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Le soulèvement de Bassora ébranle l’Irak

Depuis trois mois, Bassora, l’une des principales villes irakiennes, est en état de révolte. Les habitants protestent contre la dégradation de leurs conditions de vie et de leur environnement, contre le gouvernement central corrompu et incompétent et les milices prédatrices.

L'image montre une scène tumultueuse, probablement au cours d'un événement de protestation ou de conflit. On peut voir de la fumée s'élever dans le ciel, créant une atmosphère chaotique. À l'arrière-plan, un grand incendie semble se produire, projetant une lumière orange intense. Au premier plan, un groupe de personnes se rassemble, probablement en train d'observer ou de participer à l'événement. La présence de poteaux et de drapeaux suggère un espace urbain, peut-être une place publique ou un bord de fleuve. L'ensemble donne une impression d'urgence et de tension.
Incendie du consulat iranien à Bassora, le 7 septembre 2018.
(copie d’écran)

L’Irak dépend totalement du pétrole et du gaz extraits des très riches gisements de Bassora pour financer son budget dont 17 % sont alloués à la région kurde (cette part a été réduite à 12,6 % dans le budget 2018, ce qui en a fait un obstacle à la constitution d’un nouveau gouvernement irakien). Celle de Bassora (où vivent 2 972 000 habitants, selon les estimations du ministère du plan en 2017) ne dépassait pas 5 % par an dans le meilleur des cas. Des fonds qui vont pour la plupart dans des projets de pure propagande sans lendemain destinés à servir de couverture au pillage de ces fonds par des groupes politiques influents agissant pour la plupart à Bagdad et liés d’une manière ou d’une autre à Téhéran.

Malgré l’effondrement des infrastructures urbaines, le gouvernement fédéral a suspendu depuis quelques années la part de 5 % qui revenait à Bassora des revenus de l’extraction, de l’exportation et du raffinage du pétrole et du gaz, et dont le versement devait être fait par semestre. Alors que ces sommes sont absolument nécessaires pour la reconstruction d’une ville dépourvue de vrais services dans les domaines de l’électricité, de l’eau, des réseaux de communication, d’assainissement et de santé publique.

Plus de cancers, moins de terres agricoles

Depuis son arrivée à la tête du gouvernement, Haïder Al-Abadi mène une politique de grande austérité financière qui a aggravé l’état d’abandon de Bassora et exacerbé les problèmes en matière de services rendus à la population. Le chef du gouvernement avance l’argument qu’il « a coupé les fonds aux corrompus » alors que les habitants de Bassora subissent des hausses de température à des niveaux mortels avec une pénurie d’eau, une hausse du niveau de salinité de l’eau quand elle est disponible ainsi que sa pollution.

Bassora connaît en outre un accroissement du nombre des malades du cancer et une régression de l’agriculture en raison de la mainmise des sociétés pétrolières étrangères sur un nombre croissant de surfaces agricoles en tant que « réserves pétrolières » (réservées aux investissements dans les hydrocarbures). Sans compter l’absence de nouveaux projets pouvant résorber le nombre important de chômeurs dans la région.

Avec la baisse des fonds destinés à ce gouvernorat du sud (situé à 550 km de la capitale) et une explosion imprévue de la croissance démographique, Bassora est devenue un immense réservoir de chômeurs qui ne pensent plus qu’à se venger du gouvernement et du système politique. Selon les rapports officiels, le taux de chômage est de 7,8 %, mais des médias et des travaux académiques affirment que le taux réel est très au-dessus de celui annoncé par le gouvernement. Autre signe inquiétant à relever, l’extension massive de l’analphabétisme.

Quand les contestations ont débuté, il y a près de trois mois, le premier ministre s’est aventuré à nouveau à faire des promesses aux habitants de Bassora. Il a ainsi annoncé la création de 10 000 nouveaux emplois et du coup 300 000 jeunes se sont portés candidats. Très rapidement, le ministère des finances a fait marche arrière en indiquant que ces emplois étaient illusoires, car il n’était pas possible de les financer à partir du budget 2018, lequel n’avait pas prévu de fonds pour la création de nouveaux emplois. La promesse ne serait donc applicable que dans le cadre du budget 2019. Une autre fausse annonce qui a eu pour effet d’exacerber davantage la colère des jeunes de Bassora.

