Survie, recompositions et résistances de la société syrienne

Paysages d’après la bataille · La société syrienne a été remodelée par la guerre d’une façon que l’on prendra du temps à discerner. Une réévaluation approfondie s’impose si nous voulons saisir même les réalités les plus basiques de la Syrie telle qu’elle continue d’exister et d’évoluer. Les meilleurs guides pour mesurer l’ampleur de ces changements, ce sont les récits des Syriens ordinaires.

Alep, mai 2018.
Ali Youssef/ICRC

La guerre en Syrie a transformé le pays d’une façon à la fois dramatique et subtile. Beaucoup de changements vont vers le pire, mais d’autres inspirent un optimisme prudent : les Syriens ont fait preuve d’une ingéniosité implacable en s’adaptant à chaque étape d’un conflit horrible, sauvant des restes de dignité, de solidarité et de vitalité dans des circonstances cauchemardesques. Ils l’ont généralement fait à leur manière, aux prises avec des transformations qui échappent à presque tous ceux qui prétendent les aider ou les représenter. Ces évolutions sont très éloignées des pourparlers de paix et des politiques de puissance, et elles sont rarement prises en compte dans l’aide aux populations. Elles restent apparemment invisibles pour le nombre croissant d’étrangers autorisés à se rendre en Syrie, qui trouvent souvent que les choses sont plus « normales » qu’ils ne le pensaient : les cafés de Damas sont bondés, les magasins ont commencé à rouvrir à Alep, et les officiels de diverses nationalités débordent de plans exagérément optimistes pour l’avenir.

« Les cimetières sont remplis de jeunes hommes »

La décimation de la population masculine représente sans doute le changement le plus fondamental dans le tissu social du pays. Alors qu’une génération d’hommes a été ravagée par la mort, le handicap, les déplacements forcés et les disparitions, ceux qui restent ont été en grande partie aspirés dans un système violent et corrompu, centré autour des factions armées. La situation d’une famille alaouite d’un village côtier donne un aperçu de l’état catastrophique de la population masculine syrienne, même sur un territoire qui est resté sous le contrôle du gouvernement. Sur trois frères, l’un a été tué au combat, un autre paralysé par une balle dans la colonne vertébrale, et un troisième, fonctionnaire de 30 ans sous-payé, vit dans la peur de la conscription. Leur mère résume ainsi son sort :

Nous sommes fatigués de la guerre. J’ai donné un martyr, un autre de mes fils est à moitié mort, et le plus jeune peut être recruté à tout moment. J’espère que Dieu mettra fin à ce conflit ; les cimetières sont remplis de jeunes hommes.

Leur histoire est banale dans leur village de 3 000 habitants qui à son tour reflète les réalités de nombreuses communautés socioéconomiquement liées à l’appareil militaire et sécuritaire. D’après les propres estimations de la famille, qui recoupent les informations du directeur d’une ONG active dans la région, 80 hommes du village ont été tués et 130 blessés — soit un tiers de la population masculine âgée de 18 à 50 ans. Les deux tiers restants ont été massivement versés dans l’armée ou les milices. La violence qui a consumé tant de vies a également généré des sources de revenus indispensables.

Au sein de cette famille, le frère paralysé compte sur sa pension d’ancien combattant d’environ 60 dollars (51 euros) par mois1. La veuve de son frère reçoit une allocation mensuelle équivalente à 35 dollars (30 euros), versée par la milice dans laquelle il était enrôlé lorsqu’il a été tué au combat. Cependant ces allocations sont loin d’être suffisantes, et les autres membres de la famille doivent se mettre en quatre pour joindre les deux bouts. Le père, 65 ans, lui-même ancien combattant de l’armée dit avec découragement : « Avec un fils tombé en martyr et un autre handicapé, mon fils en bonne santé et moi travaillons jour et nuit pour nourrir la famille. »

Un malaise similaire s’est installé dans les zones précédemment contrôlées par des factions de l’opposition, et reprises par les forces pro-Assad. Alors que de nombreux jeunes hommes ont été tués ou forcés de fuir, ceux qui restent sont fortement incités à s’engager dans des groupes armés alignés sur le régime. Ils peuvent ainsi se protéger tout en gagnant leur vie, une alternative à la conscription dans l’armée régulière, qui combine un salaire de misère avec le risque mortel d’être déployé sur des lignes de front lointaines. La moitié orientale de la ville d’Alep illustre cette tendance. Dévastée par des années de siège et de bombardements du gouvernement, elle survit avec un minimum de services, une économie détruite et une insécurité aiguë causée par les activités non réglementées des milices. « Si on veut se protéger et protéger sa famille, on s’engage dans une milice », remarque un homme d’âge moyen dans le quartier de Jazmati. Il ajoute :

La zone est infestée de crimes associés aux milices de la défense nationale. Chaque groupe contrôle un quartier, et ils se battent parfois les uns contre les autres pour le partage du butin. Les propriétaires de magasins doivent payer pour la protection de ces milices. Un propriétaire a refusé, et ils ont incendié son magasin.

