Comment la fédération des Émirats arabes unis a-t-elle vu le jour ?

Durant la lente désintégration de l’empire ottoman tout au long du XIXe siècle, une partie des provinces du Golfe passèrent sous contrôle du Royaume-Uni. Ce fut le cas des « États de la Trêve », surnommés ainsi à la suite du traité maritime signé en 1820 avec l’empire britannique. Le prétexte était de mettre fin aux actes de piraterie dans les eaux du golfe d’Oman, afin de sécuriser la route des Indes. Ces États passèrent en 1896 sous protectorat britannique. Ils forment aujourd’hui le territoire des Émirats arabes unis.

Les rivalités claniques se cristallisèrent à travers l’affrontement politique de deux tribus ; chacune voulait devenir l’interlocutrice privilégiée de la Couronne britannique. D’un côté, la tribu Al-Qawassim, installée dans la province de Ras Al-Khaïmah et disposant d’une force maritime conséquente sur les eaux de la « côte des Perles », nom donné par l’administrateur colonial à la région des États de la Trêve, du Bahreïn et du Qatar, connue pour ses perles. De l’autre, la tribu Bani Yâs dont est issu le père fondateur des Émirats, Cheikh Zayed Ben Sultan Al-Nahyane, établie près de l’île d’Abou Dhabi. À partir de 1959, d’importants gisements pétroliers furent découverts à Abou Dhabi et à Dubaï, ce qui permit à la famille du cheikh Zayed d’asseoir sa domination sur ses rivaux, avec l’appui militaire de la puissance mandataire.

Un projet d’union avec le Qatar et le Bahreïn

Dans la deuxième moitié des années 1960, avec la montée du mouvement de décolonisation, notamment à Oman et au Yémen, et la crise financière que subit Londres, les colonies commencent à coûter cher à la Couronne. Le Royaume-Uni annonce en 1968 son intention de se retirer définitivement des territoires à l’est de Suez en 1971. Cheikh Zayed, qui était plutôt favorable au maintien du Royaume-Uni dans la région, alla jusqu’à proposer à l’empire une aide financière, en vain.

Face à ce départ imminent, une grande conférence réunit le 25 février 1968 les émirats des États de la Trêve ainsi que le Qatar et le Bahreïn, en vue de la création d’une fédération indépendante dont le cheikh Zayed aurait la présidence et Khalifa Ben Hamad Al-Thani du Qatar serait le premier ministre. Or, rapidement, des divergences politiques surgirent, notamment sur la représentation politique au sein de l’instance dirigeante (le Conseil suprême) et l’emplacement de la future capitale de la Fédération. Les vieilles rivalités entre cheikhs aidant, deux fronts s’opposèrent, avec le Bahreïn et Abou Dhabi d’un côté, et le Qatar, Dubaï et Ras Al-Khaïmah de l’autre. Les autres émirats relativement pauvres et peu peuplés restaient dépendants de l’émir d’Abou Dhabi, le cheikh Zayed.

Rivalités et divisions

Le Qatar, qui a été occupé pendant un siècle par les Bahreïnis, et Ras Al-Khaïmah, tous deux musulmans sunnites et adeptes du wahhabisme, profitèrent du soutien de l’Arabie saoudite. Des mariages entre leurs tribus respectives et l’union monétaire mise en place en 1966 contribuaient à rapprocher le Qatar et Dubaï. Dans le camp d’en face, les revendications territoriales iraniennes sur le Bahreïn — que les Perses occupèrent pendant un siècle et dont la majorité de la population est chiite — et les ambitions de Riyad sur Abou Dhabi consolidèrent le rapprochement de ces deux émirats.

Lorsque l’Iran, débouté en 1970 par les Nations unies, renonça à ses prétentions sur l’archipel qui forme l’émirat du Bahreïn, ce dernier renonça au projet de fédération et préféra la voie de l’indépendance. Le Qatar suivit le même chemin, en raison de son conflit avec Abou Dhabi autour de l’île de Haloul, qui abrite d’importantes réserves pétrolières et gazières. Dubaï, tentée un moment de faire cavalier seul, finit par trouver un accord avec Abou Dhabi.

Suite à ces compromis, le cheikh Zayed prononça le 2 décembre 1971 la création des Émirats arabes unis, non plus à neuf mais à six, avant de s’élargir à l’émirat de Ras Al-Khaymah en février 1972. La présidence de la Fédération est assurée par Abou Dhabi et le poste de premier ministre par Dubaï.

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