Akram Afif est né à Doha en 1996. Il a intégré au cours des années 2000 le programme de football de l’Aspire Academy. Cette institution, inaugurée en 2004 au cœur du quartier du sport de Doha, l’« Aspire Zone », a pour but d’édifier la société qatarie autour des valeurs de la pratique sportive en cultivant l’excellence. L’établissement s’entoure de grands noms des domaines sportif et scientifique. Ainsi l’émirat espère-t-il à moyen terme des performances mondiales, et se dote-t-il d’un réseau planétaire pour devenir un haut lieu du sport mondial.
Le football est l’un des piliers de l’Aspire Academy. Les instances du sport qataries ont fait le choix d’axer la formation en football sur le modèle espagnol, l’un des plus performants dans les catégories de jeunes. Pour développer cette filière, l’émir Hamad Ben Khalifa Al-Thani en personne a débauché Josep Colomer du FC Barcelone. Cette personnalité de la formation footballistique a établi à partir de 2007 un vaste programme de sélection, l’« Aspire Football Dreams », qui s’étend sur trois continents : l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie. Les jeunes sélectionnés en Afrique poursuivent leur formation dans le centre d’Aspire Academy à Dakar ; les meilleurs d’entre eux rejoignent ensuite les autres joueurs à Doha. Dans le même temps, les meilleurs jeunes joueurs qataris de 6 à 18 ans intègrent l’Aspire Academy, tout en restant licenciés dans leur propre club. Akram Afif, membre de l’Al-Sadd Sports Club de Doha, a participé à ce programme, et cotoyé l’élite des joueurs de l’Aspire Football Dreams.
Le modèle espagnol
L’Aspire Academy s’est entouré au début des années 2010 d’autres grands noms du football espagnol. C’est ainsi qu’Ivan Bravo, ancien directeur de la stratégie du Real Madrid a pris la tête de l’Aspire Academy en 2010. Peu de temps après, en 2012, l’ancien gardien de but de la Real Sociedad Roberto Olabe1 a pris la direction du centre de formation de Doha. De même, le professeur italien Valter Di Salvo, ancien préparateur physique des clubs de la Lazio de Rome, de Manchester United et du Real Madrid a été chargé, à partir de 2011, de la préparation physique des jeunes du centre de formation. Toutes ces personnalités du football espagnol ont pour tâche de transformer Doha en un centre mondial de la formation.
Dès 2009, un championnat et des tournois ont par ailleurs été organisés. Une vingtaine de fois par an, des équipes du monde entier passent par Doha pour disputer des matchs au sein de l’Aspire Zone. Le tournoi Al-Kass Cup, qui est le plus réputé, réunit chaque année depuis 2012, au mois de février, la catégorie des moins de 17 ans des meilleurs centres de formation mondiaux, parmi lesquels le Real Madrid, le FC Barcelone et le PSG. L’émirat a ainsi l’opportunité de se construire une renommée auprès de futures stars du football mondial susceptibles de s’intéresser plus tard, pour la gestion de leur carrière, à ses infrastructures dernier cri.
En 2012, Akram Afif a rejoint, dans le cadre du programme de l’Aspire Academy, les catégories jeunes du FC Séville. La même année a vu sa participation au tournoi d’Al-Kass Cup sous les couleurs de l’Aspire Academy. L’objectif des instances qataries est de permettre à leurs promotions d’excellence de s’imprégner des méthodes des meilleurs clubs mondiaux afin de les préparer aux grands rendez-vous. C’est à ce titre que chaque année, les meilleurs joueurs de chaque promotion de l’Aspire Academy suivent le même parcours qu’Afif, et passent une année dans des clubs européens de renom. Le Real Madrid, l’AS Monaco, Villareal CF, l’AJ Auxerre et le Red Bull Salzburg ont notamment participé à ce programme d’échange pour la saison 2013-2014. Cette politique s’est renforcée, à partir de la saison 2015-2016 par la signature d’un partenariat entre l’Aspire Academy et le Celta Vigo : le meilleur centre de formation espagnol accueillera désormais chaque saison plusieurs joueurs de l’Aspire Academy âgés de 15 à 16 ans. Confronté à la faiblesse de sa ligue professionnelle, qui équivaut plus ou moins à une quatrième division d’un grand championnat européen, l’émirat est obligé de penser l’avenir des meilleurs jeunes de sa formation dans des championnats qui leur permettront de jouer au plus haut niveau.
Se mesurer aux meilleurs joueurs mondiaux
Dans la vie d’un footballeur, l’entrainement représente une grande partie de son temps. L’essentiel réside toutefois dans la compétition. Les jeunes joueurs qataris sont confrontés à cette question très tôt dans les programmes concoctés par les formateurs de l’Aspire Academy. Pour atteindre le haut niveau, il est primordial de se mesurer aux meilleurs. Il faut un premier palier qui amène vers ce qui se fait de mieux en termes de professionnalisme. Le projet HOPE (Habituating Overseas Professional Experience ) vise ainsi à prêter à des clubs partenaires — le club espagnol de la Real Sociedad, les clubs allemands du Schalke 04, du Bayer Leverkusen et du Borussia Mönchengladbach — des joueurs issus de l’Aspire Academy ayant entre 18 et 22 ans, pour qu’ils commencent à s’imprégner de la culture de « la gagne ».
