politique électorale.
D’où l’accent mis par la NRA sur Israël dans sa vision de la fin des temps » — évènement qui, selon elle, est déjà en cours. La NRA est persuadée qu’elle peut déclencher l’utopie millénariste — le règne de 1 000 ans de perfection du Christ sur terre — en imposant la souveraineté d’Israël sur la terre « biblique », en appuyant l’immigration des juifs en Israël et en les convertissant à la foi en Jésus. Citant le verset du Livre de la Genèse, où Dieu dit à Abraham : « Je bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront », la NRA croit que seules les nations qui « bénissent Israël » peuvent espérer obtenir la faveur divine.
Ainsi, bien que les adeptes de la NRA soient souvent associés à l’idéologie plus large du nationalisme chrétien américain, la nation centrale dans leur vision religieuse et politique est Israël. Si les États-Unis ne lui apportent pas un appui suffisant, le pays sera condamné. En revanche, s’ils réussissent à se mobiliser avec d’autres nations en faveur d’Israël, cela contribuera, quelque peu paradoxalement, à la réalisation de leur grand projet : établir la domination chrétienne sur le monde. À l’instar des aspects antérieurs du sionisme chrétien, cela tend, selon le chercheur S. Jonathon O’Donnell, spécialisé dans l’étude des religions, à présenter, au plan théologique, les juifs et Israël comme des « objets surdéterminés… fétiches investis d’un pouvoir surnaturel », — c’est-à-dire, en fin de compte, de simples instruments dans un récit englobant de la Rédemption chrétienne6.
Le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem
L’influence de la NRA est évidente dans tout le mouvement pro-israélien aux États-Unis. Ses pasteurs et ses congrégations organisent et animent régulièrement des rassemblements et des conférences pro-Israël et se joignent aux activités de lobbying mises sur pied, au niveau des États et au niveau fédéral, par des groupes comme le CUFI. Au printemps 2024, les pasteurs de la NRA ont organisé devant plusieurs universités des manifestations enflammées contre l’antisémitisme supposé des campus. Lors de ces rassemblements, des harangues sur la fin des temps se sont mêlées à la diabolisation des musulmans et à des appels à la conversion des juifs, illustrant les sectarismes antisémite, anti-palestinien et anti-musulman, étroitement liés, qui sous-tendent le soutien à Israël.
« Nous savons que de nombreuses initiatives du groupe de travail que nous avons lancées sont maintenant mises en œuvre par la Maison Blanche de Trump », s’est félicité le pasteur Mario Bramnick, président de la Coalition latino pour Israël, lors d’une séance d’invitation à la prière avec d’autres caciques de la NRA en février 2024. Il saluait alors les récents décrets du président et d’autres mesures prises par l’administration pour faire pression sur les universités afin qu’elles expulsent des étudiants (pro-palestiniens), étouffent la liberté d’expression et pire encore7.
L’activisme de Bramnick au cœur de ce que la NRA appelle la « Montagne » gouvernementale est sans relâche. Il exploite son influence auprès du gouvernement essentiellement pour faire pression en faveur d’un soutien accru à Israël. Conseiller évangélique clé de Trump depuis 2016, ainsi qu’envoyé spécial pour l’initiative « Faith and Opportunity » (Foi et Opportunité) de la Maison Blanche pendant le premier mandat de Trump, Bramnick rencontre aussi fréquemment Benyamin Nétanyahou.
En 2018, après que Trump a rempli un objectif majeur de la politique sioniste chrétienne en déplaçant l’ambassade des États-Unis en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem, Bramnick s’est vanté d’avoir rencontré au moins huit autres chefs d’État, dont des dirigeants d’extrême droite comme Nayib Bukele, président du Salvador, et l’ex-président brésilien Jair Bolsonaro, dans le but de les convaincre de faire de même.
Lors d’une célébration du transfert de l’ambassade américaine en 2019, le pasteur Bramnick a proclamé : « C’est un miracle que Dieu ait désigné Donald Trump pour être un Cyrus moderne », traduisant la croyance populaire de la NRA selon laquelle Dieu utilise l’immoral Donald Trump pour mener à bien Ses desseins, tout comme Dieu s’est servi du roi païen perse Cyrus pour faire sortir les israélites bibliques de leur exil à Babylone. Mais, lors d’un discours prononcé au Jerusalem Prayer Breakfast — un rassemblement de sionistes chrétiens influents, de dirigeants israéliens et juifs américains qui s’est tenu à Mar-A-Lago, la résidence de Trump, en janvier 2025 —, Mario Bramnick a modifié le prisme biblique à travers lequel il voyait Trump. Celui-ci, a-t-il déclaré, a désormais endossé « un nouveau manteau » : celui du successeur de Cyrus, le grand roi Darius 1er (NdT. Roi qui avait favorisé la reconstruction du Temple de Jérusalem). Aux yeux du pasteur, il s’agit d’une « onction finale » pour entériner l’expansion et la domination israéliennes8.
