« Au Liban, quand j’étais jeune, raconte Houda Ibrahim1, l’organisatrice du festival, il n’y avait que le cinéma égyptien qui comptait. Ce qu’il véhiculait de clichés, de stéréotypes sur les femmes, leurs relations avec les hommes, ce monde patriarcal, tout cela ne me parlait pas. Je me suis d’abord intéressée au cinéma occidental. Le cinéma arabe, je l’ai vraiment découvert à Paris, en particulier avec la Biennale des cinémas arabes organisée par l’Institut du monde arabe (IMA) entre 1992 et 2006. J’ai fait partie de son comité de sélection des films. Puis la Biennale a connu des difficultés financières et s’est arrêtée. »
En 2011, l’Association du cinéma euro-arabe (ACEA) créée à l’initiative de membres de ce comité de sélection de la Biennale disparue veut continuer à témoigner de l’émergence d’un cinéma nouveau qui a « commencé sa révolution avec l’arrivée d’une génération assoiffée de liberté »2. Et lance la première édition de son « Printemps du cinéma arabe » en septembre, un festival en partenariat avec le cinéma La Clef, petite salle parisienne indépendante — et seul cinéma associatif — qui soutient sa démarche. Le manque d’argent, la difficulté à trouver des subventions auront raison de cette initiative. On conseille alors à l’association de rejoindre d’autres festivals, comme Le Maghreb des films ou encore le Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient de Saint-Denis. Mais, objecte la critique de cinéma, les films sélectionnés viennent surtout du Maghreb. « La plupart des films du Machrek n’ont jamais la chance de sortir en salles en France. La visibilité du cinéma arabe est quasi nulle ». Elle le sait par son travail de journaliste et ses fréquents voyages dans le monde arabe, ce cinéma, « jeune, fort et beau » mérite pourtant d’être mieux connu. Ne s’avouant pas vaincue, Houda Ibrahim relance la machine et crée avec d’autres obstinés comme elle « Mawassen, les saisons du cinéma arabe » en 2014. Et toujours sans subventions.
Cette deuxième édition regroupe une série d’expérimentations visuelles inédites, des films primés dans les plus grands festivals et des noms qui seront certainement les talents de demain. L’avantage de ne rien devoir à un quelconque financeur a pour nom indépendance, aussi le choix des films est-il sans contrainte. Les critères ? La jeunesse des réalisateurs, le talent, la liberté de ton et de forme, pour une programmation qui parie aussi sur la diversité. Cinq longs métrages de fiction, cinq documentaires et onze courts métrages de onze pays arabes seront présentés, ainsi que les films de cinq réalisatrices venant de Tunisie, d’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, de la Mauritanie et du Liban. Un hommage sera rendu à Nabil El Maleh, cinéaste syrien décédé en février 2016, avec la projection d’un de ses plus célèbres films, Le comparse (1993).
Tandis qu’en France, la parole islamophobe et raciste se décomplexe de jour en jour, ce jeune cinéma de l’autre rive de la Méditerranée vient parler sur tous les tons de la condition humaine, et Mawassem le déclare « territoire de rêve, de liberté, d’épanouissement et d’espoir ».
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