L’Irak exporte 4,3 millions de barils/jour dont 3,5 millions proviennent des gisements de Bassora à travers ses ports et ses plateformes pétrolières flottantes donnant sur le Golfe. Il n’en demeure pas moins que la ville est négligée, tel un misérable village crevant de soif où les gens se suicident pour cause de pauvreté, meurent de cancers causés par la pollution ou périssent dans des affrontements tribaux.

Une richesse très toxique

Le gouvernorat compte 15 gisements pétroliers géants, dont dix productifs en attente de développement. Les réserves attestées sont de 65 milliards de barils, soit 59 % de l’ensemble des réserves irakiennes. Le coût de découverte d’un baril de brut y est estimé entre 0,1 et 0,4 cents (0,09 à 0,34 euros), suivant la nature du gisement pétrolier. Pour les gisements d’Al-Zubair et de Rumaila et les champs pétroliers proches, ce coût est estimé à 1,550 dollars (1,334 euros) le baril. D’une manière globale, Bassora produit l’équivalent de 60 millions de dollars (52 millions d’euros) par jour.

Cette extraordinaire richesse qui distille chaque jour des tonnes mortelles d’émissions noires toxiques dans le ciel de la ville n’est pas la bienvenue pour les habitants qui souffrent de différents types de cancers. On enregistre chaque jour entre 15 et 20 cas de cancer chez les enfants, selon l’administration de l’hôpital oncologique des enfants construit sur subvention des États-Unis, mais sans aucune participation des fonds pétroliers de Bassora. Le centre de dépistage et de traitement du cancer souffre d’une pénurie aiguë de médicaments et n’arrive pas à prendre en charge le nombre croissant de malades. Il indique avoir accueilli près de 9 000 cas depuis 2005. Cela représente huit fois plus de cas de cancers que dans les années 1990 alors que l’Irak était sous l’effet d’un terrible embargo international. On n’avait enregistré à cette époque, selon le centre, que 1160 cas. Mais les doutes persistent aujourd’hui sur la fiabilité des chiffres (émanant du gouvernement) autour de l’ampleur de la catastrophe subie par la ville, sachant que les habitants ont tendance à aller se faire soigner à l’étranger pour échapper à des délais d’attente qui peuvent durer de longs mois.

La population est répartie sur une superficie de 19 070 km2. C’est la superficie d’une ville dont les frontières connaissent des tensions avec trois États : l’Iran, l’Arabie saoudite et le Koweït.

L’emprise des groupes armés liés à l’Iran

Alors que les villes les plus proches dans ces pays jouissent d’une meilleure qualité de vie, Bassora s’enfonce dans les sables de la désertification, des problèmes sécuritaires, de la prolifération des drogues, de l’effondrement des services, de la généralisation de la corruption et de la domination de milices endoctrinées fortement liées au système du velayat al-faqih gouvernement du docte ») de Téhéran1. Ces groupes armés, qui disposent de façades politiques et s’affrontent pour gérer les ressources de la ville et y prendre le pouvoir, ont créé des réseaux de clientèle pour faire face à toute tentative de remettre en cause leurs intérêts. Ils dominent dans les administrations des établissements publics — qui gèrent des fonds importants, comme les ports — ou des institutions sécuritaires sur la base de quotas déterminés par les rapports de force. Ces groupes attirent de plus en plus de jeunes chômeurs qui sont enrôlés comme combattants. Ils se dotent ainsi d’un réservoir humain important de gens disposés à mourir ou à se suicider pour fuir la misère économique et un avenir désespérant.

Bassora dispose avec l’Iran d’un débouché terrestre et commercial et d’une frontière longue et compliquée à travers laquelle passent toutes sortes de drogues, thérapeutiques ou nocives, les dernières étant les plus nombreuses, notamment la « crystal meth » (méthamphétamine) très addictive, qui conduit au suicide après quelques mois de prise.