« Pour la première fois depuis la guerre des Six Jours, l’armée israélienne a franchi les lignes ennemies à Gaza, au Sud-Liban et en Syrie, et de manière surnaturelle », a loué le pasteur Bramnick. « Nous sommes à un moment de bascule », dans lequel ce que Dieu a commencé pendant la première administration Trump sera maintenant achevé.

Le pasteur Bramnick n’est pas le seul responsable influent de la NRA dans l’orbite de la nouvelle administration Trump. Non seulement Paula White-Cain dirige le nouveau Bureau de la foi de la Maison Blanche9, mais deux autres « apôtres » de premier plan, Cindy Jacobs et Jim Garlow, ont pris la parole lors du Jerusalem Prayer Breakfast. « Quand nous essayons de diviser la terre d’Israël, la terre donnée par Dieu, cela ne rend pas Dieu heureux ! », a professé Cindy Jacobs, offrant une justification théologique à l’annexion des Territoires occupés par Israël et à l’expansion de la guerre régionale. « Maintes et maintes fois, nous avons passé des menottes à Israël, juste au moment où ce dernier aurait pu continuer et terminer la tâche », a-t-elle déploré10.
Un mouvement qui s’étend dans le monde
L’influence la plus forte de la NRA sur le sionisme chrétien se fait sentir sans doute à travers le Sud Global, où certes de nombreux pays critiquent Israël dans les forums internationaux, comme aux Nations unies, mais où le développement rapide du christianisme pentecôtiste et charismatique ces dernières décennies a créé de nouveaux mouvements forts de millions de fidèles qui « bénissent Israël ».
« On peut vraiment voir le Sud se réveiller en ce qui concerne Israël », se réjouissait Jürgen Bühler, un autre ponte de la NRA et le président de l’Ambassade chrétienne internationale à Jérusalem (ICEJ), dans une interview accordée en 202211. Avec des succursales et des délégués dans plus de 90 pays et prétendant parler au nom de dizaines de millions de chrétiens, l’ICEJ est la première organisation sioniste chrétienne au monde. Non seulement elle coordonne une campagne mondiale de sensibilisation ecclésiale, fait du lobbying et des collectes de fonds en soutien à Israël, mais elle organise également un grand pèlerinage — sous le nom de « Fête des Tabernacles » — qui attire des milliers de fidèles à Jérusalem pendant la fête juive de Souccot (NdT. Fête qui rend grâce à l’aide apportée par Yahvé aux Hébreux durant leur Exode hors d’Égypte).
Du Nigeria aux Philippines
L’apôtre René Terra Nova, directeur brésilien de l’ICEJ et chef d’un réseau apostolique mondial de plus de sept millions de membres, a organisé d’énormes rassemblements pro-israéliens au Brésil — un pays où, selon les chercheurs, on comptera bientôt davantage de pentecôtistes et de charismatiques que de catholiques — et qui a aidé à encadrer des milliers de pèlerins lors de la « Fête des Tabernacles » en Israël.
Quant à l’apôtre nigérian Enoch Adeboye, désigné par Newsweek comme l’une des 50 personnalités les plus influentes au monde, il supervise un réseau tentaculaire d’églises qui toucherait plus de cinq millions de personnes au Nigeria et qui œuvre à convertir des millions d’autres dans le monde, avec des avant-postes dans plus de 110 pays. Ce pasteur pentecôtiste a engagé ses réseaux aux côtés d’Israël après le 7 octobre 2023 et prend régulièrement la parole lors des assemblées de l’ICEJ.
D’autres dirigeants et organisations de la NRA, comme l’International House of Prayer (IHP), basée dans le Missouri, organisent des journées mondiales de prière et de jeûne interconnectées qui sont axées sur Israël. Le jeûne mondial d’Esther, par exemple, mobilise des millions de fidèles grâce aux réseaux pentecôtistes et charismatiques en Ouganda, à Singapour, au Japon, en Malaisie, aux Philippines, en Inde et ailleurs.
