La création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucun fondement en droit et constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable.
Résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’ONU, décembre 2016.
Peu avant cette résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’ONU — dernière d’une longue série concernant Israël —, le Conseil de l’Union européenne (UE) avait pour sa part déclaré, en janvier 2016, que l’UE était « déterminée à veiller à ce que, conformément au droit international, l’ensemble des accords qu’elle conclut avec l’État d’Israël mentionnent sans équivoque et expressément qu’ils sont inapplicables aux territoires occupés par Israël en 1967. »
Ceci dit, la Cour pénale internationale (CPI) condamnait déjà en 1998 toute entreprise de colonisation de manière radicale, puisque l’article 8 de son Statut de Rome rangeait — range toujours — au nombre des crimes de guerre « le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l’intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou d’une partie de la population de ce territoire »
Cinquante ans après le début de l’occupation israélienne en territoire palestinien occupé, et malgré tant de condamnations par la communauté internationale au titre du droit international, la colonisation israélienne se poursuit, voire s’accélère, dans une totale impunité. Ainsi, durant les six premiers mois de l’année 2016, le gouvernement israélien a annoncé la construction de 1 823 habitations supplémentaires dans les colonies israéliennes à Jérusalem-Est et dans la zone C de la Cisjordanie. La politique de colonisation repose à la fois sur l’accaparement sans cesse croissant de nouvelles terres et sur la création d’un environnement coercitif, afin d’empêcher toute continuité territoriale indispensable à l’établissement d’un État palestinien.
Les « liaisons dangereuses »
La position officielle de la France suit le mouvement international. Pourtant, les principales institutions financières françaises soutiennent bel et bien les banques et entreprises israéliennes impliquées dans les colonies, contribuant ainsi indirectement au maintien et au développement de cette situation illégale. BNP Paribas, le Crédit agricole, la Société générale, le groupe Banques populaire et caisses d’épargne (BPCE) et Axa gèrent des participations financières et détiennent des actions auprès de banques et d’entreprises israéliennes qui financent les colonies pour les premières, et pour les secondes construisent habitations et usines et fournissent divers services et équipements.
BNP Paribas, la Société générale, LCL (filiale du Crédit agricole) et Natixis (filiale de BPCE) ont en outre accordé des prêts — dont l’échéance est fixée à 2020 — pour un montant total de 288 millions d’euros à l’entreprise publique israélienne Israel Electric Corporation (IEC), qui approvisionne en électricité l’ensemble des colonies. Il s’agit d’un projet d’extension de deux centrales électriques au gaz. La décision des banques françaises d’accorder ces financements dédiés à l’IEC est fortement liée au fait que les travaux en sont effectués par l’entreprise française Alstom. Or, l’IEC approvisionne les colonies israéliennes en électricité et favorise ainsi le maintien et l’extension des colonies. Pire, elle a été accusée à plusieurs reprises d’imposer des punitions collectives sous forme de coupures totales d’électricité dans des villes palestiniennes en Cisjordanie telles que Naplouse ou Jénine (mais également à Gaza).
Devoir de vigilance
Toutes ces institutions financières françaises ont pourtant une politique de responsabilité sociale d’entreprise, et plusieurs parmi elles ont déclaré soutenir et se conformer aux Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et droits de l’homme. Mais on le sait depuis longtemps, sans outils juridiques adéquats, ce genre de déclaration demeure souvent lettre morte, servant surtout la politique de communication des entreprises.
C’est sans doute pour lutter contre cet état de fait que la France vient de se doter d’une loi « relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre » qui, même retoquée par le Conseil constitutionnel, prévoit l’obligation pour les grandes sociétés anonymes d’établir et de mettre en œuvre un plan de vigilance comportant des mesures propres à identifier et prévenir notamment, outre les dégâts environnementaux, « la réalisation de risques d’atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ».
En se basant sur cette loi, les auteurs du rapport rappellent au gouvernement français sa responsabilité vis-à-vis de ses engagements internationaux, compte tenu de son silence sur les activités menées par les banques et assurances françaises, dont il est actionnaire et dont les sièges sociaux sont situés en France. Et lui demandent de mettre fin à toute espèce de lien entre le système bancaire français et les banques et entreprises israéliennes opérant en territoire palestinien occupé, notamment en faisant appliquer ou en veillant au respect de la loi relative au devoir de vigilance dont il vient de se doter. Sous-entendu : sans faire d’exception pour Israël.
Des informations non démenties
Les informations contenues dans ce rapport sont basées sur une analyse financière — consultable en annexe — qui repose sur les publications financières des entreprises et banques ainsi que sur des bases de données spécialisées, recoupées avec des informations accessibles en ligne. Des informations supplémentaires ont aussi été recueillies en France et sur le terrain. Les banques et assurances mentionnées ont été invitées à la commenter et, à ce jour, aucune d’entre elles n’a infirmé les liens financiers avancés — que certaines ont même confirmés oralement ou par écrit.
En plus des informations détaillées sur les « liaisons dangereuses » entre les entreprises financières françaises et les banques et entreprises israéliennes impliquées dans la colonisation des territoires palestiniens occupés, on y trouve un récapitulatif assez complet — souvent en note — de l’ensemble des textes juridiques qui, en droit international, condamnent la colonisation et désignent clairement les responsabilités des États et celles des entreprises dans sa poursuite.
Les articles présentés sur notre site sont soumis au droit d’auteur. Si vous souhaitez reproduire ou traduire un article d’Orient XXI, merci de nous contacter préalablement pour obtenir l’autorisation de(s) auteur.e.s.