Dans ce contexte, il est tentant de porter les armes. Un homme du quartier Masakin Hanano décrit cette dynamique :

Les jeunes restés à Alep-Est se sont enrôlés dans des milices, ce qui fournit des solutions à certains de nos pires problèmes. Les combattants reçoivent un salaire décent, mais aussi d’autres avantages, par exemple plus de watts des générateurs privés, parce que les vendeurs d’électricité réduiront le prix s’ils savent qu’ils ont affaire à un milicien.

Un autre résident de la même région explique que lui et sa famille peuvent s’en sortir grâce à la position de ses deux fils dans la brigade Baqir, soutenue par l’Iran, qui fournit non seulement des salaires mensuels, mais aussi la possibilité de se procurer des articles ménagers par le pillage.

Une génération brisée

La guerre a brisé la jeune génération qui a été le fer de lance du soulèvement. Dans toute la Syrie, les jeunes hommes désireux de se soustraire à la conscription dans l’armée régulière ou dans les milices ont peu de choix. La plupart de ceux qui peuvent se permettre de quitter le pays le font ; certains profitent de l’exemption accordée aux étudiants, tandis que tout homme qui est le seul de sa génération dans une famille nucléaire bénéficie d’un sursis. D’autres encore peuvent s’acquitter de pots-de-vin exorbitants pour contourner la conscription, ou s’enferment chez eux pour éviter d’être détectés, ce qui les rend invisibles à la fois pour l’armée et pour la société en général. Quelques-uns multiplient les épreuves de ce genre, pour se retrouver finalement dans un état d’incertitude indéfinie en raison de la nature temporaire et précaire de ces solutions. Un homme d’une trentaine d’années décrit sa situation après la reconquête en 2016 par les forces loyalistes de sa ville natale, dans la banlieue de Damas :

J’avais le choix entre deux possibilités : soit je payais 3 à 4 000 dollars [2 560 à 3 400 euros] pour être exfiltré clandestinement en Turquie ou au Liban, soit je m’engageais dans l’armée ou dans l’une des milices. Il y avait environ neuf factions de ce genre dans ma ville, dirigées par des jeunes gens liés aux services de sécurité. Pour les hommes qui ne veulent pas se battre, il existe un accord tacite selon lequel le chef de n’importe quelle faction peut vous enregistrer comme combattant et vous laisser simplement vivre votre vie. En échange, vous versez à ce commandant un pot-de-vin unique allant de 250 000 à un million de livres syriennes [450 à 1660 euros], plus votre salaire mensuel de milicien, et parfois une somme mensuelle supplémentaire allant jusqu’à 50 000 livres [83 euros]. Dans mon cas, les coûts de l’exfiltration étaient trop élevés ; en outre, j’ai une femme et des enfants ici. Donc, j’ai dépensé plus de 500 000 livres [830 euros] pour arranger les choses avec une faction. Par malchance, cette faction a été dissoute, et j’ai perdu à la fois mon argent et ma liberté de mouvement. Je suis confiné dans ma maison, dépendant de mes économies et de l’aide de ma famille. Je ne sais pas quoi faire.

En d’autres termes, même la cohorte décroissante de jeunes hommes restés en vie et en Syrie portera longtemps ses propres cicatrices. Celles causées par l’incorporation dans les milices, ou au contraire par les moyens désespérés qu’ils ont dû mettre en œuvre pour éviter ce sort. Inévitablement, la dévastation de la main-d’œuvre masculine en Syrie entravera les efforts pour relancer l’économie du pays. Un industriel d’Alep le dit simplement :

Je parle avec les propriétaires d’usines et ils disent qu’ils veulent rouvrir leurs fabriques, mais ils ne trouvent pas d’ouvriers masculins. Lorsqu’ils les trouvent, les services de sécurité ou les miliciens viennent arrêter ces travailleurs et extorquer de l’argent aux propriétaires pour les avoir embauchés.

Sans espoir de bénéfices importants à l’horizon pour les industries locales, il faudra des années pour résoudre cette impasse. Sur le plan politique, la guerre a étouffé la génération de jeunes qui a été le fer de lance du soulèvement syrien. Ceux qui restent en Syrie ont pour la plupart été soumis à des coups de matraque, ou même enrôlés de force dans l’appareil du pouvoir, celui-là même contre lequel ils se sont soulevés. Il en résulte un paradoxe sinistre : bien que pratiquement tous les problèmes qui ont déclenché le soulèvement syrien de 2011 soient aujourd’hui exacerbés, la société a été tellement réprimée qu’aucun mouvement réformiste à large base ne peut se coaliser dans la génération à venir.