Ces réseaux évangéliques représentent ce que le professeur Joseph Williams, de l’université Rutgers, a appelé la « pentecôtisation » du sionisme chrétien au sein du Sud Global, où l’« attrait international » grandissant pour des « pratiques et des identités à thématique juive, basées sur l’expérience et… liées à des croyances particulières sur les juifs et Israël » contribue à renforcer les extrêmes droites israélienne et transnationale12.
Tandis que la NRA continue de grandir en tant que force religieuse et politique mondiale incontournable, on peut s’attendre à ce que le mouvement sioniste chrétien devienne encore plus militant, encore plus agressif et encore plus déterminé à ce qu’il nomme la « transformation du monde ». Une stratégie que les progressistes ne peuvent pas se permettre de perdre de vue.
Au Brésil, une large dérive des évangéliques vers la droite
À São Paulo, en 2014, l’Église pentecôtiste universelle du Royaume de Dieu — fondée par l’évêque Edir Macedo qui, dans le cadre plus large du mouvement de la Nouvelle réforme apostolique, se qualifie de « prophète » et appelle à une « gouvernance apostolique » au Brésil — a ouvert une méga-église de 300 millions de dollars, qui prétend être une réplique grandeur nature du Temple de Salomon, l’ancien temple israélite à Jérusalem qui, selon la prophétie, sera rebâti à la fin des temps. La méga-église est dotée de 10 000 places assises. Son sol et ses murs de sont recouverts de pierres transportées de Jérusalem.
« Nous voulions aider les gens à se tourner vers Israël, à soutenir son existence et à leur donner l’occasion de toucher des pierres de Jérusalem, ce qui pour eux est une très important », expliquait un représentant de cette Église pentecôtiste à l’époque13.
Le Temple de Salomon du prophète Macedo est une manifestation ostentatoire d’une large dérive des évangéliques vers la droite, avec des implications politiques majeures. Alors qu’en 2014, l’année de l’ouverture du Temple, le Brésil avait condamné l’offensive d’Israël contre la bande de Gaza et rappelé son ambassadeur à Tel-Aviv, dès avant 2018 l’évêque Macedo avait aidé à mobiliser le soutien des évangéliques en faveur de l’élection du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, fervent partisan d’Israël.
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1Frederick Clarkson, « Packed with Threats of Political Violence, Media Largely Ignore the NAR’s ‘Million Women’ Rally in DC », Religion Dispatches, 17 octobre 2024.
2Lire Lazar Berman, « Incoming US envoy Huckabee says Trump to bring Mideast change of ‘biblical proportions’ », The Times of Israel, 9 février 2025.
3Cité par Stephanie McCrummen,« The Army of God Comes Out of the Shadows », The Atlantic, 25 février 2025.
4Ibid.
5Bruce Wilson, « Audio Recording of McCain’s Political Endorser John Hagee Preaching Jews Are Cursed and Subhuman », Talk to action, 15 mai 2008.
6S. Jonathon O’Donnell, « Antisemitism under erasure : Christian Zionist anti-globalism and the refusal of cohabitation », Ethnic and Racial Studies, vol. 44, n°1, 2021.
7Ben Lorber, « Trump’s EO to ‘Combat Antisemitism’ Wields Jewish Safety as a Weapon to Crush Palestine Solidarity », Religion Dispatch, 6 février 2025.
8Michele Chabin, « Latino evangelical leaders meet in Jerusalem for summit on Israel », Religion News Service (RNS), 24 mai 2019.
9NDLR. Selon le décret établissant ce nouveau Bureau, il « a la responsabilité principale, au sein de l’exécutif, de donner aux entités confessionnelles, aux organisations communautaires et aux lieux de culte les moyens de servir les familles et les communautés ».
10Adam Eliyahu Berkowitz, « Evangelical Leaders in Jerusalem call for Israeli sovereignty over Biblical heartland », Israel365News, 5 mars 2025.
11Cité dans Maayan Hoffman, « Israeli MK to Christian parliamentarians : « Demand your govts. sanction Iran » », Jewish News Synidcate (JNS), 12 octobre 2022.
12Joseph Williams, « The Pentecostalization of Christian Zionism », Church History, vol. 84, n°1, mars 2015.
13Adam Eliyahu Berkowitz, « $300 Million “Temple of Solomon” Built in Brazil », Israel365News, 18 octobre 2015.