Berceau des soulèvements populaires observés dans le monde arabe en 2011, la Tunisie semble avoir résisté aux vents mauvais qui ont soufflé sur les autres pays. Engagée dans une transition démocratique, le pays fait figure d’exception, même si les évolutions politiques ne se sont pas accompagnées d’avancées en matière d’emploi et de lutte contre les inégalités sociales.
Six ans après la révolution, le rythme de la croissance économique (1,2 % pour 2016) est très insuffisant pour procurer du travail aux jeunes qui ont été à l’origine des protestations. Le chômage a augmenté (+ 15,6 %), atteignant plus de 30 % pour les diplômés de l’enseignement supérieur. Depuis 2011, l ‘État a beaucoup dépensé, notamment en recrutant dans la fonction publique et en augmentant les salaires. Cela a eu des effets sur les déficits publics, alors que les régions intérieures, celles qui ont été le théâtre des premières manifestations au moment de la révolution, n’ont pas bénéficié d’investissements significatifs. Ces régions restent privées de développement.
Cette économie malade et le manque de réponses aux revendications sociales donnent le sentiment que l’espoir suscité par la révolution a laissé place à une grande désillusion. Socialement fracturé, le pays est également en proie au terrorisme mené par l’organisation de l’État islamique (OEI) qui a déjà frappé à trois reprises en 2015, fragilisant un peu plus le secteur touristique qui emploie plus de 400 000 personnes.
Dans ce contexte, les demandes sociales, appuyées par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), puissante centrale syndicale, paraissent à la fois légitimes et décalées. Depuis la révolution, plus de 2 000 entreprises (dont 600 étrangères) ont mis la clé sous la porte, parce qu’elles ne parviennent plus à produire correctement, tant le climat social est dégradé. Leur fermeture aggrave un peu plus un chômage d’autant plus difficile à contenir que les réformes structurelles n’ont pas été engagées par les gouvernements qui se sont succédé.
Malgré cela, au plan politique, le chemin parcouru depuis 2011 est considérable. Les élections sont libres et transparentes, la Constitution votée en 2014 garantit les libertés fondamentales et reconnaît la liberté de conscience, et la liberté d’expression est aujourd’hui réelle pour les Tunisiens qui en ont été privés pendant plus de cinquante ans.
La société civile qui avait révélé sa détermination en 2011 reste vigilante quant à la conduite de la transition. En 2013, elle avait réussi à contraindre à la démission un gouvernement élu au suffrage universel, plaçant la légitimité consensuelle au-dessus de la légitimité des urnes.
Enfin cette Tunisie qui s’est divisée en deux factions porteuses de projets irréconciliables après la révolution, a réussi à trouver un compromis sur le partage du pouvoir, réussissant ainsi à se démocratiser tout en évitant le conflit violent, voire la guerre civile, même si les classes dirigeantes n’ont pas été capables de répondre aux demandes de transformations sociales.
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