Économie cannibale

Un deuxième changement de fond nourrit et renforce la situation désespérée des jeunes Syriens : le démantèlement de l’économie productive de la Syrie et son remplacement par une économie de cannibalisation systématique, dans laquelle des segments appauvris de la société survivent de plus en plus en s’attaquant les uns les autres. La manifestation la plus visible de cette nouvelle économie est une culture du pillage tellement développée et enracinée que le vernaculaire syrien a incorporé un nouveau terme, taafeesh, pour décrire une pratique qui va, bien au-delà du vol de meubles, jusqu’à des extrémités comme l’arrachage de la plomberie et des câbles électriques des maisons, des rues et des usines.

Un exemple récent et particulièrement spectaculaire d’un tel pillage systématique a suivi le retour des forces pro-Assad à Yarmouk, le camp palestinien tentaculaire au sud de Damas, en avril 2018. La chute de Yarmouk a déclenché une vague de pillage qui battait toujours son plein au mois de juin et qui laissera le paysage urbain presque irrémédiablement détruit. L’ampleur de la prédation est telle que même certains miliciens pro-Assad en ont été choqués, notamment parce que leurs propres propriétés ont été prises pour cibles par d’autres factions. « J’ai vu des soldats en uniforme utiliser un char de l’armée syrienne pour arracher des câbles électriques à six mètres sous terre », raconte un combattant d’une faction palestinienne loyaliste, qui se précipite pour récupérer des biens dans son appartement avant qu’ils ne soient pillés. « J’ai vu des soldats d’unités d’élite piller des hôpitaux privés et des bâtiments officiels. Ce n’est pas seulement du pillage, c’est du sabotage d’infrastructures essentielles. »

Des résidents désespérés rapportent avoir détruit leur propre propriété, juste pour empêcher les groupes armés d’en profiter. L’un d’entre eux explique :

Je suis retourné à mon appartement pour récupérer des documents officiels et des pièces d’or cachées. Puis j’ai détruit mes propres meubles et mes appareils électroménagers parce que je ne veux pas que ces gens s’enrichissent à mes dépens. J’étais prêt à brûler mon propre logement, mais ma femme m’a arrêté. Elle ne voulait pas que j’endommage les autres appartements de l’immeuble.

Comme ce fléau s’est répandu dans toute la Syrie, le pillage a créé des micro-économies à part entière, du recyclage des gravats à la prolifération des marchés de taafeesh où les gens achètent des biens d’occasion volés à leurs compatriotes. Beaucoup n’ont pas d’autre choix que d’utiliser ces marchés pour remplacer leurs propres biens volés. Un fonctionnaire explique le processus, de retour dans sa ville natale de Deir Ezzor après deux ans de déplacement à Damas :

En octobre 2017, on m’a ordonné de retourner à Deir Ezzor pour reprendre mon travail pour le gouvernement. J’ai été choqué de voir mon immeuble démoli. Tout ce qu’il contenait a été volé. Mon frère m’a aidé à trouver un simple deux-pièces et m’a acheté des biens pillés pour le meubler. Les habitants de Deir Ezzor ont perdu deux fois. D’abord nous avons perdu nos ustensiles de cuisine, nos lits, tout ; et puis nous avons eu le sentiment de perdre à nouveau en achetant des biens pillés.

À plus d’un titre, les Syriens déplacés qui veulent rentrer chez eux doivent suivre un processus complexe et coûteux qui consiste à acheter leur retour dans leur propre quartier. Au-delà des coûts directs des destructions et du vol, ces personnes sont confrontées à une prédation qui va des sommes à payer à des points de contrôle transformés en barrières de péage informelles à l’extorsion imposée par diverses branches de l’État, souvent pour des services de base inexistants. Un vieux marchand de textiles dans la vieille ville d’Alep a fait le calcul :

 J’ai dépensé trois millions de livres syriennes [5 000 euros] pour rouvrir mon magasin endommagé. De plus, les agences gouvernementales m’ont demandé de payer les factures d’eau et d’électricité — plus les taxes sur les bénéfices — de 2013 à 2017. J’ai fait valoir que mon magasin était fermé, que je ne gagnais pas d’argent et que je n’utilisais pas d’électricité ou d’eau, mais j’ai été obligé de payer de toute façon. J’ai alors dépensé sept millions de livres [11 600 euros] pour acheter de nouveaux textiles, parce que mon magasin avait été complètement pillé. Donc, au total, j’ai dépensé dix millions de livres [16 000 euros] pour ouvrir ma boutique. Je fais maintenant environ [5 à 7 euros] de bénéfice chaque jour, ce qui couvre à peine la nourriture, l’électricité, l’eau et les taxes. Mais je préfère encore passer mes journées sur le marché plutôt que de rester assis à la maison, à trop penser et à risquer une maladie cardiaque.

