Le rythme quotidien d’Hadiboh n’a pas changé. Dans l’artère principale, des 4x4 et des pick-up usés défilent dans la rue principale et soulèvent la poussière. Les passants se saluent, s’invectivent et échangent toujours aussi bruyamment sous un ciel de plomb. Chèvres et grands vautours se disputent les détritus du marché. L’activité à Socotra est restée la même, du moins en apparence. Car depuis le coup d’État du Conseil de transition du sud (CTS) dans l’archipel en avril 2020, le portrait d’Abd Rabbo Mansour Hadi est concurrencé sur les devantures des infrastructures publiques par celui d’Aïdarous Al-Zoubaïdi, notamment sur la porte d’entrée du bureau du gouverneur. Là, des adolescents assis sur des chaises en plastique filtrent les passages, kalachnikovs en main. « Avant le coup d’État, aucun enfant ne portait d’arme », se désole Ali Saad, directeur de cabinet de Cheikh Essa Ben Yaqoot, chef tribal de tous les cheikhs de l’archipel.
Raft Al-Taqlee, le chef du mouvement séparatiste sudiste à Socotra est en réunion, prévient un homme au rez-de-chaussée. Le bâtiment semble vidé de ses fonctionnaires. D’autres adolescents lourdement armés sont avachis sur les tables des bureaux. Au dernier étage, deux d’entre eux gardent une porte verrouillée qu’ils ouvrent. Dans la salle d’attente, ancienne salle de réunion, les regards sont ailleurs, les pupilles dilatées par le qat et les kalachnikovs à portée de main. Un grand drapeau de l’ancienne République démocratique populaire du Yémen trône dans la salle.
Les portes finissent par s’ouvrir. Un individu, barbe fournie, regard froid, habillé d’une dishdasha sombre fait signe. Assis sous le symbole du CTS collé au mur de son bureau, Raft Al-Taqlee affirme avoir renversé le gouverneur de Socotra, Ramzi Mahrous car « il avait limogé de nombreux fonctionnaires honnêtes et qualifiés dans le secteur civil et militaire pour les remplacer par des militants Frères musulmans issus du parti Al-Islah. » Le rythme de parole lent, le nouveau chef politique de l’archipel reprend : « Les autorités, sous l’égide des Frères musulmans, avaient tout fait pour désunir la communauté de Socotra. Ils avaient emprisonné 70 activistes, des défenseurs des droits humains. De telles pratiques ont poussé les habitants de Socotra à descendre dans la rue pour exiger la destitution du gouverneur. Mais leurs voix n’ont pas été entendues. Alors, prendre le contrôle de l’archipel était la seule option. »
Un coup de force militaire
Une nuit, fin avril 2020, deux bateaux venus du continent chargés de soldats armés du CTS viennent mettre fin à la paix de l’archipel. Les checkpoints, les commissariats, le port militaire, l’aéroport et le bureau du gouverneur sont saisis après quelques accrochages, notamment à Haybak, peu avant Hadiboh. Ramzi Mahrous, le gouverneur, s’enfuit. Coup de force est réussi. « Trois cents mercenaires qui n’étaient pas socotris se sont rassemblés un vendredi à Hadiboh avec leurs armes lourdes et leurs véhicules de guerre. Ils ont tiré sans arrêt dans le ciel pour effrayer les gens pendant trois heures. Tout le monde était effrayé. C’est la première fois qu’un tel événement se produisait ici. C’est le jour le plus triste de Socotra », raconte Ali Saad, le collaborateur d’Essa Ben Yaqoot. « J’ai plusieurs sources qui me confirment que ces troupes du CTS venaient d’Aden, d’Ad Dali ou encore de Lahij. Ils ont débarqué avec des bateaux de pêche en pleine nuit », confirme Henry Thompson, membre du groupe d’experts des Nations unies et spécialisé dans les groupes armés. Un mensonge selon Raft Al-Taqlee : « Ce sont des infox propagées par les Frères musulmans. Aucun soldat d’une autre province n’est venu nous aider [à prendre le pouvoir]. »
Liens historiques avec les Émirats
Le mouvement sudiste n’a pas été soutenu que par les autres provinces du sud sympathisantes du CTS. Depuis son entrée en guerre au sein de la coalition opposée aux rebelles houthistes et dirigée par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis (EAU) ont soutenu l’entité séparatiste dans le sud du pays, et ce malgré son engagement auprès du gouvernement central et des proclamations d’attachement à un Yémen stable et unifié. Les Émirats jouissent par ailleurs d’une grande popularité sur l’île. Les liens entre l’archipel et l’émirat pétrolier ne datent pas d’hier. Une communauté d’expatriés socotris s’est établie à Ajman et Sharjah grâce… à des sorcières. Jusque dans les années 1960, ces femmes socotries accusées de magie noire étaient expédiées, malgré elles, dans les sultanats de Sharjah et d’Ajman, qui intègreront plus tard les EAU. Les unions de marchands émiratis venus faire du commerce de dattes et de ghee avec des femmes locales ont scellé des liens historiques avec le pays du Golfe. À l’époque, Socotra n’en a que peu avec le Yémen, hormis avec la province de Mahra.
