Au Proche-Orient, la Russie sûre d’elle-même

Au Proche-Orient, une Russie toujours plus confiante en soi occupe le vide laissé par les États-Unis. Le Kremlin reste déterminé à défier Washington pour étendre son influence.

Pourparlers russo-saoudiens au Kremilin, 5 octobre 2017.
kremlin.ru

Les retombées des printemps arabes de 2011 qui ont bouleversé toute la région constituent l’une des raisons qui expliquent l’offensive de Moscou au Proche-Orient. Cette situation a en effet convaincu Vladimir Poutine que le retrait des positions régionales héritées de l’ancienne Union soviétique avait été une erreur. Le président Poutine cherche à reconstruire le prestige global de la Russie en tirant principalement profit des faux pas américains. Les maladresses de Washington lui ont fourni l’occasion de se créer de nouvelles sphères d’influence.

Architecte de la situation

Comme toujours, la tactique du Kremlin répond autant à une recherche de prestige intérieur que d’influence extérieure. D’habiles manœuvres politiques ont rehaussé sa stature et son rôle en tant que courtier diplomatique.

La diplomatie de Moscou atteint désormais un palier supérieur. La Russie n’est plus seulement réactive ; elle vise à devenir l’architecte d’une situation. Il est impossible de prendre une décision en Syrie sans l’aval de la Russie ou contre sa volonté. La Russie est prête à s’investir davantage dans les affaires du Proche-Orient et cherche par différents moyens à étendre son emprise et sa légitimité en Méditerranée.

L’une des réussites de la diplomatie russe aura été d’entretenir de bonnes relations avec tous les pays de la région, y compris Israël, en dépit du fait que nombre de ces États proche-orientaux sont dans une situation d’affrontement. Cela souligne leur détermination à entretenir de bonnes relations avec la Russie, même si celle-ci a des relations étroites avec leurs rivaux. La Russie a de bons rapports avec les alliés traditionnels des États-Unis dans la région, l’Arabie saoudite et d’autres membres du Conseil de coopération (CCG) du Golfe, l’Égypte, la Jordanie et la Turquie. Tous en sont arrivés à craindre un manque d’engagement de la part des États-Unis. La Russie est perçue comme le ferme défenseur du statu quo au Proche-Orient, et sa politique est synonyme de cohérence et de fiabilité.

Redevenir une puissance régionale

Le message qu’envoie Moscou est que la Russie est de retour au Proche-Orient en qualité d’acteur clé et qu’elle s’affirme comme une puissance régionale. Les Russes ne sont pas seulement de retour. Ils ont des objectifs clairs, une vision de la manière d’atteindre ces objectifs et des ressources nationales pour en accompagner l’évolution. Le président Poutine entend réécrire les règles au Proche-Orient et changer l’ordre politique régional qui garantissait la libre circulation des ressources énergétiques de la région au profit de Washington au moindre coût. Les États arabes du Golfe, alliés des États-Unis, comprennent désormais qu’ils doivent prendre en considération les intérêts et les objectifs russes. Vladimir Poutine a de la même manière fait cause commune avec les Iraniens qui, eux aussi, s’irritent de l’ordre régional politique mis en place par les États-Unis. Les Égyptiens voient en la Russie une option différente de celle des États-Unis, tant il est vrai que les Américains leur ont donné d’amples raisons d’aller chercher ailleurs un soutien.

Des préoccupations de politique intérieure ont également leur part dans le resserrement des liens avec Moscou. Il est de l’intérêt d’Abdel Fattah Al-Sissi d’être perçu comme celui qui coopère avec la Russie de manière à ne pas avoir l’air d’être excessivement dépendant de Washington.

Moscou a évité à Bachar Al-Assad de connaître la défaite et fait pencher l’équilibre des forces militaires en sa faveur. Plutôt que d’être un but en soi, la Syrie donne désormais à la Russie les moyens d’exercer une influence régionale. Il n’est pas du tout certain que les Russes soient disposés à intervenir au Proche-Orient pour défendre d’autres régimes de la même manière qu’ils l’ont fait en Syrie. La Russie ne pourra probablement pas retirer la totalité de ses troupes de Syrie dans un avenir prévisible et ne renoncera pas aisément à soutenir le régime d’Assad.

Rien ne dit que le président Poutine pourra indéfiniment maintenir cet exercice d’équilibre, même si sa diplomatie proche-orientale a suscité des attentes dans les pays de la région sur ce que la Russie peut ou est prête à faire pour eux. Au final, il s’agit plutôt d’une bataille pour la suprématie régionale et du désir de la Russie de fixer les règles du jeu au Proche-Orient.

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