Les Syriens puisent également dans leurs précieuses ressources pour rémunérer les fonctionnaires afin d’obtenir des informations, par exemple sur leurs proches disparus, ou sur leur propre statut sur les listes toujours plus longues de personnes « recherchées » en Syrie. Pour ceux qui veulent s’assurer qu’ils ne seront pas arrêtés à la frontière s’ils désirent se rendre au Liban, le tarif en vigueur est d’environ 8,5 euros, le plus souvent payé à un employé du département des migrations et des passeports.

L’économie de guerre prédatrice se transforme lentement mais sûrement en une économie prédatrice de paix. Alors qu’une grande partie de celle-ci est directement liée à la violence, la guerre a donné naissance à d’innombrables formes subtiles de prédation qui perdureront et évolueront pendant des années. Cette économie cannibale qui englobe tous ceux qui en sont venus à dépendre de l’extorsion pour leur propre subsistance s’étend à la cohorte d’avocats, d’agents de sécurité et de fonctionnaires qui se sont positionnés comme « courtiers » sur le marché des documents officiels tels que les certificats de naissance, de mariage et de décès.

Un nombre incalculable de Syriens ont vécu ces événements charnières de leur existence alors qu’ils se trouvaient sur un territoire hors du contrôle gouvernemental ; afin d’éviter un purgatoire juridique à l’intérieur et à l’extérieur de la Syrie, ils paient souvent des sommes exorbitantes à des intermédiaires pour faciliter l’obtention de leurs papiers. Un avocat basé à Damas explique que cette industrie en pleine croissance a transformé sa profession :

Aujourd’hui, même les avocats les plus anciens de notre cabinet travaillent comme courtiers en documents. Un courtier bien branché gagne de 30 à 40 000 livres [50 à 66 euros] par jour, ce qui équivaut à peu près au salaire mensuel d’un fonctionnaire ayant fait des études universitaires. En conséquence, de nombreux employés du gouvernement démissionnent et travaillent comme courtiers pour gagner plus.

C’est un vrai business, qui ne laisse aucune place à la charité :

Tous les courtiers prennent de l’argent, même de leurs propres frères et sœurs. La semaine dernière, un collègue m’a amené son beau-frère. Je lui ai demandé pourquoi il avait besoin de moi, alors qu’il pouvait faire tous les papiers lui-même. Il m’a expliqué qu’il ne pouvait pas prendre l’argent de son propre beau-frère, mais que je pouvais le faire et lui en donner la moitié.

Ces dynamiques cannibales sont d’autant plus pernicieuses qu’elles s’auto-alimentent. La multiplication des formes de prédation a accéléré l’exode du capital financier et humain de la Syrie, laissant derrière elle un pays largement peuplé par une classe inférieure qui ne peut aspirer qu’à la survie. Les exigences de la survie, à leur tour, poussent un nombre croissant de Syriens ordinaires dans le cercle vicieux des industries prédatrices — si ce n’est comme prédateurs eux-mêmes, alors comme bénéficiaires secondaires de la prédation, en achetant ou en recevant des biens pillés, en bénéficiant de revenus familiaux générés par l’extorsion, et ainsi de suite. En d’autres termes, l’économie de guerre prédatrice se transforme lentement mais sûrement en une économie de paix prédatrice.

« Mur de la peur » et mur de la fatigue

Un changement moins visible, mais non moins profond réside dans le degré de soumission psychologique imposé à la société, après une période d’éveil révolutionnaire. Comme le disent certains Syriens, Damas a très efficacement reconstruit une seule chose au milieu de destructions incommensurables : le « mur de la peur » qui caractérisait le régime avant 2011 et qui s’est momentanément effondré au début du soulèvement. Cette transformation est évidemment liée à la résurgence de l’État sécuritaire sur les pans entiers du pays dont il s’était temporairement retiré. Des régions qui débordaient autrefois d’activisme révolutionnaire ont été ramenées sous l’œil vigilant de la police politique, les moukhabarat, laissant beaucoup de gens dans la crainte de parler ouvertement en dehors de l’intimité de leur foyer. Une chercheuse de Homs décrit cette pression dans sa ville natale :

J’ai une amie qui faisait des recherches avec une ONG sous licence, posant des questions dans la rue. Elle était enceinte. La sécurité est venue et l’a emmenée — sans poser de questions, ils l’ont juste emmenée. Elle a été détenue pendant la nuit et ils l’ont laissée sortir le matin — seulement parce qu’elle était enceinte.

La surveillance active, l’intimidation et la répression ne sont pas seules à contribuer à cette atmosphère de plomb. Un épuisement généralisé accable les Syriens. Plongés dans la misère par la guerre, sans illusions sur quiconque prétend les diriger ou les protéger, ils en sont largement réduits à survivre au jour le jour. La chercheuse de Homs poursuit :

En 2011, tout le monde discutait de politique, même ceux qui ne connaissaient rien à la politique. Aujourd’hui, ils ne parlent plus de politique, parce qu’elle n’a plus d’importance pour eux. Ils veulent vivre. Ils dépensent leur énergie à essayer de trouver de quoi manger ou à faire sortir leurs proches de prison.

