Roman

Algérie. Les racines de la terreur

Dessin de couverture : © Jacques Ferrandez

Écrit sobrement, le premier roman de l’ancien ambassadeur de France au Yémen tient de l’intime et de l’histoire. Au départ, la passion amoureuse dévorante d’un jeune coopérant français nommé professeur dans les années 1970 au lycée de Biskra dans le sud algérien, pour un élève de terminale avec qui il quitte chaque week-end la petite ville pour gagner la vallée des roses de l’enfance et découvrir les réalités parfois dérangeantes d’une famille traditionnelle.

Le détournement en décembre 1994, le lendemain de Noël, d’un Airbus d’Air France sur l’aéroport d’Alger survient en pleine guerre civile algérienne entre un régime autoritaire et une révolte islamiste. L’évènement est considérable, la France officielle en pleine cohabitation entre un président de la République de gauche — François Mitterrand — et un premier ministre de droite — Édouard Balladur — se raidit et envisage une intervention quasi militaire sur le sol algérien. Une première ! L’affaire est suivie au Quai d’Orsay, siège du ministère des affaires étrangères, par une poignée de diplomates, dont le jeune coopérant devenu au fil des ans responsable du bureau Maghreb et qui découvre que son ancien amant est l’un des pirates.

Vingt années ont passé et les retrouvailles entre le diplomate et le terroriste seront dramatiques à souhait. Qu’est-ce qui conduit un jeune lycéen prometteur à se rebeller et à plonger dans la violence ? Gilles Gauthier répond à sa manière à cette question qui concerne des millions de jeunes dans tout le monde arabe.

Dans le chapitre final de son livre, il raconte le dialogue intense entre les deux anciens amants à bord de l’Airbus garé à proximité de la tour de contrôle de Marseille-Marignane d’où les agents français se préparent à l’assaut. L’un invoque la réalité algérienne, les ambitions démesurées des vainqueurs de 1962, date de l’indépendance de l’Algérie, qui ont privé les oasis logées derrière les hauts plateaux de l’eau des rigoles au profit de projets grandioses inspirés de l’Arabie saoudite et de son agriculture industrielle, accaparé les richesses du pays, subi la poigne des quatre ou cinq polices qui défendent avec hargne le régime. Le sentiment est répandu dans la population que l’injustice est partout et le droit nulle part.

Le diplomate comprend les raisons de la révolte de son ami ; il connaît les turpitudes des gouvernants de l’Algérie où il a été en poste, mais il ne peut plaider que l’inutilité du sacrifice et exalter la vie. Un épilogue existentiel conclut ce roman qui mêle fiction et réalité dans une proportion connue du seul auteur :

… Sous une vérité, il y en a toujours une autre plus profonde et ainsi de suite jusqu’à l’infini… D’abord on croit et puis on marche et au bout de quelque temps on finit par marcher sans plus se poser de questions.

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