Nous, membres du Collectif international des avocats d’Ihsane El Kadi, considérons que les conditions sont loin d’être réunies pour un procès équitable qui garantisse ses droits tels que stipulés dans la législation algérienne et les conventions internationales ratifiés par l’Algérie.
D’une part, Ihsane El Kadi est injustement maintenu en détention : les demandes de libération qu’il a déposées par le biais de ses avocats ont toutes été rejetées alors qu’il présente toutes les garanties de représentation nécessaires. De plus, le traitement de ces demandes a été entaché d’irrégularités, dont la plus notable a été, le 15 janvier 2023, la réunion de la Chambre d’accusation en son absence et en l’absence de ses avocats.
D’autre part, Ihsane El Kadi est la cible d’une vaste campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux, mais aussi sur les ondes de la radio publique algérienne qui a donné la parole à ses accusateurs dans une tentative évidente de peser sur la décision de la justice le concernant. Cette campagne a été couronnée par une déclaration du chef de l’État algérien, le 24 février dernier, accusant Ihsane El Kadi d’être « à la solde de puissances étrangères » et qualifiant Radio M et Maghreb émergent de « médias illégaux ». Ce faisant, M. Abdelmadjid Tebboune a admis sa propre responsabilité dans l’arrestation d’Ihsane El Kadi et l’a condamné avant même qu’il ne soit jugé, en une flagrante atteinte aux principes d’indépendance de la justice et de présomption d’innocence. Dans le contexte algérien tendu, de telles accusations, au-delà du fait qu’elles mettent en cause l’honneur et l’intégrité morale d’Ihsane El Kadi, constituent une mise en danger de son intégrité physique et de celle du personnel de Radio M et de Maghreb Émergent.
C’est pour ces deux raisons conjuguées — sa détention arbitraire et cette propagande gouvernementale qui vise à influencer la justice — qu’Ihsane El Kadi a refusé de répondre aux questions pendant l’instruction.
À l’occasion de son procès, qui se tient dans des conditions déplorables du point de vue de la garantie de ses droits, nous, membres du Collectif international des avocats d’Ihsane El Kadi :
➞ rappelons qu’il est poursuivi en représailles de ses opinions politiques, qu’il n’a pas cessé de défendre publiquement, malgré le harcèlement judiciaire qu’il subit depuis deux ans ; et que le dossier de l’accusation, tel qu’il a été révélé par ses avocats le 4 mars dernier après la fin de l’instruction, est d’une maigreur sans commune mesure avec les allégations mensongères de la campagne de diffamation menée à son encontre ;
➞ jugeons que les pressions exercées sur la justice par la presse publique, mais aussi par le chef de l’État tendent, de fait, à transformer l’audience du 12 mars 2023 en une simple formalité ;
➞ appelons les autorités algériennes à faire bénéficier Ihsane El Kadi, comme tout justiciable, des garanties d’un procès équitable telles que prévues dans la législation algérienne ;
➞ appelons de nouveau à la libération immédiate d’Ihsane El Kadi, la détention provisoire n’étant nullement justifiée pour ce qui le concerne ;
➞ demandons la mainlevée des scellés de Radio M et de Maghreb Émergent, qui pénalisent plus d’une trentaine de salariés et leurs familles.
Abdennaceur Aouini, avocat au barreau de Tunisie et défenseur des droits humains
Saïda Ben Garrach, avocate au barreau de Tunisie et ancienne conseillère aux droits de l’homme à la présidence de la République
Pierre Brunisso, avocat au barreau de Paris, membre de la Ligue des droits de l’homme
Ayachi Hammami, avocat au barreau de Tunisie et ancien ministre des droits de l’homme
Mohamed Jaite, avocat au barreau de Paris, membre de l’Association marocaine des droits de l’homme
Raphaël Kempf, avocat au barreau de Paris
Fatimata M’Baye, avocate au barreau de Mauritanie et présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’Homme
Youssouf Thierno Niane, avocat au barreau de Mauritanie et représentant de l’Association mauritanienne des droits de l’Homme à Nouadhibou
Mohamed Sadkou, avocat au barreau de Rabat et défenseur de détenus d’opinion, d’activistes de mouvements sociaux et des journalistes Omar Radi et Soulaimane Raissouni, ainsi que de l’historien Maâti Monjib
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