Un analyste nord-africain qui a vécu et travaillé pendant des décennies à Damas se fait l’écho de ces observations en décrivant ses échanges avec ses amis dans et autour de la capitale :

Les gens sont perdus, frustrés à tel point qu’ils ne se soucient pas des événements quotidiens. Même les loyalistes diront carrément : nous ne savons pas où nous allons. Personne ne voit d’avenir.

Une société en morceaux

La société n’a pas seulement été broyée ; elle a aussi été mise en pièces. Au fur et à mesure que les communautés s’installaient dans la pénible routine de la guerre ou de l’exil, elles se sont repliées sur elles-mêmes, en groupes discrets qui ne savent plus grand-chose les uns des autres, même s’ils ont souvent beaucoup en commun. D’une part, la guerre a ouvert les fractures sociales et économiques présentes bien avant le conflit.

La ville de Homs est peut-être l’exemple le plus criant de cette tendance. Ville à majorité sunnite avec d’importantes minorités chrétiennes et alaouites, elle a été le premier grand centre urbain à se soulever et le premier à basculer dans un affrontement confessionnel sanglant et amer. Près de quatre ans après sa reconquête par les forces loyalistes, les divisions communautaires de Homs restent brutalement évidentes, imprégnant tout, des interactions sociales ordinaires aux modèles de reconstruction et de travail civique. Un travailleur d’une ONG décrit comment la sphère caritative de Homs est façonnée par ces divisions : « Les organismes de bienfaisance n’étaient pas intrinsèquement confessionnels, mais la guerre les a rendus ainsi. Les gens ne se sentent pas à l’aise s’ils doivent travailler en dehors de leur zone ». À Homs, comme dans toute la Syrie, les divisions communautaires sont intimement liées au clivage entre ceux qui sont vus comme avec ou contre le régime, concept binaire inadéquat, mais inéluctable, qui pèse sur marque des familles entières, des quartiers, des bourgs et des villes d’une manière qui se répercutera pendant des décennies. Alors que la majorité sunnite de Homs s’est massivement rangée du côté de la révolution, la minorité alaouite de la ville s’est rapidement mobilisée contre ce qu’elle percevait comme une menace existentielle.

Aujourd’hui, avec la résurgence de Damas, les frontières communautaires prennent un nouveau relief, opposant le vainqueur au vaincu. Un habitant d’un quartier alaouite de Homs s’offusque des maigres efforts de réhabilitation en cours dans les quartiers sunnites de la ville : « Je ne sais pas pourquoi notre gouvernement autorise ces projets de reconstruction. Ils devraient être dans nos quartiers, pour remercier les familles qui ont sacrifié leurs fils ». Alors que de vastes pans de la population sunnite se sentent réduits au silence et brutalisés, les communautés alaouites portent souvent leur propre récit de victimisation, mélangeant griefs légitimes et pulsions vindicatives à l’égard des sunnites, qui selon eux ont trahi le pays. Les sunnites, pour leur part, expriment souvent le point de vue opposé, à savoir que les quartiers alaouites ont prospéré grâce à la guerre et au profit. « Les zones loyalistes ont beaucoup profité du conflit », remarque un marchand sunnite de la ville. « Elles sont devenues comme des mini-États dirigés par des shabbiha [voyous loyalistes]. Même les forces de sécurité n’osent pas entrer dans une zone comme celle de Muhajireen. C’est terrifiant, et je ne vois pas quand on va revenir à la normale ».

Avec le régime ou contre le régime est un concept binaire inadéquat, mais inéluctable. Homs illustre en outre le fossé grandissant entre les riches et les pauvres en Syrie, une réalité qui a contribué à jeter les bases du soulèvement et qui a atteint désormais des proportions sans précédent. Une clique restreinte tire profit de l’économie de guerre alors que la majorité sombre dans la pauvreté. Un commerçant sunnite local résume la situation :

La guerre a ruiné l’activité commerciale ici. De nombreux commerçants respectables ont émigré ou ont été tués. La plupart de ceux qui sont encore là ont peur de retourner au travail. Il y en a qui réussissent ; ils sont proches des services de sécurité, ils informent sur les jeunes ayant des affiliations avec l’opposition, ou ils prennent d’énormes sommes d’argent aux familles qui essaient d’obtenir la libération de leurs enfants détenus. Ce sont ces hommes d’affaires qui réussissent à prospérer.

