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L’Iran, un marché prometteur pour les entreprises françaises

Si les négociations de Vienne sur le nucléaire iranien se concluent dans les heures qui viennent, on assistera à la fin prochaine d’un embargo qui dure depuis 1996. Cette fin aiguise les appétits des entreprises étrangères qui se préparent à la nouvelle donne. La France est particulièrement bien placée, même si elle risque d’être handicapée par les positions rigides prises durant les négociations.

La France est l’une des puissances les mieux placées pour répondre à la demande iranienne : elle remplit toutes les« cases » nécessaires afin de satisfaire au mieux aux besoins économiques et de coopération technique de la République islamique (relations politiques stables, potentiel et volonté d’investissement, capital-sympathie). Seulement, à l’heure des convoitises, tous ses atouts ne suffiront pas à lui accorder la place qu’elle mérite si une politique offensive n’est pas mise en place de la part des acteurs politiques et économiques français.

Selon beaucoup d’économistes internationaux, un accord définitif avec Téhéran pourrait doper de deux points dès la première année, à plus de 5 %, la croissance économique de l’Iran (le produit intérieur brut (PIB) avoisine 380 milliards d’euros). Cette hausse pourrait atteindre 7 à 8 % sur les 18 mois suivants, soit un rythme comparable à celui dont ont bénéficié les « tigres » asiatiques au plus fort de leur boom économique, selon Ramin Rabii, directeur général de Turquoise Partners, une société d’investissement installée à Téhéran. L’industrie iranienne fonctionnerait actuellement à environ 60 à 70 % de ses capacités. Les échanges commerciaux entre l’Iran et l’Union européenne (UE), qui ont représenté 7,6 milliards d’euros l’an dernier, pourraient être multipliés par cinq d’ici mi-20181.

Les sanctions ont poussé les sociétés locales à se développer, à se spécialiser et à répondre à la demande avec un vrai savoir-faire et une vraie compétence. Il existe de véritables corps d’ingénieurs et de spécialistes capables de se déployer à l’international à travers des sociétés spécialisées (les équivalents de Technip, Halliburton ou encore GDF Suez) avec des expertises pointues (ingénierie, etc.). Tout est en place, bien structuré et relativement bien organisé selon Renaud Carvalho, managing partner chez SPTEC Advisory. Les outils sont disponibles sur le territoire, il n’est donc pas nécessaire de les importer et le personnel est opérationnel. Néanmoins, les Iraniens sont demandeurs de compétences étrangères pour moderniser leurs infrastructures vieillissantes et menacées par l’obsolescence, étant donné que beaucoup de développements restent techniquement impossibles à un niveau local. À titre d’exemple, une grande partie de la production gazière sert à la réinjection dans les puits de pétrole lorsque ces derniers doivent êtres stimulés pour maintenir le niveau de production, surtout lorsque qu’ils sont vieillissants.

La structure de l’actionnariat des entreprises iraniennes a évolué et a vu les autorités publiques et semi-publiques, notamment le corps paramilitaire des Gardiens de la révolution islamique (Pasdaran), renforcer leur présence dans l’économie. Alors que ces entités sont très souvent sanctionnées et sur liste noire, parfois à titre personnel, il sera difficile lors de la période de transition d’identifier aisément l’actionnariat de futurs partenaires ou sous-traitants iraniens. De même, la plupart des grandes entreprises qui investissent en Iran éprouvent des difficultés en raison de la rotation trop rapide des cadres sur place.

Le Patriot Act et les banques

La diversité des sources juridiques d’interdictions d’échanges commerciaux (listes noires d’entités et de personnes) complique la levée des sanctions concernant le commerce avec l’Iran2. La puissance d’influence du département américain du Trésor affaiblit encore la lisibilité des entreprises dans leur préparation d’un retour sur ce marché. Au-delà des débats juridiques, pour retourner sur le marché iranien non sanctionné, les entreprises doivent guetter le retour des relations entre les banques internationales et iraniennes.

Un enjeu immédiat de préparation du retour des opérateurs français est celui de l’attitude des banques. Les sanctions actuelles ne touchent en effet pas la totalité des échanges économiques avec l’Iran mais essentiellement les banques, qui refusent désormais d’assurer toute transaction avec l’Iran en raison du principe d’extraterritorialité des lois américaines et de la pression relayée par le Trésor américain. Le marché devient donc quasiment impénétrable.

