25 février 2020 : le premier cas de Covid-19 importé d’Italie — par un ressortissant étranger — est déclaré en Algérie dans la wilaya de Ouargla. À peine une semaine après, le premier foyer de contagion est apparu à Blida, quand au moins seize membres d’une même famille sont testés positifs après avoir participé à un mariage.
Depuis le début de la pandémie, l’Afrique a enregistré plus d’un million de cas confirmés et 29 000 morts. Sur la base du volume de voyages aériens en provenance des provinces chinoises infectées début 2020, l’Algérie a été classée dans le top 3 des pays les plus à même d’importer des cas en Afrique. Mais contrairement aux projections, le danger n’est pas venu de l’Asie de l’Est, mais d’Europe. Les enquêtes épidémiologiques ont montré que les premiers cas algériens provenaient d’Europe.
La fragilité du système de santé algérien et son manque de ressources laissaient présager le pire. Pourtant, comme les autres pays africains, le pays a enregistré un taux de mortalité relativement bas pendant la première vague. Plusieurs hypothèses scientifiques ont été proposées pour expliquer cette énigme. Elles doivent encore être vérifiées, mais un autre élément pourrait remettre en question le bien-fondé des chiffres officiels.
Partout dans le monde, le nombre de cas réels ne correspond pas au nombre de cas déclarés, car il est impossible de réaliser des tests systématiques sur l’ensemble de la population. Ce problème se pose de façon plus importante en Algérie vu la capacité très limitée de la tester, en raison du manque de consommables, de réactifs et de centres de diagnostic. Rien ne permet de contester les chiffres officiels eu égard à l’absence d’études (comparant le taux de mortalité global de la pandémie au taux de mortalité normal pour une même période) et à la gestion autoritaire de l’information sanitaire, la Commission nationale de veille et de suivi de l’évolution de l’épidémie du coronavirus étant la seule habilitée à communiquer les chiffres officiels.
Différentes mesures ont été mises en œuvre depuis le mois de février pour contenir la pandémie : confinement total ou partiel (couvre-feu), restriction ou interdiction de voyager, fermeture de frontières, des écoles, des universités et des commerces, interdiction des événements privés et publics, réduction des services publics… Des mesures qui ont été allégées ou renforcées selon les périodes.
Malgré la recrudescence des cas ces dernières semaines, des mesures contradictoires ont été prises pour garantir la continuité du calendrier politique du pouvoir. Alors que des citoyens algériens sont interdits de rentrer dans leur pays par mesure sanitaire, de grands rassemblements du Front de libération nationale (FLN), du Rassemblement national démocratique (RND) et d’autres soutiens de la caste politique ont été autorisés en vue de faire la promotion du référendum constitutionnel qui s’est tenu le 1er novembre en l’absence du président hospitalisé en Allemagne.
Une mesure arbitraire
Les tensions entre la liberté de circulation inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et le droit des pays de réguler l’entrée sur leur territoire ont émergé avec l’apparition de la pandémie. L’Algérie fait partie des rares pays qui ont totalement fermé leurs frontières, y compris pour ses propres ressortissants. L’association du transport aérien international met à disposition une source centralisée des dernières exigences en matière de voyages internationaux. L’analyse des données actualisées révèle que seuls quinze pays appliquent une interdiction de vols restrictive. L’Algérie en fait partie. À part l’Érythrée et le Botswana qui ont complètement fermé leurs aéroports, cinq pays (Argentine, Uruguay, Azerbaïdjan, Mongolie, Corée du Nord) n’appliquent pas de restrictions d’entrée à leurs nationaux et résidents, et huit pays (Venezuela, Libye, Algérie, Madagascar, Turkménistan, Sri Lanka, Laos, Myanmar) autorisent les vols de rapatriement, à visée humanitaire ou pour des évacuations médicales.