D’autres divisions sont moins visibles, mais non moins insidieuses, découlant de sept années d’une guerre brutale et désordonnée. En effet, les séparations grossières basées sur les religions ou les classes ne conviennent pas pour décrire un paysage complexe et fluide. Certaines lignes de faille sont moins spectaculaires, presque imperceptibles, sauf pour ceux qui en font l’expérience de première main. Les voisins, les collègues, les amis et les membres d’une même famille peuvent s’être retrouvés dans des camps opposés, même s’ils ont tous les marqueurs sociaux en commun. Chaque partie du pays a son propre écheveau d’événements tragiques à démêler. Le conflit a généré un énorme arriéré de ressentiments qui est peut-être étouffé pour l’instant, mais qui ne sera pas oublié de si tôt. Un enseignant de Rakka, par exemple, exprime un point de vue pessimiste sur la persistance des fossés creusés par la domination de l’État islamique dans cette ville :

De nombreux combattants de l’organisation de l’État islamique (OEI) ont changé de costume et se sont joints aux Forces démocratiques syriennes [dirigées par des Kurdes] pour se protéger eux-mêmes et protéger leur famille. Mais ils n’ont pas changé ; ces gens sont mauvais et le seront toujours. Il y aura une vengeance. Pas maintenant, pendant que tout le monde est occupé à remettre de l’ordre dans sa vie. Mais un jour, tous ceux qui ont souffert sous l’OEI, dont le frère a été tué par l’OEI, vont se venger.

L’héritage de la violence est exacerbé par une concurrence acharnée pour l’accès à de maigres ressources, ce qui crée une autre source de mécontentement courant sous la surface. À Damas, des degrés subtils sont apparus entre les habitants d’origine et une mosaïque de communautés déplacées, qui se disputent tous l’emploi et les dons caritatifs. Une femme déplacée de Deir Ezzor se sent coupable d’avoir pris des emplois à des individus connus familièrement sous le nom de nazihin — des Syriens qui ont été déplacés, en 1973, par l’occupation israélienne du plateau du Golan, et qui occupent depuis des décennies des positions inférieures dans la hiérarchie sociale syrienne :

Je travaille pour une femme qui employait auparavant une femme de ménage habitant le camp Wafideen [peuplé par des nazihin, des déplacés]. Mais l’employée a vieilli et a commencé à casser des choses. Sa patronne m’a dit que j’étais plus jeune et mieux adaptée au poste. Une autre femme avait l’habitude d’employer quelqu’un du camp Wafideen, mais elle ne les considère plus comme des déplacés. Elle pense que les nouveaux déplacés comme moi sont prioritaires.

On entend fréquemment des anecdotes similaires chez ceux qui luttent pour survivre dans et autour de la capitale. Une femme de la campagne d’Alep raconte comment elle a changé de place dans la hiérarchie de la misère de Damas :

Nous sommes venus à Damas il y a un an, et nous nous sommes inscrits au Croissant-Rouge arabe syrien pour recevoir de l’aide. Ils nous ont donné trois couvertures, un matelas et finalement trois paniers de nourriture. Mais maintenant ils ont arrêté, en disant qu’ils ne peuvent plus rien nous donner. Maintenant, c’est au tour des gens de la Ghouta.

Une femme de Deraa pointe le doigt ailleurs : « Les gens de Deir Ezzor prennent tous les paniers de nourriture. Ils sont très bons pour convaincre les travailleurs caritatifs de les aider. » Les habitants de la région dans le besoin, pour leur part, se sentent souvent négligés. Un natif d’une banlieue de Damas fait la remarque suivante : « Les organisations caritatives veulent en général aider ceux qui ont fui d’ailleurs. Donc, quand je vais à une œuvre de charité, je dis que je suis une déplacée. »

Chaque partie du pays a son propre écheveau d’événements tragiques à démêler. Moins vénéneuses que le schisme entre ceux qui se sont rangés d’un côté ou de l’autre de la guerre, ces divisions montrent néanmoins à quel point la violence a morcelé la Syrie en plusieurs parties. Et la liste continue : Le fossé entre sunnites conservateurs et sunnites plus laïques s’est calcifié, se manifestant même par une différence de traitement aux points de contrôle. « J’ai plus de facilité à me déplacer en voiture parce que je ne porte pas le hijab », remarque une femme de la banlieue de Damas. « Si vous vous voilez, la sécurité suppose que vous êtes dans l’opposition. »

Les divisions entre Syriens à l’intérieur et à l’extérieur du pays, entre communautés urbaines et rurales, et entre la capitale et la périphérie se sont également creusées, les premiers groupes blâmant souvent les seconds pour le soulèvement et la destruction qui s’ensuivit. Cette fragmentation semble donner lieu à un éventail croissant d’efforts de « dialogue » financés par l’Occident, entre un groupe et un autre, entre les communautés d’accueil et les déplacés, entre les institutions étatiques et les acteurs de l’opposition. Si le dialogue est cruellement nécessaire, certains Syriens alertent contre l’accent mis sur le dialogue pour lui-même, même au prix de l’enterrement de questions plus importantes. Un homme d’affaires de Damas décrit sa propre expérience avortée de pourparlers proposant de rassembler des éléments disparates du secteur privé : « Il y a toute cette industrie autour de la “médiation” », y compris entre des parties qui en fait ne sont en désaccord sur rien. Entre-temps, tous les problèmes qui ont causé le soulèvement se sont aggravés. »

Le risque de simplement replâtrer les pires maux de la Syrie est d’autant plus aigu que Damas est de plus en plus en mesure d’imposer sa version des événements à l’échelle nationale, en favorisant les loyalistes les plus agressifs du pays tout en réduisant au silence à la fois les opposants et ceux, plus ambivalents qui se situent quelque part entre les deux.