Culturellement et linguistiquement, l’ancien sultanat est plus proche du Dhofar (Oman). Quand il est tombé en 1967, Socotra a été rattaché au Yémen du Sud, mais l’archipel aurait pu l’être par Oman ou les Émirats. « Il n’y a pas une raison plus naturelle pour Socotra d’appartenir au Yémen du Sud qu’à Oman ou aux Émirats », corrobore Nathalie Peutz, anthropologue à l’université de New York Abou Dhabi et autrice du livre Islands of Heritage : Conservation and Transformation in Yemen (Stanford University Press, 2018). En 1967, à la chute du Sultanat mahri de Qishn et Socotra défait par les marxistes de la jeune République démocratique populaire du Yémen, de nombreux Socotris choisissent eux aussi l’asile dans les Émirats. Contre l’avis des Britanniques — effrayés d’accueillir en leur sein de probables révolutionnaires marxistes espions —, les chefs tribaux émiratis accueillent à bras ouverts leurs frères insulaires.
Ce lien sera renforcé après les passages dans l’archipel des deux puissants cyclones, Megh et Chapala (novembre 2015). Les EAU affrètent alors du matériel et de la nourriture de première urgence, prenant le pas sur le gouvernement central du Yémen. « Les Émirats arabes unis ont dû étendre la piste de l’aéroport et le port… [pour affréter plus rapidement du matériel d’aide humanitaire]. Des gens ont commencé à parler d’occupation, mais beaucoup ont accueilli cette aide avec gratitude », commente Nathalie Peutz. Déjà les EAU avaient construit depuis les années 1990 des écoles primaires d’élite — avec une vingtaine d’élèves maximum par classe —, des logements, des routes et un hôpital, notamment via le Croissant rouge et le Khalifa Bin Zayed Al-Nahyan Foundation. Voilà donc longtemps que les EAU sont intervenus en tant qu’État alors que celui auquel appartient Socotra traîne depuis la réunification de 1990 une réputation de corruption et de voleur de richesses.
Le début de la division
En mai 2018, sous prétexte de construire une base arrière dans sa guerre contre les houthistes et le terrorisme au Yémen, Abou Dhabi fait atterrir quatre avions militaires et une centaine de soldats sur l’île. À Hadiboh, des insulaires choqués par ce déploiement militaire manifestent et réclament leur départ immédiat. Le président yéménite en exil et les autorités locales font appel à l’Arabie saoudite pour jouer les médiateurs. Les troupes émiraties se replient finalement quelques semaines plus tard, mais l’engrenage est en marche. Peuplée de modestes pêcheurs, d’éleveurs et de petits commerçants, une partie de l’archipel se montre réceptive aux promesses d’investissement du CTS soutenu par les Émirats. Ces Socotris sont sensibles à l’idée d’une séparation du sud d’avec le nord, jugé responsable des multiples guerres civiles, de la corruption généralisée, du retard du développement de l’île et surtout de l’arrêt total du tourisme. En 2010, l’archipel accueillait entre 4 000 et 5 000 visiteurs par an. Socotra était alors une étape des voyagistes yéménites. Mais la guerre du gouvernement contre les houthistes et les attentats d’Al-Qaïda ciblant les étrangers ont ébranlé ce secteur en croissance, avant de l’enterrer définitivement après le Printemps arabe de 2011. Une manne financière disparue qui faisait vivre de nombreuses familles insulaires.
Doucement, l’île se déchire entre pro-CTS et pro-Émirats et ceux qui souhaitent que Socotra reste sous l’égide du gouvernement, tout en espérant obtenir après la guerre une plus grande autonomie dans un système fédéral. Ainsi, de nombreuses manifestations éclatent à Hadiboh pour exiger le départ de Ramzi Mahrous, gouverneur de Socotra dont l’attitude ouvertement méfiante à l’égard de l’aide humanitaire émiratie a rapidement fait de lui le symbole d’un gouvernement corrompu et inefficace gouverné par Al-Islah, accusé d’être une couverture des Frères musulmans. Un récit adopté par de nombreux militants pro-CTS pour désigner leur adversaire, dans la lignée de la politique émirienne de lutte contre le mouvement dans tout le Proche-Orient.