Bassora est souvent décrite dans le discours de ces milices, dont certaines combattent en Syrie pour soutenir le régime de Bachar Al-Assad, comme « la ville des martyrs » qui a fourni environ 10 000 morts et des dizaines de milliers de personnes blessées handicapées. Ces milices affirment qu’elles font face à un plan « perfide » destiné à éliminer les chiites pauvres. En réalité, ce sont elles qui aggravent la pauvreté des familles chiites de Bassora. Elles entravent le développement ainsi que les services rendus à la population, volent l’argent public et s’impliquent dans la contrebande des armes et des drogues ; elles poussent des adolescents et de nouveaux diplômés vers des zones de combat éloignées avant que leurs corps ne soient rapatriés dans leur ville. Leurs photos affichées dans les rues — ils semblent sourire avec amertume — ont été souvent prises en des moments où ils espéraient encore une vie plus équitable et plus juste.

Les gens de Bassora ont pris l’habitude durant la brûlante saison estivale, quand la température atteint les 60 ° couplée à une humidité étouffante dépassant les 80 %, à manifester contre le gouvernement arrogant de Bagdad et celui, faible, de leur province — les deux étant considérés comme corrompus — sans que les choses ne changent jamais. La situation, au contraire, ne fait que s’aggraver et devenir plus périlleuse. À chaque fois, les forces de sécurité ont fait face à ces manifestations avec une violence démesurée sous prétexte de défendre les bâtiments publics et de préserver la stabilité. Mais le but est bien de terroriser les gens et de les confiner dans des maisons qui ressemblent à des fours de pierre sans qu’ils puissent exprimer leur ressentiment.

Premier « mort pour l’électricité »

La plupart des habitants souffrent de troubles psychiques aigus en raison de cette accumulation de problèmes et d’un profond sentiment d’oppression qui pousse en définitive au suicide directement ou à aller dans les manifestations et faire face aux balles réelles.

Haïder Al-Maliki, 27 ans, marié, père de trois enfants est le premier mort « pour l’électricité ». Il est tombé en juin 2010. En juillet 2015, c’est un adolescent de 17 ans, Mountadhar Al-Halfi, qui est tué dans une petite agglomération au nord de la ville qui baigne dans une mer de pétrole géante. Quand les protestations se sont renouvelées en juillet dernier, ce fut au tour de Saad Al-Mansouri (26 ans, marié, trois enfants) de tomber, dans la même agglomération, devant le portail d’un immense gisement pétrolier.

Les autorités ont mésestimé la nouvelle vague de manifestations, elles ont cru qu’elle finirait, comme les précédentes, par s’essouffler sous l’effet de la répression des services de sécurité. Mais la situation a pris une tournure explosive et sanglante. Depuis le mois de juillet dernier (et jusqu’au 7 septembre), 25 personnes ont été tuées à Bassora et des centaines d’autres blessées. Le plus triste est que les gaz lacrymogènes qui provoquent des asphyxies et d’autres équipements répressifs sont importés de France et de l’Union européenne avec l’argent du pétrole de Bassora.

La crise à Bassora a explosé d’une manière inquiétante, au point de menacer d’effondrement le fragile système politique irakien. Tandis que les partis corrompus ont dévoilé, après la farce électorale du mois de mai dernier largement boycottée par la population, à quel point le régime se décomposait dans la quête d’intérêts particuliers, Bassora mourait de soif, de pollution toxique de l’eau et de privation d’électricité pendant près de 15 heures par jour.

La Commission irakienne des droits humains (Iraqi High Commission For Human Rights, IHCHR) a recensé près de 20 000 cas d’empoisonnement dus à la salinité et la pollution de l’eau. Avec l’arrivée de près de 1000 cas par jour dans les rares hôpitaux de la ville, les services de santé se sont effondrés et se sont retrouvés dans l’incapacité de prendre en charge les malades.

Bassora souffre d’un problème éternel de salinité de l’eau. Il atteint désormais des niveaux affolants. Nombre de facteurs y ont contribué notamment un système politique défaillant, un système de rapine des fonds publics ainsi que les politiques de l’Iran, voisine de Bassora.