Se serrer les coudes malgré tout

Étant donné l’ampleur de la désintégration de la Syrie, il est d’autant plus frappant de constater l’ingéniosité avec laquelle les Syriens ordinaires continuent de s’en sortir, grâce à un mélange de courage, de patience et de formes de solidarité vitales. Pour beaucoup, cela revient à attendre et à endurer le temps qu’il faudra pour pouvoir réellement reprendre leur vie. Un enseignant de Deir Ezzor employé par le gouvernement décrit une expérience typique de retour à la ville, après plusieurs années de déplacement dans la province de Hasakah :

J’étais heureux de retrouver mon appartement intact. Il a été entièrement pillé, mais au moins il reste les murs et le toit. J’ai besoin d’environ deux millions de livres [3 320 euros] pour le réparer. J’ai des économies et mon fils est médecin en Arabie saoudite, alors il va m’envoyer les fonds nécessaires pour l’appartement et pour acheter la liberté de mes autres fils, enrôlés dans une milice kurde. La vie à Deir Ezzor n’est pas bonne. Il n’y a aucun service de base. Mais au moins, j’ai mon appartement et je pense que dans quelques mois, le gouvernement ramènera l’eau et l’électricité, et que quelques écoles ouvriront l’année prochaine. J’en ai assez d’être un déplacé. Je veux me reposer au sein de ma propre communauté. Ici, je peux aller au café et rencontrer mes amis, fumer la chicha, boire du thé et jouer aux cartes tous les jours.

Il faut souvent démontrer une forte capacité d’adaptation pour survivre, tant les événements changent constamment. Un autre natif de Deir Ezzor, moins optimiste décrit les efforts qu’il a déployés pour maintenir son emploi dans une clinique publique tout en permettant à sa famille de continuer à vivre dans la relative sécurité de son exil à Damas :

Il y a trois mois, on m’a demandé de revenir à Deir Ezzor pour reprendre le travail, sinon je perdais mon emploi. Mais j’ai trois filles adolescentes et deux fils, et j’ai peur de les amener avec moi à cause des milices et des gangs de criminels. La ville est devenue un endroit pour les shabiya, pas pour les civils. Donc, je reste avec mon frère à Deir Ezzor une semaine par mois, et je passe trois semaines à Damas avec ma famille. Je possédais une maison de deux étages et une grande pharmacie à Deir Ezzor ; les deux ont été détruites. Mon salaire gouvernemental est d’environ 45 000 livres [75 euros] par mois, ce qui suffit seulement à payer mon loyer à Damas. Je gagne encore 60 000 livres [100 euros] par mois en travaillant de longues heures dans une pharmacie privée. Me rendre à Deir Ezzor et en revenir coûte plus cher que mon salaire du gouvernement — environ 45 à 50 000 livres [75 à 83 euros] par voyage.

Comme les Syriens sont forcés d’être plus autonomes, ils en sont venus à dépendre de plus en plus de structures de soutien social vitales pour eux. En effet, les circonstances extrêmes ont créé un paradoxe : alors même que la société s’est fragmentée de multiples façons, l’ampleur des privations rend sans doute les Syriens plus étroitement interdépendants que jamais auparavant. Il faut souvent démontrer une forte capacité à l’adaptation pour survivre, tant la situation évolue constamment.

Le mécanisme de soutien le plus fondamental et le plus répandu est peut-être l’envoi d’argent par des membres de la famille vivant à l’étranger. Une femme déplacée de Homs qui habite maintenant à Damas explique comment l’aide de sa famille lui permet de survivre :

J’ai travaillé comme domestique à domicile chez une vieille dame et j’ai reçu une avance pour que mon mari puisse ouvrir un petit magasin. Mon mari a eu un accident vasculaire cérébral, alors j’ai quitté mon travail et j’ai repris l’atelier. Mais entre le loyer, les factures, la nourriture, le traitement pour mon mari et l’école pour ma fille, je dépense plus que ce que je gagne. J’ai trois sœurs — deux dans le Golfe et une à Homs — qui sont dans une meilleure situation que moi, alors elles m’envoient une allocation mensuelle.

