BHL en Libye, le retour raté

Samedi 25 juillet 2020, Bernard-Henri Lévy a tenté un « retour » en Libye. Ce fut aussi bref que raté. Arrivé le matin même en jet privé à l’aéroport de Misrata, il a dû écourter son voyage et repartir dans la soirée. Qu’était-il venu faire ? Révélations sur les déconvenues d’un déplacement dont on ignore les motifs exacts.

Tripoli, 15 septembre 2011. Bernard-Henri Lévy au milieu de Nicolas Sarkozy et de David Cameron, en compagnie du président et du premier ministre du Conseil National de Transition (CNT) Moustafa Abdel Jalil et Mahmoud Jibril.
Eric Feferberg / AFP

Au cas où certains auraient raté le premier épisode des aventures de Bernard-Henry Lévy en Libye en 2011, le « nouveau philosophe » a décidé d’offrir un nouvel opus de ses pérégrinations auto-promotionnelles en zone de guerre. Celui qui se targue d’avoir œuvré pour la liberté et la démocratie en Libye et d’avoir convaincu Nicolas Sarkozy d’intervenir militairement pour protéger le peuple libyen est en effet revenu dans ce pays ce samedi 25 Juillet .

Dans l’ouvrage relatant ses aventures de 2011, La Guerre sans l’aimer – Journal d’un écrivain au cœur du printemps libyen, Lévy décrivait en détail ses deux voyages clandestins de 2011 en Libye, par la route en février 2011 puis par bateau quelques semaines plus tard. Sa dernière apparition mémorable dans le pays, le 15 septembre de la même année, aux côtés de Nicolas Sarkozy et du premier ministre britannique David Cameron, venus célébrer la victoire contre le régime de Mouammar Kadhafi, avait été pour lui une apothéose grandiose. L’écrivain, qui se rêvait en Lawrence d’Arabie avait-il alors en tête ces images de Lawrence accompagnant le général Allenby lors de son entrée victorieuse dans Jérusalem le 11 Décembre 1917 ? Toujours est-il que sur la vidéo de l’évènement, on y voit BHL tentant par tous les moyens d’être visible sur la photo de groupe, revenant dans le champ à plusieurs reprises avant d’en être écarté à chaque fois par les services du protocole.

Cette fois-ci, notre « écrivain qui n’aime pas la guerre » a opté pour un mode de transport plus rapide et moins « littéraire » et s’est posé à bord d’un jet privé sur l’aéroport de Misrata. Mais qu’allait faire cette fois en Libye cet éminent défenseur des droits des peuples, qui n’a eu un mot pour critiquer le soutien de Paris à la guerre déclenchée il y a plus d’un an par le maréchal Khalifa Haftar ? Une nouvelle mission de bons offices au service de son ami Emmanuel Macron, comme il l’aurait dit à certains de ses interlocuteurs libyens ? Un reportage journalistique ? Mystère.

Le même mystère demeure sur la procédure d’invitation de BHL en Libye. Le maire de Misrata affirme n’avoir pas été informé de cette visite et, plus grave encore, le conseil présidentiel et le gouvernement d’accord national de Tripoli affirment n’avoir jamais validé ce séjour. BHL aurait-il piétiné la souveraineté du jeune État libyen et pensé qu’il pouvait s’affranchir des procédures réglementaires auxquelles sont astreints tous les visiteurs étrangers, à commencer par l’obtention d’un visa ?

Une promenade en voiture blindée

À son programme prévu initialement pour durer deux jours figuraient des entretiens avec des chefs de groupes armés de Misrata et un petit circuit dans les villes de Tarhuna (récemment libérée des troupes pro-Haftar) et d’Al-Khums le samedi 25 Juillet, ainsi qu’un entretien le lendemain avec le ministre de l’Intérieur Fathi Bachagha, originaire lui-même de Misrata. Les choses ne se sont hélas pas passées comme prévu pour notre écrivain journaliste. Bien qu’organisée par de riches et influents hommes d’affaires de Misrata, la visite de BHL s’est donc limitée à une promenade en voiture blindée.

Les acteurs militaires de Misrata qui devaient le rencontrer ont décliné, les autorités locales d’Al-Khums ont refusé de le rencontrer et le convoi de BHL a été bloqué à l’entrée de la ville de Tarhuna par des unités locales et des forces du gouvernement d’accord national. Des coups de feu ont été tirés en l’air pour preuve de leur détermination à lui interdire l’accès à la ville, et notre valeureux écrivain en a été bon pour rester à l’abri dans sa voiture blindée avec pour lot de consolation une halte photo sur la route du retour, devant ce qui apparaît comme des excavations de tombes collectives. Juste le temps ensuite de rentrer à Misrata et embarquer dans son jet privé pour quitter la Libye dans la soirée.

Si l’objectif de la visite de BHL était de redorer le blason de la France dans l’Ouest libyen après son soutien au maréchal Haftar, c’est un fiasco complet. Quant au reportage, outre les photos de BHL débarquant à l’aéroport de Misrata et celles devant des tas de terre supposés être des tombes collectives, il sera difficile de publier autre chose que des photos volées de l’intérieur de sa voiture blindée ou le récit haletant de la « fusillade » de Tarhuna. Nul doute que notre écrivain saura tourner à son avantage cette mascarade. Ses relais dans les nombreux médias français lui permettront de raconter ses nouvelles aventures libyennes. On imagine son récit ponctué de la bande-son de « l’embuscade » que lui auront tendue des groupes « d’islamistes » ou de bandits, forcément ennemis de la liberté et de la démocratie.

En attendant, la dernière escapade libyenne de BHL a déjà eu des conséquences sérieuses en Libye. Accusé d’avoir été impliqué dans la préparation de cette visite sans en avoir informé le conseil présidentiel, le ministre de l’Intérieur Fathi Bachagha est la cible de nombreuses attaques et critiques. À Misrata même, cette affaire a également suscité des tensions, aggravant des lignes de fracture et des clivages existants. Si BHL se targue de ne pas aimer la guerre, force est de constater qu’il s’y complaît. Quant au peuple libyen et à sa souveraineté, ils sont pour notre écrivain aux discours grandiloquents les derniers de ses soucis.

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