Une terre sans fleuve

Les indicateurs mondiaux de l’eau, notamment l’indice de stress hydrique prévoient que l’Irak sera une terre sans fleuve aux alentours de 2040. Les deux grands fleuves (le Tigre et l’Euphrate) n’atteindront plus l’aval final du Golfe. Dans huit ans (2025), les signes de sécheresse sévère seront clairement visibles à travers l’Irak avec un assèchement total de l’Euphrate au sud. Le Tigre, lui, ne sera plus qu’un petit cours d’eau aux ressources limitées. Bassora mourra de soif.

L’Iran a détourné au cours des dix dernières années près de 35 affluents essentiels qui traversaient l’Irak, ce qui a fait perdre à ce pays 80 % de ses ressources en eau. Le cours des deux importants affluents que sont les fleuves Alwand et Karoun ont ainsi été détournées unilatéralement, affectant ainsi gravement de vastes surfaces agricoles dans les provinces de Bassora, Wasit (sud-est) et Diyala (nord-est).

En 2011, le gouvernement iranien a approuvé un projet de construction de 152 barrages, certains ayant pour objectif de contrôler et « sauver » les eaux entrant en Irak. Téhéran a progressivement détourné le cours du fleuve Karoun, qui se déverse directement dans le Chatt al-Arab à Bassora, et du Karkheh qui se jette dans les marais communs entre Nassiriyah et Bassora et maintient le niveau d’eau douce. Quinze barrages ont été construits sur le seul fleuve Karoun avec un système de contrôle jusqu’en 2009. En 2013, les autorités iraniennes ont littéralement effacé le fleuve Karoun de la carte en asséchant le cours allant vers Bassora alors qu’il déversait annuellement près de 14 milliards de mètres cubes d’eau douce par an dans le Chatt al-Arab.

L’Iran a ainsi détourné le cours du Karoun pour alimenter le fleuve Zayandeh Rud à Ispahan à la suite d’une baisse de son débit et construit son plus grand barrage sur le fleuve Karkheh qui se déverse dans le marais irakien de Hawizeh, avec une capacité de stockage de 5,9 milliards de m3 et une capacité de production électrique de 520 MW. Il a de ce fait pompé toute son eau.

Téhéran ne s’est pas contenté de capter l’eau douce, il a également utilisé les affluents secs pour déverser de l’eau de drainage salée vers le territoire irakien. Ces eaux nuisibles ont même inondé une grande partie de la bande frontalière entre l’Irak et l’Iran au niveau de Bassora. Même des postes frontaliers ont été affectés et se sont retrouvés contraints de battre en retraite vers l’arrière irakien pour éviter de subir les conséquences d’une inondation éventuelle. En novembre 2017, les niveaux d’eau salée de drainage en provenance d’Iran ont atteint des proportions sans précédent, ce qui a menacé d’effondrement la rustique digue de terre (elle fait partie des legs des digues édifiées durant la guerre Irak-Iran). Le déversement salin a menacé Bassora elle-même, alors qu’elle souffrait déjà de la salinité, de la désertification, de la réduction des terres agricoles, de la pollution par les hydrocarbures et de l’accroissement des cancers. Selon les analyses des services des eaux, le niveau de salinité est de 8 000 unités de salinité par million de litres dans la région de Sihane, célèbre auparavant pour ses vergers et ses palmeraies. À Bassora, la salinité est de 3 000 unités de salinité. Dans les deux cas, le niveau dépasse de loin la normale et comporte un risque d’empoisonnement mortel.

Mesure provocatrice de Téhéran

Les services agricoles indiquent que la poussée saline iranienne a causé de grands dommages dans les régions proches du Chatt-al-Arab sur une profondeur de 100 km. Le directeur des services de l’eau confirme que la concentration saline provenant de la mer et des eaux de drainage iraniennes s’est accrue de manière inquiétante depuis juillet 2017.