D’autres formes de soutien sont plus organisées, mais non moins authentiques. Elles ne répondent pas à un intérêt financier ou politique, mais plutôt à un simple désir d’entraide. Ces efforts à la base de la société sont souvent déclenchés par des besoins immédiats et urgents et dépendent de la bonne volonté des populations locales qui peuvent se le permettre. Un officier de l’armée à la retraite vivant dans la banlieue de Damas décrit comment, avec un groupe d’amis, il a décidé d’agir en dehors de toute initiative formelle de secours :

En 2013, un grand nombre de personnes déplacées sont venues dans notre ville, ayant besoin d’abris et de nourriture. Certains leur ont donné de la nourriture et des couvertures, ou ont trouvé des appartements, des magasins et des écoles vides pour qu’ils puissent dormir. Moi-même et six amis avons commencé à discuter de la façon dont nous pourrions recueillir des dons. Nous avons fait le tour de la ville en demandant aux résidents de faire un don de nourriture, de couvertures ou d’argent liquide. Certains se sont portés volontaires pour préparer des repas chauds. Les médecins ont proposé d’examiner les déplacées, tandis que les pharmaciens fournissaient gratuitement des médicaments. Nous sommes allés dans la zone industrielle demander aux propriétaires d’usine de donner des matériaux pour équiper un abri. Certaines usines de confection ont accepté de faire don de vêtements deux fois par an, tandis que les usines alimentaires fournissaient chaque mois des denrées de base. Nous recevons aussi de l’argent d’expatriés syriens.

Ces méthodes informelles de soutien ont des racines profondes dans la société. Les classes moyennes et supérieures du pays ont depuis longtemps étendu les formes vitales de solidarité à leurs compatriotes les plus démunis, les réseaux marchands et religieux syriens jouant un rôle de premier plan. Ce qui est unique aujourd’hui, c’est l’ampleur des difficultés dans tout le pays, si vaste qu’elle a changé la façon dont les Syriens conçoivent l’acte de recevoir l’aumône. Un homme d’affaires du centre de la Syrie souligne à quel point la dépendance, qui exigeait autrefois un certain degré de discrétion, est devenue une réalité du quotidien :

Les gens avaient l’habitude de cacher qu’ils dépendaient de la charité. Plus maintenant. Aujourd’hui, on peut entendre les travailleurs d’une usine se demander : “Où est le directeur ?” Et quelqu’un dira qu’il est allé chercher son panier de nourriture. Tout le pays vit de la charité.

Comme les besoins ont grimpé en flèche, les Syriens ordinaires ont réagi collectivement pour relever des défis apparemment insurmontables — un exploit qui, pour cet homme d’affaires, suggère une lueur d’espoir :

Les gens font toujours la charité à la manière islamique, en partant du principe que l’on doit aider ceux qui vous sont les plus proches. S’il y a quelqu’un que l’on doit aider — disons, un voisin — mais qu’on ne peut pas, alors c’est la responsabilité de chacun de trouver quelqu’un d’autre qui le peut. Ces cercles restent très intacts, et toute la société vit de cela.

Sept ans de guerre n’ont pas détruit cet aspect de la culture syrienne, ce dont les Syriens sont fiers.

Questions sans réponses

La guerre en Syrie se dirige vers une conclusion sans aucun sentiment de dénouement. Au fur et à mesure que la violence à grande échelle s’apaise, des questions essentielles resteront sans réponse : Combien de personnes ont été tuées ? Par qui et pour quelle raison ? D’innombrables tragédies resteront obscurcies par des récits concurrents, par la destruction des preuves et par l’ampleur de la dévastation du pays. D’autres questions sont depuis longtemps épuisées, et pourtant, elles suscitent un cycle de commentaires sans fin et sans intérêt. Le régime a gagné, dans les conditions maximalistes qu’il a énoncées dès le début, et il n’aucun appétit pour des compromis qui permettraient d’avancer. Après sa victoire, les alliés de Damas ne reconstruiront pas le pays. Les États occidentaux non plus, qui continueront d’offrir un soutien humanitaire tout en s’opposant à l’idée de financer une véritable reconstruction conduite par Assad. Il n’y aura pas de reprise à l’échelle nationale, pas de réforme sérieuse, pas de réconciliation significative dans un avenir prévisible.

Mais cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas de questions valant la peine d’être posées. Au contraire, les plus urgentes sont trop souvent négligées, alors que le monde entier se concentre sur la géopolitique et sur de vains processus de paix. Elles concernent la façon dont la société syrienne a lutté, changé et en fin de compte survécu, ce que la Syrie est devenue, comment les Syriens s’organisent et de quoi ils ont besoin pour se créer un avenir. Les réponses ne se trouveront ni à Genève ni à Astana, ni dans les coulisses du pouvoir à Damas. Elles seront soufflées par les gens qui vivent sur place.

1Tous les chiffres en dollars sont approximatifs, arrondis au taux de change de 500 livres syriennes pour un dollar.

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