Albert Aghazarian, un amoureux de Jérusalem

Albert Aghazarian, historien palestinien d’origine arménienne et notamment l’un des porte-paroles de la délégation palestinienne à la conférence de paix de Madrid en 1991, est mort le 30 janvier, à l’âge de 69 ans. Portrait.

Jérusalem, 2 mai 2010. — Albert Aghazarian (g.) avec le poète et conteur palestinien Taha Muhammad Ali
PalFest 2010/Flickr

Albert Aghazarian n’était pas seulement un ami. Si tel était le cas, je n’écrirais pas ce court message, mais je le garderais dans mon cœur, où il restera en tous cas toujours. Au fil des ans, il a été si important pour tellement de gens.

Tout d’abord, à l’université de Birzeit où il a enseigné l’histoire du Proche-Orient, mettant en valeur l’énorme diffusion chronologique et géographique de son érudition grâce à sa prose arabe scintillante. Militant et penseur, il a été le porte-parole de Birzeit pendant deux décennies, les années 1980 et 1990. Pendant ces années, en tandem avec le président Hanna Nasir et le vice-président Gabi Baramki, il a mené de nombreuses luttes contre une occupation déterminée à paralyser la croissance en devenir de cette institution palestinienne unique.

Grâce à son éloquence multilingue, il a affronté des soldats hostiles, des dignitaires en visite, des personnalités locales, des étudiants dynamiques, avec un aplomb vigoureux. En particulier, il n’a montré aucune peur face aux invasions, fermetures et répressions militaires, expliquant en hébreu pourquoi les droits humains, la dignité et la justice ont une valeur universelle. À de nombreuses reprises (mais hélas pas toujours), il a ainsi pu parer ou retarder des interventions militaires visant à arrêter des étudiants et du personnel, à occuper l’université ou à fouiller des bâtiments.

Sa bravoure avant, pendant et après l’Intifada de 1987 était exceptionnelle, avant-gardiste, alors qu’il expliquait la politique de son université au monde entier. En effet, la vitalité des groupes de solidarité avec Birzeit à travers la ligne verte, mais aussi en Europe occidentale et orientale et dans les Amériques, doit beaucoup à la réciprocité et à la coopération inventive offertes par le bureau des relations publiques de l’université dirigé par Aghazarian.

Au cours de la même période, il a participé à de nombreuses conférences internationales traitant de la question palestinienne, où il a ravi les amis de la cause et indigné ses adversaires, allant jusqu’à être menacé personnellement à cause de son puissant plaidoyer.

Lors de la deuxième Intifada, et pendant de longues périodes, il est devenu difficile, voire impossible, pour les habitants de la vieille ville de Jérusalem d’atteindre leurs lieux de travail en Cisjordanie. Cela a conduit Albert à réorienter ses énergies vers la célébration et la défense de sa grande passion, Jérusalem. Il se considérait comme un Arménien, un Palestinien, un citoyen du monde, sans ordre de priorité particulier.

Il a de plus en plus travaillé comme interprète lors de conférences internationales, créant sans effort des ponts entre des personnes disparates des quatre coins du monde. Une fois, il s’est assis pendant des heures avec un professeur turc invité à Birzeit, lui enseignant le turc natif de sa propre grand-mère, que la Turquie moderne a oublié.

Mais avant tout, il était un Jérusalémite, connaissant la ville dans tous ses coins et recoins historiques, à la fois les trésors culturels et les statistiques pertinentes. Il a passé beaucoup de temps dans les cafés et les monuments de la ville, passant constamment du monde intime de ses compatriotes jérusalémites au monde plus large de ses nombreux interlocuteurs. Des milliers et des milliers de personnes, du pays, de la région et du monde, ont bénéficié de ses explications inlassables sur les beautés, les gloires et misères de la vie sous occupation à Jérusalem, portant toujours la lueur d’espoir et de rédemption que la ville représentait néanmoins.

Il est inconcevable que la mort d’Albert Aghazarian puisse provoquer autre chose que la tristesse et le regret pour celles et ceux qui ont partagé d’une façon ou d’une autre sa passion pour la vie, qui incarnait en elle-même les espoirs d’un peuple et des peuples du monde.

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