Une levée rapide des sanctions américaines touchant le système bancaire est possible. L’Iran est exclu du système bancaire international ; néanmoins, de nombreux analystes estiment que les États-Unis pourraient lever très rapidement la mesure — considérée comme la plus dommageable, en application du Patriot Act3 — qui fait de l’Iran une zone de blanchiment d’argent. Une telle décision permettrait aux banques étrangères de réaliser des transactions avec le pays sans craindre d’être pénalisées aux États-Unis. L’Iran pourrait aussi être réintégré dans le système international de paiement Swift4 dont il a été exclu en 2012, dans les trois mois suivant un accord définitif, d’après Mehrdad Emadi, économiste au cabinet londonien Betamatrix.

Un potentiel énergétique considérable

L’Iran a la quatrième réserve mondiale de pétrole et abrite près de 18 % des réserves mondiales de gaz. Les exportations pétrolières ramenées de 2,5 millions de barils par jour (b/j) en 2012 à environ 1,1 million de b/j, pourraient ne recommencer à augmenter qu’en 2016. L’Iran dispose du matériel et du personnel nécessaires et aurait près 250 milliards de dollars à dépenser en infrastructures (150 milliards rien qu’en exploration/production). De même, il existe actuellement des infrastructures intéressantes de production pétrolière (250K b/j à 350K b/j pour certaines), avec également une importante capacité à produire l’essence diesel. Les grands foyers de population sont bien desservis par les terminaux d’exportation.

La République islamique détiendrait 200 ans de réserves au rythme actuel de production pétrolière. Néanmoins, 50 % du potentiel d’exportation pétrolier est perdu, notamment à cause de l’interdiction d’importation de brut iranien dans l’UE depuis le 1er juillet 2012. La consommation nationale est maintenue malgré les sanctions et l’Iran dispose de ses barils et de ses produits raffinés mais perd la moitié de sa rente pétrolière.

Le baril iranien coûte en moyenne 25 dollars à produire. Une multinationale possédant un portefeuille diversifié sera forcément gagnante avec des actifs en Iran au vu de la conjoncture pétrolière actuelle. En Angola, la moyenne du coût de production est de 50 dollars le baril ; elle atteint 100 dollars en Alaska tandis que le Venezuela produit de l’huile lourde (ce qui est beaucoup plus cher à extraire) et le Canada beaucoup de sable bitumineux. Ainsi, en six mois, les trois quarts des réserves disponibles sont devenus « non économiques » à cause de la chute du prix du baril à l’échelle mondiale. Cela accentue la compétitivité de pays comme le Qatar ou l’Iran. Ainsi, l’absence iranienne s’est donc naturellement compensée en Afrique de l’Ouest (la plateforme de Total tourne à 400 000 b/j en Angola) qui a enregistré une hausse conséquence des investissements dans le secteur et qui a récupéré le manque à gagner iranien, de même que la Libye est désormais quasiment absente du marché pétrolier.

L’un des principaux problèmes est le montant des royalties prélevées par l’État iranien qui s’élèvent à 90 %. Ainsi un effort de transparence est nécessaire afin de consolider la confiance aux banques et la sécurité des investissements dans la transaction des actifs et la sortie de dividendes.

Ainsi, les énergéticiens Total ou encore Engie auraient tout naturellement leurs parts à prendre ou à reprendre dans l’échiquier énergétique iranien. Néanmoins, la demande iranienne en matière de technologie propre est telle que c’est l’expertise française (Véolia, Suez Environnement) — dans ce secteur devenu économiquement stratégique — qui pourrait plus durablement implanter la marque France en Iran.

Les technologies durables, une carte d’or

La République islamique souffre d’un retard en matière de politique écologique et de développement durable. Sur les 10 villes les plus polluées du monde, trois sont iraniennes et Ahvaz (sud-ouest), occupe la première place, notamment à cause de l’air contaminé par le gaz de sulfure et par des poussières pleines de substance chimique datant de la guerre Iran-Irak5.

