Syrie, Golfe, Jordanie

Syrie : la guerre d’usure

Le régime syrien semble avoir pris le contrôle des environs de Qoussair, privant ainsi la rébellion de la base arrière que constitue le Liban tout proche. Cette réussite a momentanément atténué les rumeurs d’assaut sur Damas que la presse rapportait ces dernières semaines. L’armée syrienne s’est également attachée à perturber certaines routes de communication que l’opposition avait établies avec la Jordanie. Pour certains commentateurs les soldats de Bachar al-Assad pourraient bien l’emporter1.

Ce n’est pas la réunion des Amis de la Syrie qui mettra du baume au cœur de l’opposition. Lors de la dernière rencontre [Istanbul, 20 avril 2013] Moaz al-Khatib a confirmé qu’il démissionnait de sa fonction de chef de la Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution2, renforçant l’image d’une opposition qui n’est toujours pas en mesure de fédérer ses diverses composantes et de s’imposer à ses « parrains » régionaux et internationaux (Frères musulmans, Qatar, pays occidentaux, Turquie, etc.) La réunion n’a pas permis de trancher le différend qui existe depuis l’origine entre ceux qui militent pour une intervention armée extérieure (ou l’envoi d’armes lourdes aux combattants) et ceux qui réclament une négociation avec le président Assad comme seul moyen de mettre fin à la guerre. Ces infortunes politiques profitent au régime qui tente de faire accroître l’idée — jusqu’aux États-Unis — que la Syrie, l’Occident et les pays arabes ont un seul et même adversaire : le terrorisme3.

Si les dernières progressions militaires de Damas doivent être notées, elles ne peuvent toutefois modifier le cours des événements en sa faveur ni contraindre les principaux groupes de l’opposition à dialoguer avec le régime. La guerre d’usure actuelle pourrait donc se prolonger longtemps sauf si une action d’envergure, venue de l’intérieur ou de l’extérieur, venait à en modifier le cours. S’il était avéré, l’usage d’armes chimiques par le régime pourrait constituer ce game changer évoqué par le président Barack Obama et ouvrir la perspective d’une action internationale plus énergique contre le régime d’Assad4 et5. Il se dit que les propos tenus par un responsable militaire israélien lors de la visite du secrétaire à la défense Chuck Hagel n’étaient peut-être qu’un lapsus (version officielle) mais qu’ils pourraient servir à tester Washington sur une intervention contre la Syrie et/ou contre l’Iran6.

Golfe arabo-persique : la lutte contre les islamistes

Peu à peu les pays du Golfe intègrent l’idée qu’il y a urgence à lutter contre les islamistes. Ils le font sans discernement excessif. Tant en Arabie saoudite qu’au Qatar, dans les Émirats ou au Koweït, les arrestations de militants, d’opposants ou de simples protestataires se multiplient au nom de la défense des régimes en place. Les causes en sont variées mais les dirigeants répondent immuablement par des détentions. Elles témoignent de leur incapacité à apporter une réponse à un bouillonnement populaire qui se développe dans une région qui n’est actuellement ni un îlot de tranquillité ni un creuset de révolutions populaires.

Jordanie : abandon de neutralité

La Jordanie abandonne progressivement la neutralité de principe qu’elle avait adoptée à l’égard des événements en Syrie. Elle aurait autorisé le survol de son territoire par des avions israéliens, permis le stationnement de 200 planificateurs américains pour la gestion des réfugiés de Syrie ou pour prendre en compte les risques sécuritaires liées à l’utilisation d’armes chimiques. La Jordanie a accepté l’ouverture d’un bureau de coordination (Arabie saoudite, Qatar, États-Unis, France, etc.) qui aide directement les rebelles.

Si personne n’estime que la Jordanie puisse être directement impliquée dans le guerre en Syrie, tout le monde s’accorde à penser qu’Amman est désormais tenu, notamment sous la pression de Washington et de Riyad, d’assurer une partie de la logistique nécessaire à une intervention contre Damas7 et8 alors qu’Assad vient de prévenir le roi Abdallah que la « crise syrienne » pourrait bien devenir une « crise jordanienne »9.

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