Contre le débat à une voix, soutenez Orient XXI !

En décembre 2010, le peuple tunisien descendait dans la rue, ouvrant la séquence des « printemps arabes ». En quelques mois les autocrates d’Égypte, de Libye, du Yémen étaient balayés ; ceux de Syrie ou du Maroc ébranlés. Dix ans plus tard, c’est l’hiver qui s’est à nouveau abattu sur la région : pas l’hiver islamiste, mais celui des dictateurs.

Les guerres civiles s’éternisent, les voix dissidentes sont muselées, le désespoir s’enracine, symbolisé par la volonté de centaines de milliers de jeunes de fuir leur pays, y compris au péril de leur vie. Et en Occident domine un point de vue essentialiste, une grille de lecture simpliste de la région (islamistes versus laïcs), une réduction de sa diversité à des clichés qui permettent de justifier un soutien à des pouvoirs antidémocratiques, mais prétendument « stables ».

C’est contre cette manière de voir qu’Orient XXI a été créé. Nous avons voulu regarder les sociétés de la région entre Maroc et Iran dans leurs différences, leur vie quotidienne, leurs luttes persistantes pour la justice. Ainsi, cette année, nous avons consacré une douzaine d’articles et de reportages à l’épidémie de Covid-19, à la manière dont les populations y répondent, face, souvent, à l’incurie des pouvoirs. Dans des conditions difficiles de confinement, nous avons trouvé les journalistes et les universitaires qui ont pu rapporter ce qui se passait sur le terrain.

Nous avons aussi continué à couvrir les conflits qui perdurent, comme ceux du Sahel, de Syrie ou du Yémen, et ceux qui couvent sous la cendre pour éclater brutalement comme au Haut-Karabakh. Nous avons poursuivi la couverture du drame palestinien, convaincu.e.s qu’il reste au centre des frustrations dans la région. De la culture à l’économie, de l’histoire à la diplomatie, de la lutte des femmes aux mobilisations sociétales, nous avons voulu en donner une image vivante, sans céder au pessimisme, avec au total près de 300 articles publiés en une année, dont certains sont traduits en arabe, en anglais, en persan et depuis le début de l’année en espagnol.

Ces choix, nous les faisons à contre-courant du vent mauvais qui souffle sur la France comme sur l’Occident. Prenant prétexte des attaques contre des civils innocents, on cherche à imposer une vision simpliste du monde musulman et de l’islam. Alors qu’on n’a jamais autant invoqué « l’esprit Charlie », les voix qui contestent cette vision sont diabolisées et l’on a pu lire l’appel d’une centaine d’universitaires prônant une croisade contre les libertés académiques et appelant les autorités à mettre au pas leurs collègues « mal-pensants ». Un exemple parmi d’autres, la censure qui a frappé un texte de Farhad Khosrokavar, un des meilleurs spécialistes de l’islam en France. Nous l’avons publié et avons mis en lumière les dessous des interdits, à l’heure où progresse une vision de plus en plus sécuritaire, concrétisée par des textes législatifs liberticides, qui s’ajoute à un arsenal déjà fourni. Elles s’inscrivent dans la droite ligne des demandes de l’extrême droite, comme le faisait remarquer dans nos colonnes Me Henri Leclerc.

Vingt ans après le déclenchement de cette « guerre contre le terrorisme », n’est-il pas temps d’en faire le bilan de faillite ? Dès 2014, le général de réserve Philippe Gunet, membre de notre rédaction, aujourd’hui décédé, annonçait que cette « guerre sans fin contre le terrorisme » produisait « toujours plus de djihadistes ». On le voit en Afghanistan, où les États-Unis s’apprêtent à abandonner le pays aux talibans. On le mesure au Mali où l’enlisement français s’accompagne de la fragmentation de toute la région. Le refus du débat — une forme pernicieuse de pensée unique menée sous l’étendard de la « liberté d’expression » — n’est pas seulement contraire à la démocratie, il a des conséquences funestes sur le terrain.

D’où la détermination d’Orient XXI à poursuivre son effort d’information, à contre-courant. Et ce travail coûte cher. Un article revient en moyenne à 600 euros si l’on ajoute à la pige l’illustration, l’édition, la mise en ligne, la présence sur les réseaux sociaux et la traduction en arabe et/ou en anglais. Nous avons publié en moyenne 6 articles par semaine, ce qui revient à environ 15 000 euros par mois, et ce chiffre ne prend pas en compte le travail bénévole de l’essentiel de l’équipe de rédaction, dont seules deux membres sont salariées. Sans parler de nos projets de développement : enquêtes, reportages, traduction dans de nouvelles langues, comme l’italien…

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