En plus d’être le fruit de l’absence de mesures concrètes et de réglementations, ce retard est essentiellement dû aux sanctions internationales qui ont limité les échanges et donc le développement de technologies de pointe dans ce secteur. Massoumeh Ebtekar, vice-présidente de la République islamique en charge de l’environnement, a exprimé devant un parterre de potentiels investisseurs français en février 2015 son souhait de développer et de diversifier, à moyen terme, l’approvisionnement énergétique du pays. Elle a évoqué plusieurs options, telles que le développement de la technologie solaire dans le pays avec notamment un parc éolien dans la région désertique du Dasht-e lut (sud-ouest). Le développement des énergies hydrauliques est également au programme du gouvernement de Hassan Rohani et certains projets seraient en cours dans la mer Caspienne et dans le golfe Persique. L’objectif avoué de la vice-présidente est une production de 10 000 MW d’énergie propre d’ici 2020.

Une étude du World Resources Institute de 2013 a classé l’Iran 24 e sur le podium des mauvais gestionnaires d’eau menacés de pénurie. Le pays paie actuellement très cher ses mauvaises politiques de gestion de l’eau et la consommation globale atteindrait le double des standards internationaux selon Ebtekar. La disparition progressive du lac d’Oroumieh, plus grand lac d’Iran, de même que celle du lac Hamoun, dans le sud à la frontière afghane, sont le lourd tribut de la passivité des administrations précédentes sur la préservation de l’écosystème.

Le coût des sanctions

Les sanctions économiques imposées au pays ont largement pénalisé les entreprises européennes et particulièrement françaises qui ont, petit à petit, quitté le marché. Cette dynamique a été d’autant plus forte que la France, qui a longtemps été un partenaire culturel, politique mais aussi économique de l’Iran, doit faire face à une réduction importante des parts de marchés de ses entreprises et voit les partenariats industriels forts (automobile, pétrole) remis en question. La France a, sur ce sujet, suivi une voie différente d’autres pays européens, en ayant une politique proactive de retrait auprès de ses entreprises depuis 2009.

Jusqu’en 2011, PSA Peugeot Citroën et Renault se partageaient 40 % du marché et l’Iran représentait alors le deuxième marché de PSA. En 2012, les deux constructeurs quittent l’Iran et doivent anticiper une baisse de volume de près de 600 000 véhicules. Renault provisionne alors une perte de 512 millions d’euros. En 2014, alors que le marché iranien repart timidement, les constructeurs français sont toujours dans l’attente de solution bancaire et les constructeurs asiatiques renforcent leur présence. À titre d’exemple, les ventes de véhicules chinois auraient bondi de 288 % au premier trimestre 2014 pour des volumes faibles.

Malgré les aléas de la politique internationale, la vice-présidente iranienne, lors de son passage à Paris, a clairement mis en avant les bénéfices que pourraient apporter la labellisation française dans l’imaginaire collectif perse et donc dans l’environnement d’affaire. D’autant plus que plusieurs experts de la zone ont fait état d’une relative insatisfaction des technologies chinoises dans le pays, souvent choisies par défaut.

Dans cette antichambre du retour de la République islamique d’Iran dans le « concert des nations », les barrières économiques demeurent mais seront de toutes façons franchies, tant les opportunités offertes par ce pays sont grandes. Mais la multiplicité des cercles de prise de décision ne rassure pas les investisseurs car il reste difficile de cibler et de construire un réseau fiable. L’exemple des fondations et de l’administration du Guide suprême, la « Guidance », qui emploie près de 4 000 fonctionnaires — un véritable État dans l’État — l’illustre.

2«  Que faire avec l’Iran jusqu’au 30 juin 2015  ?  », Point d’æncrage/Fondation Jean Jaurès, 6 janvier 2015.

3NDLR. Loi antiterroriste votée par le Congrès des États-Unis et signée par George W. Bush le 26 octobre 2001. Elle autorise notamment les services de sécurité à accéder aux données informatiques détenues par les particuliers et les entreprises, sans autorisation préalable et sans en informer les utilisateurs.

4NDLR. Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication.

5Alireza Manafzadeh, «  Catastrophe environnementale annoncée en Iran  », RFI, 3 janvier 2014.

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