L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) vient de publier un communiqué (voir sa traduction ci-dessous) qui confirme sa disponibilité à contribuer au règlement de la question de Palestine. Elle y affiche des positions politiques et méthodologiques qui sont connues de longue date. Ces positions restent largement irréconciliables avec celles du gouvernement israélien qui n’est prêt à revenir à la table des négociations que si aucune « précondition » n’est posée par les Palestiniens. Par « précondition », Israël entend les demandes palestiniennes concernant la fin de la colonisation, l’acceptation que les frontières de 67 soit une référence de négociation (ce qui inclut le Golan syrien, les territoires palestiniens y compris Jérusalem-Est), etc. D’un point de vue méthodologique, « pas de précondition » signifie donc pour Israël : « on met de côté les engagements du passé et on prend en compte la situation géopolitique et le rapport des forces d’aujourd’hui (en termes de colonies existantes, de cessation de la violence, d’islamisme à Gaza, probablement etc.) ».
Conscients qu’aucun calendrier de négociation n’a jamais été respecté, les Palestiniens n’ont pas demandé cette fois-ci qu’une date limite soit fixée pour marquer la fin du processus de négociations, même s’ils savent qu’un processus peut être interminable et ne servir que la cause du plus fort.
Dans son texte, l’OLP rappelle à plusieurs reprises qu’elle reste attachée à la solution des deux États. Ce rappel n’est pas inutile à un moment où des Israéliens et des Palestiniens suggèrent qu’un État binational serait une solution acceptable. Ehud Olmert, le prédécesseur du premier ministre Netanyahou, mettait en garde Israël contre l’État binational qui signifierait la fin de l’État juif puisque les Arabes y seraient majoritaires. Il pensait en effet avoir décelé chez les Palestiniens une volonté de changer le paradigme du conflit, pour passer d’une lutte à l’algérienne contre le colonisateur à un combat à la sud-africaine pour imposer le principe d’une voix, un vote, qui, démographie aidant, ne pourrait que servir les intérêts des Palestiniens.
Communiqué de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), 31 mai 2013 :
Six questions pour reprendre les négociations. La liberté de la ville n’est pas négociable. Nous ne pouvons négocier avec ceux qui disent : « ce qui est à moi est à moi et ce qui est à vous est négociable » (John F. Kennedy, ancien président des États-Unis).
Un nouvel effort international, conduit par les États-Unis est en cours, visant à relancer les négociations sur le statut final. La direction palestinienne n’a aucun doute sur la sincérité des intentions du secrétaire John Kerry et a soutenu ses efforts dans cette entreprise. Avant de savoir si ce nouvel effort est en mesure de produire un plan concret, un certain nombre de questions doivent être posées pour juger si des négociations réelles et significatives peuvent reprendre pouvant conduire à l’établissement de deux États souverains et démocratiques sur les frontières de 67, vivant côte à côte, en paix et en sécurité.
1. Est-ce que la proposition du secrétaire Kerry est de nature à faire progresser le volet politique vers une solution juste et durable ?
Une discussion s’est engagée sur des propositions économiques pour contribuer au développement de l’économie palestinienne. Si le développement économique est un facteur toujours positif, il n’en reste pas moins que tout développement économique sera étouffé par l’occupation. Le secrétaire Kerry a d’ailleurs lui-même déclaré à plusieurs reprises que le volet économique ne pouvait être un substitut du volet politique. En conséquence, si Israël n’est disposé qu’à alléger l’occupation sans rien offrir d’autre qui conduise à mettre fin à ses 46 années d’occupation, ce ne sera évidemment pas suffisant pour tracer un horizon politique.
2. Israël a-t-il manifesté le moindre intérêt pour la solution des deux États ?
Un engagement israélien pour la solution des deux États en accord avec la vision de la Palestine et du reste de la communauté internationale constituerait un pas positif. Malheureusement, de récentes déclarations faites par de hautes personnalités du gouvernement israélien montrent qu’il existe un clivage au sein du gouvernement israélien sur la question du processus de paix avec la Palestine. Un grand nombre de personnalités importantes de la coalition au gouvernement s’opposent publiquement à la solution des deux États. Parallèlement, des actions continues sur le terrain, dont beaucoup relèvent du domaine de l’entreprise illégale de colonisation, prouvent une claire intention de saper la possibilité des deux États vivant côte à côte.