Le 3 novembre 2019, un cortège d’une centaine de femmes vêtues de niqabs noirs encercle le bureau du gouverneur. Elles exigent la démission de Mahours, l’accusant d’avoir passé un pacte avec les Frères musulmans. Le gouverneur n’appartient pas à l’organisation, mais il fait partie du gouvernement Hadi, lui-même influencé par le parti Al-Islah. « Les séparatistes prétendent que leurs opposants appartiennent aux Frères musulmans ou à des organisations terroristes afin de les discréditer », nuance Nabeel Nowairah, analyste au Gulf International Forum aux États-Unis.
Mahrous, qui s’est réfugié au Sultanat d’Oman, réfute ces accusations. « Je suis socialiste. L’accusation d’appartenance à Islah, et donc aux Frères musulmans, est portée contre tous les responsables gouvernementaux [par le CTS]. » D’autre part, Socotra est aussi le théâtre de manifestations exigeant la fin de toute ingérence politique émiratie. « Je n’étais pas un partisan de Mahrous, mais il était notre gouverneur nommé par notre gouvernement légitime. Au moins, avec lui vous pouviez discuter et échanger votre opinion. Ce n’est plus possible aujourd’hui », confie Ali Saad.
« Ils ont deux présidents ici »
L’Arabie saoudite appelée en renfort par le gouvernement central pour éviter un conflit ouvert entre séparatistes et pro-gouvernementaux a implanté sur l’île plusieurs bases militaires. Des centaines de soldats sont donc stationnées à Socotra. Un avion de ravitaillement venant directement d’Arabie saoudite atterrit toutes les semaines sur l’île. L’archipel est devenu une étape dans le service militaire saoudien. Certains jeunes viennent s’y former ou compléter un entraînement. Si quelques actions de bienfaisance sont réalisées de temps à autre, les Saoudiens mobilisés à Socotra n’ont qu’un faible impact sur les tensions en cours dans l’archipel. « Ils ont deux présidents ici, Hadi, le chef du gouvernement central et Aïdarous Al-Zoubaïdi, le chef du CTS », confie un soldat saoudien sorti se dégourdir les jambes. La base dans laquelle il stationne fait face au commissariat central où un immense portrait du nouveau chef de l’île a été ajouté aux côtés du fragile chef d’État yéménite.
C’est ici même qu’il y a un an, les soldats du CTS ont attaqué puis saisi le bâtiment stratégique, à une vingtaine de mètres seulement de la base de l’Arabie — qui n’est pas intervenue. L’ancien gouverneur Ramzi Mahrous affirme pourtant avoir prévenu du coup d’État imminent. En vain. « Nous avions appris l’arrivée des mercenaires [sudistes] grâce aux autorités d’autres provinces. Les généraux saoudiens, censés être des alliés du gouvernement yéménite, nous ont promis qu’ils empêcheraient tout coup d’État, mais ils n’ont rien fait. » Un militaire saoudien révèle sous couvert d’anonymat : « On contrôle le CTS ici. On leur a même donné des armes et des véhicules de guerre. » Ranzi Mahrous révèle qu’il a demandé à ses partisans de ne pas répliquer : « Je gouvernais en tant qu’autorité légale, mais j’ai décidé de me retirer pour éviter un bain de sang. »
Il semble bien improbable que le coup d’État du CTS se soit fait sans l’accord préalable de Riyad. Les Émirats ont-ils passé un marché avec leur allié pour que Socotra tombe aux mains des séparatistes ? C’est en tout cas ce que croit le comité de sit-in pacifique de l’archipel de Socotra qui réunit des personnalités tribales de l’île. Le mouvement tient une réunion le 25 mars 2021, à Halaa Deedom, le long de la côte, dans une grotte des montagnes qui la bordent. De grands tapis ont été disposés au sol pour l’occasion. Un ballet de chefs tribaux venus de toute l’île afflue lentement. Des vieillards et des plus jeunes se saluent, se frottant le nez. Les chuchotements évoquent l’occupation, les ingérences extérieures et les milices. On déroule une banderole : « Socotra est yéménite et le restera toujours. » En contrebas, des marmites de viande attirent de grands vautours.
Ali Saad finit par arriver. L’ingénieur en turban rouge est chaudement accueilli. Après avoir fait le tour des invités, l’homme se redresse et observe d’un regard inquiet l’horizon. Plusieurs hommes en treillis, kalachnikov à la main, avancent en direction de la grotte. Plus bas, des pick-up de la police patientent. « Ils veulent empêcher la tenue de ce meeting », chuchote-t-il, inquiet.
