Cinéma

Regard d’une réalisatrice saoudienne sur le foulard en France

« Mariam » de Faiza Ambah · Mariam, de la réalisatrice saoudienne Faiza Ambah, raconte l’itinéraire d’une collégienne voilée en France qui fait sa rentrée des classes en septembre 2004, l’année de la loi sur l’interdiction des signes religieux à l’école. Diffusé pour la première fois le 22 septembre 2015 à l’Unesco, ce court-métrage sera projeté à nouveau lundi 8 février par Contre-attaque(s).

Se regardant dans le miroir, Mariam, 14 ans, les écouteurs vissés sur les oreilles, se prépare pour aller à l’école au son d’Outlandish, un groupe danois multiculturel de musique pop/rap. Ce face-à-face entre le spectateur et la jeune fille se conclut par Mariam ajustant son foulard sur sa chevelure. Elle est prête pour la rentrée des classes. La scène se passe en septembre 2004, année de l’application de la loi du 15 mars encadrant « le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles ». Ce jour banal de retrouvailles de ses camarades ne sera pas aussi simple qu’à l’accoutumée​. En sortant, son père, la dévisageant, marque son opposition à sa nouvelle tenue. On apprendra plus tard dans le film que Mariam a décidé de porter le foulard suite au pèlerinage à La Mecque avec sa grand-mère durant l’été. Lorsqu’elle arrive à l’école, le directeur écarte les jeunes filles portant le voile du reste des élèves. « Tant que vous n’enlevez pas le voile, vous n’irez pas en classe, vous irez en permanence. C’est la loi ! », assène-t-il.​

Entre un père autoritaire n’acceptant pas ses choix et une école qui lui interdit son entrée, l’adolescente vit entre convictions personnelles, amitiés, amour et pérégrinations d’une collégienne comme les autres. Malgré la solennité de l’exclusion, Mariam se veut un film léger et drôle. Durant 44 minutes, le spectateur découvre l’univers banal d’une jeune fille, fan de danse Bollywood, qui vit ses premiers coups de cœur et qui, contre toute attente, résiste et assume ses choix jusqu’au bout.

Mariam, bande-annonce — Viméo
Court métrage de Faiza Ambah, Bizibi productions, 2015.

Faiza Ambah, réalisatrice saoudienne de Mariam, a choisi de faire ce film en langue française pour donner à voir l’histoire d’un voile, pas « du voile » comme un tout globalisant, plutôt d’une expérience parmi tant d’autres. « J’ai voulu humaniser cette culture et ces personnes avant tout. Et montrer qu’il y a tant de récits derrière "le" voile. » Cette fiction produite par Bizibi productions de Jérôme Bleitrach en partenariat avec Silvergrey et Faizalberry films est inédite en France.

À l’inverse des sempiternelles fictions sur « les quartiers populaires », « les Arabes », « les musulmans », dans lesquelles la femme arabe est généralement libérée par un « sauveur » blanc, Mariam est un film au ton juste. Faiza Ambah a su recréer sur grand écran un univers réaliste, loin de la caricature des « banlieues ». Le spectateur est pris d’attachement pour le personnage de la jeune fille, entière dans ses émotions, passionnément amoureuse, en colère face à un père qui préfère courber l’échine et révoltée par cette l’institution scolaire qui ne l’accepte pas comme elle est.

Mariam n’est pas un film « pour ou contre » le voile. Il dit simplement les tiraillements, les réalités subies par une jeune fille confrontée à l’application de la loi du 15 mars 2004 à l’école. « J’ai voulu produire une fiction qui ne soit pas une réponse sur la loi ou le voile. Ce film ne prend pas position », raconte Jérôme Bleitrach, le producteur. lais, précise-t-il, autant dans le financement que dans la diffusion, nous avons rencontré énormément de difficultés ». Bleitrach et son équipe ont mis deux ans pour trouver des financements. « Il a été très compliqué de trouver un établissement scolaire qui accepte que l’on filme, à l’intérieur à cause de la thématique. Alors même que c’était une location et que nous allions payer pour cela. Les directeurs nous demandaient si le film était pour ou contre le voile. »

Mariam mérite d’être vu et diffusé, au-delà des préjugés et des a priori, pour mieux comprendre les émotions et l’expérience subie par une jeune fille qui porte le voile en France.

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