De même, il est devenu évident que la paix avec la Palestine n’est pas une priorité de la politique israélienne, la fin de l’occupation n’ayant figuré dans aucune des plateformes des partis politiques en vue des élections de janvier 2013. Un grand nombre de commentateurs et de décideurs politiques ont mis en avant une apathie générale au sein de la population israélienne et le sentiment que le conflit pouvait être géré plutôt que résolu. De tels comportements sont dangereux et préjudiciables à toute perspective de paix. Par opposition, la Palestine a pleinement soutenu depuis 1988 la solution des deux États, internationalement reconnue, dans la ligne des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et du consensus international, comme elle a respecté ses obligations bilatérales et internationales dans le cadre de la Feuille de route (résolution 1515 du Conseil de sécurité de l’ONU).
3. Est-ce qu’Israël est disposé à respecter ses obligations préalables en application des accords passés ?
Jusqu’à aujourd’hui, Israël a failli à la majeure partie de ses obligations liées aux accords passés. La reprise des négociations « sans préconditions » est devenue son leitmotiv destiné à donner une image positive, c’est-à-dire à faire valoir une disposition hypothétique à reprendre les négociations. En réalité, en appeler à un processus sans signification ou dépourvu d’intention sincère de parvenir à la paix n’est qu’un leurre qui permet à Israël de poursuivre son projet de colonisation à l’intérieur de l’État de Palestine occupé, en violation flagrante de la légalité internationale et des accords passés.
4. M. Netanyahou a-t-il fourni une carte qui donnerait à voir à quoi ressemblerait la solution des deux États ?
Si M. Netanyahou présentait une telle carte, alors on pourrait croire à son sérieux parce que cela démontrerait l’engagement d’Israël à l’égard de la solution des deux États et offrirait une base pour des négociations sérieuses. L’OLP a fourni une carte détaillée et des positions claires de négociations basées sur les résolutions des Nations unies et sur la légalité internationale.
5. Israël est-il disposé à cesser TOUTE son activité de colonisation ?
Qu’Israël soit disposé à mettre un terme à ses activités de colonisation prouverait que son intention de parvenir à une solution négociée est sincère. La fin de la colonisation n’est pas une précondition palestinienne mais un impératif basé sur les obligations passées et la légalité internationale, en application desquelles le transfert de sa propre population dans un territoire occupé constitue un crime. Qui plus est, c’est une vérité logique que de dire que des négociations sincères ne peuvent se tenir quand l’une des parties préjuge constamment de l’issue de ces négociations par la colonisation des territoires de l’autre partie. Cette vérité est bien connue, la communauté internationale, y compris les États-Unis, a une position établie sur l’illégalité des colonies et sur l’obligation pour Israël de mettre un terme à son extrêmement préjudiciable activité de colonisation. Malheureusement, cette réalité est le plus souvent oubliée à chaque fois qu’il s’agit de reprendre les négociations.
6. Qu’offrent les Palestiniens ?
Les Palestiniens ont fait de nombreuses concessions et des gestes de bonne volonté. Bien que la solution des deux États soit considérée aujourd’hui comme la norme, il faut se souvenir que cette solution est basée sur le compromis historique palestinien de 1988 selon lequel l’OLP acceptait, au nom de la paix, un État basé sur seulement 22 % de la Palestine historique. Pendant les quelques vingt dernières années du processus de paix, les Palestiniens ont accepté toutes les négociations de bonne foi et ont agi dans le respect des accords obtenus. La Palestine s’est aussi retrouvée avec d’autres pays dans la région pour mettre au point l’« initiative de paix arabe », qui offre à Israël des relations normalisées avec 57 pays arabes et musulmans dès qu’Israël se sera complètement retiré de tous les territoires occupés depuis 1967, ainsi qu’une solution juste à la question des réfugiés palestiniens en application de la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies. »
(Traduction libre)
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