L’annonce faite par le secrétaire d’État américain John Kerry de la reprise des négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens à Washington, le 29 juillet 2013, n’a pas reçu l’attention qu’on aurait pu espérer face à une nouvelle d’une telle importance. Peut-être que la coïncidence avec d’autres événements tels des scandales politiques et financiers ou le « bébé royal » britannique ont détourné l’attention vers d’autres centres d’intérêt. Le « scepticisme » généralisé, comme une certaine fatigue de l’opinion publique internationale à l’égard du conflit israélo-palestinien y ont également contribué.
Quoi qu’il en soit, nous devons féliciter le secrétaire d’État américain pour être parvenu à ce qui constitue toujours l’étape la plus difficile en matière diplomatique : sortir de l’impasse et convaincre les parties de s’asseoir pour négocier à nouveau. La « navette diplomatique » de Kerry a porté ses fruits et il revient maintenant aux Israéliens et aux Palestiniens d’assumer leur part de responsabilité. Ces négociations sont décisives puisqu’elles sont la dernière opportunité pour parvenir à la solution des « deux États » : Israël et Palestine vivant en paix et en sécurité.
Dans ces circonstances, nous tous — les parties concernées directement, les États-Unis, l’Union européenne, la fédération de Russie, les pays arabes et la Turquie, un Quartet renouvelé dans sa composition et ses buts ainsi que la société civile —, devons soutenir avec fermeté et générosité les efforts des négociateurs.
La bonne nouvelle est que les chefs des deux délégations sont les personnalités les mieux préparées pour parvenir à un accord : Tzipi Livni, qui a toujours maintenu dans les négociations son engagement personnel à l’égard de la paix, y compris en refusant de devenir premier ministre, et Saeb Ereqat, qui n’a jamais abandonné sa volonté négociatrice et a entretenu un agenda où les propositions pragmatiques et respectueuses des aspirations légitimes des Palestiniens ne manquaient pas. Ils sont indéniablement les interlocuteurs les plus aptes et les plus déterminés pour trouver des solutions acceptables pour leurs peuples et clore ainsi le cycle de la paix.
Bien qu’Israéliens et Palestiniens soient ceux qui porteront le poids des négociations, la communauté internationale ne pourra pas rester les bras croisés et attendre la « fumée blanche » ou « noire » du conclave qui vient de s’engager. Nous sommes nombreux à connaître les raisons de l’échec des négociations antérieures. C’est pourquoi nous devons assumer notre part de responsabilité. Il ne faudrait pas commettre deux fois les mêmes erreurs qui ont jalonné d’obstacles le chemin de la paix au Proche-Orient.
Je considère qu’il faut laisser aux parties la responsabilité des arbitrages ultimes et des concessions historiques, tandis que la communauté internationale doit accompagner le processus de manière active. Les États-Unis ont assumé le rôle de « tierce partie » ; ils doivent éviter les erreurs du passé et ne pas penser qu’eux seuls peuvent garantir sa réussite. Ils doivent diriger les efforts de la communauté internationale sans pour autant les monopoliser, puisque nous devons tous agir : l’Union européenne doit entamer un processus de réflexion et une mise à jour de ses actions politico-diplomatiques, économiques et financières pour favoriser l’émergence d’un accord définitif ; les pays arabes, conduits par l’Arabie saoudite avec sa stratégique « initiative de paix » (adoptée au sommet arabe de Beyrouth en 2002), pourraient revoir leurs objectifs et leur méthode ; le Qatar et la Turquie pourraient utiliser leur indéniable influence sur les acteurs arabes et islamiques les plus intransigeants et rassembler le plus grand nombre de soutiens possibles autour des négociations.
Enfin, l’Égypte doit capitaliser l’expérience de son responsable de la politique extérieure, le ministre des affaires étrangères Nabil Fahmi, pour retrouver le rôle-clé de ce pays dans la future équation de la paix.
Sans entrer dans le fond, je juge opportun de tirer quelques expériences du passé et de partager quelques idées. L’intérêt serait de ne pas fixer de date limite au processus de paix, mais bien un cadre temporel raisonnable pour que les parties progressent. Il faudrait encourager les parties à poursuivre les négociations en toutes circonstances tant il est probable que, lorsque les pourparlers atteindront « l’heure de vérité », la communauté internationale devra faire pression pour qu’elles ne s’interrompent pas.
Il serait avisé de définir une stratégie pour lutter contre les éventuelles exactions des ennemis de la paix, tant ces derniers sont nombreux et présents dans les deux camps. Ils tenteront de boycotter le processus qui devrait récupérer la maxime de l’ancien premier ministre Yitzhak Rabin : « Négocier comme s’il n’y avait pas de terrorisme et combattre le terrorisme comme s’il n’y avait pas de négociations ».
Lors d’une première phase, on devrait fixer les principes de base acceptables pour les parties afin de résoudre les questions les plus sensibles. En même temps, des efforts devraient être exercés pour clore l’essentiel de la première phase : les territoires, les frontières et la sécurité. L’idéal serait qu’à l’issue de cette première phase soit annoncée la « double reconnaissance », si longtemps espérée, tant entre Israël et la Palestine qu’au sein de la communauté internationale.
La société civile doit se mobiliser et rejeter les positions maximalistes pour encourager l’adoption de décisions difficiles. Dorénavant, les négociations doivent être la première préoccupation de la diplomatie internationale, la paix entre Israéliens et Palestiniens étant le test définitif pour les Nations unies et les instances internationales pour qu’elles offrent une success story après avoir obtenu la fin de l’apartheid en Afrique du Sud.
Washington est une opportunité pour la paix mais il revient à tous de s’engager de façon déterminée de manière à ce que l’on ne puisse pas nous appliquer, en l’adaptant, la célèbre phrase de l’ancien ministre travailliste israélien Abba Eban qui ferait que la communauté internationale ne rate pas une occasion de perdre cette « dernière » occasion.
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