Téhéran a également pris une mesure provocatrice en juin dernier en coupant la ligne électrique qui alimente Bassora et pour laquelle des sommes énormes sont payées. Le prétexte avancé était que la dette de l’Irak était élevée et qu’il devait la payer. La coupure de la ligne au début de la saison estivale a plongé la ville dans l’obscurité et l’a transformée en enfer. Le gouvernement iranien cherchait en fait une confrontation avec les États-Unis qui avaient commencé à appliquer des sanctions pour l’empêcher d’exporter le pétrole à partir du Golfe. Il s’est imaginé qu’en mettant la pression par la coupure de l’électricité et l’accroissement des déversements salins à partir de ses terres il allait pousser les habitants de Bassora à se soulever contre le premier ministre Haïdar Al-Abadi, l’allié de Washington. Pensant ainsi contribuer à l’empêcher d’avoir un nouveau mandat à la tête du gouvernement et prouver à Washington sa capacité à manœuvrer intelligemment. Sauf que les choses se sont transformées en un jeu désastreux qui a attisé la haine des habitants.

Les Basri ont brûlé les bureaux et les sièges des partis et des milices liés à l’Iran. Ils se sont également attaqués au symbole de la souveraineté iranienne — le consulat général de l’Iran à Bassora — et ont brûlé le drapeau iranien après l’avoir baissé. En définitive, ils ont incendié totalement le bâtiment du consulat en scandant « Iran barra, barra, Basra tabqa hora » (Iran dehors, dehors, Bassora restera libre).

Le dossier de Bassora reste bloqué après des décennies de négligence et il n’est vraiment pas possible de prédire ce qui pourra se passer dans le futur. Les partis expulsés de Bassora échangent des accusations dans un contexte de vide politique et d’incapacité du parlement à mettre en œuvre les dispositions constitutionnelles.

Le régime, voilà l’ennemi

Une session parlementaire s’est tenue le 8 septembre pour débattre de la situation. Elle s’est transformée en un incroyable festival d’insultes diffusées en direct, entre responsables gouvernementaux, ministres et députés. Les participants n’ont débattu d’aucune solution réelle, ils ont quitté la salle climatisée pour leurs voitures blindées et sont repartis vers leurs luxueuses demeures au moment où Bassora enterrait les morts tombés dans les manifestations et que des familles cherchaient des médicaments pour leurs blessés alités dans les hôpitaux.

Bassora se soulève régulièrement, suivie par d’autres gouvernorats. Cette fois-ci le soulèvement a pris une tournure dangereuse. Les habitants ont en effet abandonné les tactiques des manifestations traditionnelles pour des moyens plus musclés : encercler les champs pétroliers, fermer les ports, les postes frontaliers et les voies commerciales avec Bagdad, allant jusqu’à incendier les édifices du gouvernement local et du conseil du gouvernorat, des sièges des partis, des milices et du consulat iranien. Ce qui n’a qu’une seule signification : la relation entre le régime politique et la population de Bassora s’est totalement effondrée. Celle-ci considère que le régime est un ennemi dont il faut se débarrasser pour réaliser leurs revendications et construire leur ville.

En dépit de l’ardeur patriotique des Basri pour l’Irak, ils caressent l’idée de la création d’une région qui leur serait propre, semblable au Kurdistan dans le nord. Certains vont encore plus loin, en évoquant l’idée d’une sécession. Ils rendent les Britanniques responsables d’avoir contraint Bassora à intégrer l’Irak en 1921. Ce genre de sentiment séparatiste va constituer une menace pour l’unité de l’Irak dans l’avenir si Bassora reste négligée. À titre indicatif, la dernière opération de modernisation des infrastructures à Bassora remonte à 1989, après la fin de la guerre irako-iranienne qui a entraîné la destruction de la ville.

Quand les Britanniques sont arrivés après 2003, ils ont acheté la stabilité auprès des milices en injectant 70 millions de livres sterling (78 millions d’euros) dans une opération de construction d’infrastructures qu’ils ont surnommée « Sindbad ». Mais l’argent s’est faufilé comme l’eau dans le sable pour aller financer les partis et les groupes armés. Les Britanniques sont partis depuis, conscients qu’ils avaient commis la pire des erreurs de leur histoire en finançant des sociétés locales fictives qui n’étaient en fait que des groupes armés qui ont pris pied avec force à Bassora, jusqu’à ce jour.

1NDLR. Principe théologique du chiisme duodécimain développé par l’ayatollah Rouhollah Khomeini et Mohammad Sadeq Al-Sadr. Il confère aux religieux — juristes-théologiens — la primauté sur le pouvoir politique. Le faqih est le guide suprême.

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