Que dire face à un tel événement, à un tel carnage ? Comment ne pas reprendre des mots éculés, usés jusqu’à la corde ? Jamais dans son histoire la France n’a connu d’attentats-suicides, jamais d’attentats aussi meurtriers. Ils ont visé de manière aveugle des lieux publics choisis non pour leur caractère symbolique, mais parce qu’ils étaient, un vendredi soir, largement fréquentés et qu’on pouvait y faire un maximum de victimes. S’il est normal, dans de telles circonstances, que l’émotion domine, cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir ni d’analyser ce qui s’est passé. Réfléchir à la meilleure façon de riposter à de telles actions et, à terme, de les empêcher.
Beaucoup de commentateurs l’ont souligné : on s’attendait à de telles attaques. On les craignait. Le matin même du 13 novembre, Le Parisien révélait que le terrorisme était devenu l’une des préoccupations majeures des Français. Si la France est particulièrement visée, c’est qu’elle est, avec les États-Unis, la plus engagée militairement, du Mali à la Syrie, de la Centrafrique à l’Irak. C’est elle qui, parmi d’autres, fournit des armes utilisées dans la guerre du Yémen, contribuant à aggraver le conflit. Pour quels résultats ? Pourquoi, malgré toutes les proclamations sur le « combat impitoyable » à mener, n’a-t-on pas été capable d’arrêter ce massacre ?
On ne peut pas faire l’économie d’un bilan de « la guerre contre le terrorisme » déclenchée après le 11-Septembre et relancée après la prise de Mossoul par l’organisation de l’État islamique (OEI) l’été 2014. Son échec est patent : jamais autant d’attentats n’ont été commis — souvent dans les pays musulmans eux-mêmes ; récemment encore, l’attaque contre l’avion russe au-dessus du Sinaï ou les attentats à Beyrouth dans une banlieue populaire. Jamais non plus autant de personnes, majoritairement des jeunes, ne se sont engagées dans des groupes extrémistes, qu’il s’agisse d’Al-Qaida ou de l’OEI, convaincus qu’ils sont de participer à une résistance contre l’agression internationale visant le monde musulman.
N’est-il pas temps également de réfléchir à la dimension militaire de cette guerre ? S’il est nécessaire d’éradiquer l’OEI, au-delà de bombardements souvent inefficaces, ne faut-il pas privilégier l’action politique pour reconstruire un Proche-Orient entraîné dans une spirale de chaos, notamment depuis l’intervention américaine en Irak en 2003 ? D’agir pour une action coordonnée des puissances régionales qui toutes, chacune à sa manière, ont aggravé le conflit syrien ? La réunion de Vienne qui voit la participation de toutes ces puissances marque, peut-être, un pas dans la bonne direction. Il est aussi plus que temps de pousser réellement à la solution du conflit israélo-palestinien qui passe par la fin de l’occupation israélienne. Priorité à la politique et à la diplomatie sur les bombes, telle devrait être la stratégie de la France.
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