La loi fondamentale algérienne (art. 55.18) garantit le droit d’entrée et de sortie du territoire national aux citoyens algériens. Seule l’autorité judiciaire est apte à restreindre ce droit à deux conditions : sur décision motivée et pour une durée déterminée. Théoriquement, l’Algérie autoriserait donc les vols de rapatriement, or, le dernier vol de rapatriement a été programmé le 11 septembre, et la date de reprise des vols n’est pas indiquée. Il y a de surcroit des déclarations discordantes quant à l’autorité de prise de décision. Conseil scientifique et exécutif se renvoient la balle, le premier déclarant que le maintien des frontières fermées est une décision politique qui émane du gouvernement, le deuxième que toute réouverture est du ressort des scientifiques.
Au milieu de cette cacophonie, il y a violation du principe de séparation des pouvoirs. On nous dira que cette disposition s’applique dans une situation ordinaire, et non pas dans le contexte d’un état d’urgence déclaré par le président de la République selon l’article 105 de la Constitution. Même dans ce cas, aucun décret présidentiel n’a été promulgué dans ce sens. Sur la forme, ces raisons rendent la mesure inconstitutionnelle.
Des drames personnels et familiaux
Selon le ministère des affaires étrangères, plus de 30 000Algériens ont été rapatriés, mais on ignore le nombre d’Algériens encore bloqués à l’étranger. Sur les réseaux sociaux, les doléances de ces laissés pour compte foisonnent. Cela va des familles séparées — dont des mères privées de voir leurs enfants — aux divorces, à des visiteurs sans plus aucune ressource qui se retrouvent avec des dettes colossales pour le salaire algérien, des personnes ayant perdu leurs proches sans pouvoir leur dire adieu ni les enterrer, des Algériens qui se retrouvent à la rue. Des drames humains jusqu’aux situations les plus ubuesques : celles d’Algériens obligés de passer illégalement depuis des points d’entrée non officiels par les frontières terrestres.
Le rapatriement des nationaux est pourtant l’une des recommandations prioritaires de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui propose par ailleurs une approche globale pour la gestion des voyageurs avant leur départ et à leur arrivée. Distanciation sociale, port du masque, dépistage au départ et à l’arrivée pour repérer les symptômes (fièvre, toux), tests PCR immédiatement avant le départ ou à l’arrivée, sont autant de mesures prises à travers le monde pour assurer la sécurité des voyageurs et prévenir l’importation de nouveaux cas.
Quelle est la base scientifique qui a motivé une telle décision ? Par quelle logique légale interdit-on l’entrée des citoyens algériens dans leur pays ? Jusqu’à quand serons-nous les otages de calculs politiciens ? La situation est insoutenable, d’autant plus que l’état actuel de la science fait miroiter le pire des scénarios. Les projections de la dynamique épidémique varient entre un minimum de 18-24 mois et une résurgence pouvant se produire jusqu’en 2025.
Après nous avoir présenté des molécules comme remèdes miracles, la fausse promesse de l’arrivée du vaccin à la vitesse de la lumière avant même la fin des essais cliniques a nourri bien des espoirs. Or, sur les 300 candidats vaccinaux recensés par l’OMS, seulement 9 sont en phase III des études cliniques.
Les vaccins ne sont pas des traitements magiques, ce sont des moyens de prévention qui nécessitent du temps, des planifications et des moyens considérables pour arriver à l’immunité de groupe.
L’Algérie qui subit les conséquences de la chute du cours de pétrole avec un gouvernement en manque de légitimité populaire devra en plus faire face au défi de concilier les facteurs sanitaires, économiques et psychologiques de la Covid-19.
L’histoire nous enseigne qu’en temps de crise, soit les majorités sociales échouent face aux élites dirigeantes et payent le prix de l’échec pendant des décennies, soit elles gagnent des acquis progressistes. Les tenants du pouvoir se sont engagés vers la voie de la répression, des mesures liberticides et antisociales. Les citoyens quant à eux ont choisi la voie de la liberté et de l’émancipation. Amen.
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