Quand les bottes des policiers font irruption sur les tapis d’Halaa Deedom, elles enjambent plusieurs hommes assis, restés de marbre, stupéfaits. Les drapeaux du Yémen disposés au fond de la caverne sont arrachés avec violence. Des voix s’élèvent, les esprits s’échauffent, le tout sous le regard figé du portrait du président Abd Rabbo Mansour Hadi. Du renfort arrive, cette fois-ci des véhicules militaires remplis de soldats, casques et armes lourdes à la main. Plusieurs chefs tribaux sont arrêtés. Plus tard, Ali Saad confiera, assis dans sa voiture garée discrètement au pied des montagnes, en pleine nuit : « Les chefs militaires du CTS qui viennent d’Aden ont ordonné aux policiers socotris pro-CTS de venir nous arrêter et leur ont donné la permission de tirer. C’est ce qu’a dit un policier en entrant dans la grotte. On lui a répondu : “alors, tu vas tirer sur moi, ton frère socotri ?” Il ne l’a pas fait , mais c’est ce que cherchent à faire les décideurs sudistes : déchirer l’île. Ils espéraient sûrement que ça tourne mal ce jour-là. »
Dans les mois qui suivent, des activistes ou de simples citoyens ayant critiqué sur WhatsApp la direction du CTS ou l’ingérence des EAU sont arrêtés et mis en prison. L’activiste Abdullah Badhan est le dernier en date. Après avoir publié sur sa page Facebook des photos montrant l’existence d’un héliport émirati sur l’île, l’homme a été interpellé puis emprisonné avant d’être relâché quelques jours plus tard.
Mais si l’invasion militaire du CTS n’a pu se faire sans le soutien politique et logistique des EAU, l’idée qu’Abou Dhabi contrôlerait l’archipel reste à vérifier. Les ambitions émiraties à Socotra demeurent floues et incertaines. De nombreuses rumeurs ébruitées par des médias qataris, turcs ou des personnalités yéménites anti-émiriennes ont tantôt dénoncé la construction d’une base israélienne à Socotra, tantôt prétendu que des touristes étrangers étaient arrivés d’Abou Dhabi sans l’aval du gouvernement yéménite, évoquant même l’entrée illégale de vacanciers israéliens. Autant de fausses nouvelles visant à critiquer les ingérences émiraties.
Déçus par le CTS
Quelques jours après le coup d’État orchestré par le CTS en avril 2020, Mohammed Abdullah Amer, collaborateur de Ramza Mahours déclarait à Orient XXI : « Nous craignons que Socotra soit contrôlée par un tiers. L’île est une zone stratégique en raison de sa position géographique située dans un couloir de navigation international. Avoir un pied à Socotra est un rêve pour de nombreux pays. »
Malgré ces craintes, à Socotra il n’existe aucun chantier militaire, portuaire ou touristique émirati. La présence militaire émiratie semble inexistante et les soutiens financiers des Émirats promis au CTS il y a un an ne sont pas arrivés. Yahya Moubarak Ben Hamdyeen, l’ancien chef du mouvement sudiste de Socotra a publié sur Facebook le 20 mai 2021 un post faisant part de sa déception : « Ce que nous espérions après que le CTS a délogé du pouvoir les Frères musulmans de Socotra n’est pas arrivé […] De nombreux projets en cours se sont arrêtés. Des chantiers importants tels que la corniche Zayed Ibn Sultan que les EAU avaient promis de mettre en œuvre, l’agrandissement du port et de l’aéroport et la construction d’une nouvelle station-service. Tout cela nous interroge grandement. Pourquoi tous ces projets se sont arrêtés ? » Contacté, Yahya Mubarak ne nie pas qu’il est déçu par la nouvelle autorité de l’archipel, mais rappelle son attachement au projet sudiste : « Mon point de vue ne fait qu’exprimer ce que pensent globalement les gens, » affirme-t-il.
Orphelin du soutien financier des Émirats, le CTS de Socotra doit faire face à un mécontentement d’une partie de sa base. Depuis une année, les salaires des fonctionnaires ne sont plus payés régulièrement, alors que sous le gouverneur Ramzi Mahrous ils l’étaient. En conséquence, les éboueurs de l’île ont ralenti leur activité et l’archipel croule sous les déchets. Socotra restera-t-elle sous la gouvernance du CTS ? Fin mai, le chef du CTS, Aïdarous Al-Zoubaïdi, soulignait « l’importance particulière de Socotra dans la construction de l’État du Sud à venir. Elle est le joyau du Sud et considérée comme sa destination touristique historique ».
Dans l’archipel, on est moins enthousiaste. Raft Al-Taqlee avoue : « Nous sommes confrontés à de nombreuses difficultés. Comme le retard de paiement de l’armée et des forces de sécurité, et des salaires des fonctionnaires. Le gouvernement ne prend pas ses responsabilités. Il y a aussi un vide administratif à Socotra. Un nouveau gouverneur devrait être nommé très prochainement. Mais nous n’accepterons pas que Socotra soit gouvernée par des groupes radicaux ou extrémistes comme le groupe des Frères musulmans. Par conséquent, nous appelons nos frères de la Coalition arabe et la communauté internationale à respecter nos désirs. »
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