En 1979 une Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedaw) a été votée par l’Assemblée générale de l’ONU. Elle consiste simplement à appliquer aux femmes les principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Cette convention a été adoptée progressivement par tous les pays membres de l’ONU, à l’exception des îles Tonga, du Vatican, de l’Iran, de la Somalie et du Soudan. Trois des cinq pays qui ont refusé de ratifier la Cedaw sont donc des pays musulmans. Mais beaucoup d’autres États musulmans, dont les Etats arabes du Golfe, l’ont fait, c’est à dire qu’ils se sont, en principe, engagés, à inscrire l’égalité hommes-femmes dans leur législation.
Cependant, dans ces pays, comme dans la plupart des régions du monde, il y a une distance considérable entre l’énoncé de principes et leur mise en application.
Une grande diversité
On entend souvent dire que la situation des femmes dans les pays musulmans, c’est-à-dire dans les pays où les musulmans sont majoritaires et où les règles de vie en commun se réfèrent à l’islam, est plus difficile que dans le reste du monde. C’est oublier que ces pays sont très différents les uns des autres par leur histoire, leur situation géographique, et leurs usages. Cependant ils ont tous en commun d’avoir été soumis, directement ou indirectement à la colonisation occidentale, et beaucoup sont encore le théâtre de conflits violents.
Un enjeu colonial
La question des femmes a été un enjeu crucial dans la colonisation : les puissances coloniales prétendaient agir pour les protéger. Plus tard, dans la période dite « post-coloniale », des régimes autoritaires fort peu respectueux des droits humains et des principes démocratiques ont parfois prétendu défendre les droits des femmes, par exemple en interdisant le port public du foulard (Iran d’avant la révolution islamique, Turquie, Tunisie). Dans d’autres pays au contraire, l’État a cherché à se rendre populaire en renforçant les prérogatives masculines et en restreignant les libertés des femmes, notamment à l’aide de codes de statut personnel qui, dans l’espace privé et familial, soumettent les femmes au pouvoir des hommes (Algérie).
La vitrine féministe de certains régimes
Le féminisme dit « d’État » faisait de quelques femmes privilégiées des « vitrines », alors même que la plupart des femmes ne disposaient pas de véritable droit à l’éducation, au travail ou à la santé. Il se réclamait d’une laïcité qui n’était en fait que le contrôle de l’islam par l’État. Ailleurs les restrictions aux libertés des femmes étaient justifiées au nom de l’islam. Dans tous les cas les femmes ont été des enjeux dans des stratégies politiques. Jamais on n’a écouté leurs voix.
L’engagement des féministes islamiques
Cependant, dès le XIXe siècle, des femmes du monde musulman ont lutté contre la domination coloniale et pour leurs droits : droits politiques, sociaux, mais aussi de plus en plus, libertés personnelles et individuelles. Beaucoup d’entre elles le font aujourd’hui à partir des symboles, des valeurs et des normes auxquelles elles se rattachent. C’est ce qu’on appelle les féministes islamiques. L’islam, rappellent-elles, n’a jamais enseigné l’inégalité des femmes et des hommes. Cette lecture a été le fait d’institutions patriarcales et autoritaires (le clergé et l’État) et a nourri nombre de préjugés sur l’islam.
Les femmes qui se réclament de ce mouvement, surgi au début des années 1990 à la fois en Iran, en Turquie, en Malaisie, et qui s’est propagé à travers les frontières et les continents, sont en lutte à la fois contre ce qui persiste d’impérialisme colonial dans une forme de féminisme qui nie la diversité, et contre l’arbitraire de la domination patriarcale, qu’elle s’exerce à l’intérieur ou à l’extérieur de la sphère familiale. Leur combat est donc à la fois un combat contre le sexisme et le racisme et pour la démocratie.
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