Pourquoi le Hezbollah participe-t-il aux combats en Syrie ?

Le Hezbollah reconnaît qu’un certain nombre de ses combattants sont présents en Syrie. Il explique pourquoi et dans quelles limites.

Ibrahim al-Amine, le rédacteur en chef d’Al-Akhbar, un quotidien qui a toujours appuyé « le camp de la résistance » à Israël et aux Etats-Unis, vient de publier un important article, « Hezbollah’s Role in Syria » (22 mars). Bien introduit auprès des dirigeants du Hezbollah, Al-Amine offre un éclairage intéressant sur leur vision de l’évolution de la situation dans la région et sur les conséquences qu’ils en tirent. Il confirme la participation d’un certain nombre de combattants de l’organisation aux affrontements en Syrie.

« Quels sont les fondements idéologiques, politiques et opérationnels de la position du Hezbollah ? », s’interroge Al-Amine.

« Le Hezbollah continue à voir les événements du point de vue de son rôle central dans la confrontation avec Israël. Il n’explique pas toujours l’objectif ultime de cette lutte, mais le parti se comporte comme si celle-ci s’inscrivait dans une campagne à long terme visant à en finir avec Israël, une bataille qui nécessite beaucoup de préparation. Alors que la majorité des peuples arabes et musulmans ne seraient pas dérangés par l’élimination d’Israël, seule une minorité est prête à mener ce combat jusqu’au bout. (...)

Personne n’aurait pu, au début de la crise, imaginer que le Hezbollah prenne position contre le régime syrien. Si le parti connaît les causes internes de la crise, il n’approuve pas pour autant les batailles qui se déroulent dans ce pays. Sa vision plus large [l’auteur parle de sa vision de l’affrontement avec Israël] l’empêche d’adopter une posture neutre, d’autant qu’il a en Syrie davantage de sympathisants que la plupart des groupes impliqués dans les combats. » L’auteur fait ici allusion aux liens avec les diverses minorités, sur lesquels nous reviendrons plus bas.

(...) « Pour le Hezbollah, tout simplement, la guerre en Syrie vise à faire basculer ce pays, politiquement et stratégiquement, dans une position d’opposition à son existence même [celle du Hezbollah]. C’est pourquoi il voit le régime actuel dirigé par Bachar Al-Assad comme une ligne de défense avancée pour le mouvement de la résistance au Liban et en Palestine. C’est la raison pour laquelle le parti est au cœur de la crise. »

L’auteur donne ensuite des éléments concrets sur la participation du Hezbollah aux combats en Syrie.

— « Le Hezbollah, entraîne, arme et fournit un soutien logistique aux habitants des villages frontaliers libanais.

— Le Hezbollah a pris la relève de la protection du sanctuaire de Sayida Zeinab au sud de Damas [le tombeau de Zeinab, la fille de l’imam Ali], remplaçant les gardes irakiens ; des membres du parti y sont déployés en vertu d’un plan qui limite leur responsabilité à la proximité immédiate du sanctuaire.

— Le Hezbollah a reçu des délégations d’un nombre considérable de mouvements druzes, chrétiens, chiites et ismaéliens, qui pensent que leurs communautés minoritaires sont sérieusement menacées. Il n’a pas répondu à leur demande de formation militaire et d’armement, mais « leur a donné les moyens d’empêcher leur déplacement ». [Cette allégation n’est pas plus précise.]

— Le Hezbollah, qui a des liens militaires et de sécurité avec le régime, aide les forces syriennes à protéger des académies scientifiques et des usines de missiles construites au cours de la dernière décennie, en grande partie avec l’aide de l’Iran.

— Le Hezbollah gère un important programme, peut-être le plus conséquent, pour aider les réfugiés syriens au Liban et en Syrie même. Il ne s’agit pas de « rembourser » les Syriens qui avaient accueilli des réfugiés du Liban en 2006. Ce programme est conduit en toute discrétion, avec la conviction que les réfugiés et les personnes déplacées ont droit à toute l’aide humanitaire possible, indépendamment de leurs opinions politiques. »

Cet article a été publié à la veille de la démission du premier ministre libanais Najib Mikati. Cet épisode confirme que le Liban (pas plus que l’Irak d’ailleurs) ne pourra rester longtemps à l’abri des affrontements qui se poursuivent en Syrie. Cette démission marque peut-être, comme l’écrit Al-Amine dans un autre article, la fin de la « dissociation », de la séparation des dossiers libanais et syrien (« Mikati’s Resignation : The End of Dissociation », 23 mars).

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