Dans son souci de maîtriser le processus de formation, le Qatar fonde à côté de ces partenariats son propre réseau européen. L’achat du KAS Eupen belge entre dans ce schéma ; Akram Afif a intégré son effectif pour la saison 2015-2016. Sous la direction de Josep Colomer et autour d’entraineurs espagnols, Akram Afif a pu briller dans le championnat de deuxième division belge et participer à la montée du KAS Eupen en ligue Jupiter. Ses prestations ont alors été remarquées par des clubs espagnols. Elles lui ont permis de signer au mois de juillet 2016 avec le club de Villareal, valeur sûre du championnat espagnol et des compétitions européennes, qui voit en lui un joueur d’avenir. Le club espagnol a prêté Afif une saison au club de Gijon pour qu’il s’aguerrisse à ce nouveau palier du haut niveau.
Ce type de parcours balisé est représentatif du schéma de formation de l’Aspire Academy. Il lui faut à présent élargir ses possibilités pour lancer les meilleurs joueurs de ses promotions au terme de leur formation. Dans cette perspective, l’institution qatarie a pris possession, durant l’été 2015, du club de la Cultural Leonesa et acheté le Lask Linz, un club avec lequel elle entretenait déjà un partenariat depuis plusieurs années. Dès 2015, des joueurs de l’Aspire Academy sont venus garnir leurs effectifs.
Que des joueurs qataris soient recrutés pour des championnats de premier ordre, dans des équipes de premier rang au contact des stars mondiales, devrait permettre à l’émirat de devenir une des nations qui comptent dans le football. La Coupe du monde 2022 sera son premier grand rendez-vous.
Un enjeu de santé publique
Derrière la performance sportive apparaissent d’autres enjeux. Par l’organisation d’événements sportifs, le pouvoir a dans le même temps pour ambition de résoudre un des problèmes majeurs posé à ses nationaux : le surpoids. La rupture brutale du modèle de société qu’ont connue les populations des pays du Golfe avec le boom économique vécu par la région a en effet bouleversé les modes de vie des Golfiens, avec de lourdes conséquences sur la santé publique. Ils sont de plus en plus sédentaires, ne se déplacent plus que par le « tout moteur », tout en consommant une alimentation très carnée et sucrée. Au Qatar, cela se manifeste notamment par des taux de diabète particulièrement élevés, très au-dessus de la moyenne mondiale. Dans son discours lors du pré-forum des Doha Goals de 2012, Saoud Ben Abdoulrahmane Al-Thani, secrétaire général du comité olympique qatari, en témoigne : « Le sport s’inscrit pleinement dans la « Vision nationale du Qatar pour 2030 », une vision pour promouvoir une interactivité et une compréhension à travers l’effort et l’éducation qui nous mèneront vers une vie meilleure, une santé et un bien-être meilleurs »2.
L’émirat a d’autant plus pointé cet enjeu que cette dégradation de la santé a un coût et risque de surcroît d’empirer. Dans un article du New York Times du 26 avril 2010, Justin Grantham, médecin du sport qui exerce au Qatar alerte sur les risques qui pèsent sur la société qatarie : « Nous sommes en train de parler d’une obésité sérieuse (…) Les retombées sur le long terme seront conséquentes »3.
Doha veut donc dynamiser la pratique sportive. Il s’appuie pour cela sur les infrastructures de l’Aspire Academy qui propose des programmes de remise en forme. Une journée nationale du sport a été créée en 2012 afin d’inciter la population à la découverte de nouvelles disciplines. Des championnats scolaires sont organisés. On construit des pistes pour la pratique de la marche et de la course et la Coupe du monde de 2014 au Brésil a été l’occasion d’organiser des animations sportives à Doha. Pour renforcer ces actions, l’image des champions doit susciter l’envie de pratiquer telle ou telle discipline sportive. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les matchs de football organisés au Khalifa Stadium lors de la trêve hivernale entre équipes de premier plan, où les jeunes Qataris peuvent venir admirer des stars mondiales. Les jeunes Qataris s’identifieront toutefois bien plus à une star nationale qu’à un Cristiano Ronaldo ; Akram Afif a le devoir de briller sur le terrain pour leur donner l’envie de se dépasser dans l’effort.
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1Roberto Olabe a quitté ses fonctions au sein de l’Aspire Academy au mois d’août 2016 pour rejoindre le poste de directeur sportif de la Real Sociedad.
2« Secretary General adresses Doha Goals Pre-Forum », communiqué du Qatar Olympic Commitee, 1er juillet 2012.
3Michaël Slackman, « Privileges pulls Qatar toward unhealthy choices ».