Tribune

Iran. Signer l’accord sur le nucléaire pour aider les femmes en lutte

Un mouvement de grande ampleur balaie l’Iran depuis plusieurs semaines. Au-delà des nécessaires déclarations de solidarité, il faut agir. Et la meilleure forme d’aide à la révolte serait pour la France et l’Union européenne de pousser au retour à l’accord de 2015 sur le nucléaire.

L'image montre une scène dynamique dans une rue urbaine, probablement lors d'une manifestation. On peut voir plusieurs personnes, dont l'une est au premier plan, se tenant près de flammes qui brûlent sur la route. L'atmosphère semble tendue, avec des barrières et des débris éparpillés. La lumière des flammes éclaire les visages des manifestants, qui portent des masques. En arrière-plan, on aperçoit des bâtiments urbains et une lumière tamisée, ce qui donne une impression d'urgence et de mouvement.
Téhéran, 21 septembre 2022. Cette photo obtenue par l’AFP hors d’Iran montre l’une des nombreuses manifestations en faveur de Mahsa Amini, quelques jours après sa mort en garde à vue
AFP

L’émotion face à la mort de Masah Amini et à la répression contre la révolte courageuse des jeunes femmes iraniennes a provoqué un élan de solidarité international utile et profond pour soutenir un mouvement qui est bien plus qu’une révolte. C’est en effet un conflit de basse intensité mais fort étendu. Pas un cortège de centaines de milliers de personnes dans quelques métropoles, mais partout mille petites manifestations qui mobilisent les gens ordinaires. Il est probable que la répression brutale de la République islamique viendra à bout d’un tel mouvement s’il n’est pas rapidement rejoint par d’autres composantes d’une société qui n’est plus du tout celle qui avait renversé le chah en 1979. L’émotion et les déclarations solennelles qui abondent sur les réseaux sociaux et dans les médias internationaux sont honorables, mais resteront vaines si elles ne sont pas suivies par une action politique forte et juste, sans ingérence, de la part des sociétés et des États soucieux de paix et de liberté.

L’histoire a montré que les sanctions économiques imposées à un État par la communauté internationale ont souvent renforcé les dictatures et plongé les populations dans la misère. L’Iran en est malheureusement un excellent exemple. En déchirant en 2018 l’accord sur le nucléaire (JCPOA) signé en 2015 par six grandes puissances et validé par l’ONU pour contrôler le programme nucléaire iranien et lever les sanctions économiques, Donald Trump a en fait permis à l’Iran d’atteindre le « seuil nucléaire », aux factions les plus conservatrices d’accaparer tous les pouvoirs, et plongé la population iranienne dans une crise économique sans précédent.

Que faire ? Oublions les discours naïfs appelant à un « changement de régime » obtenu par magie et prenons acte que l’option militaire est peu crédible pour résoudre la crise du nucléaire, pour voir comment l’Iran pourrait renaitre en construisant un consensus national qui n’est plus celui de la révolution islamique. Quelle action politique internationale serait assez puissante pour modifier en profondeur les rapports de force dans la vie sociale et politique iranienne ? La seule réponse réaliste est la signature du nouvel accord sur le nucléaire en cours de négociation à Vienne.

Souvenons-nous des espoirs suscités en 2015 par l’accord (JCPOA) accepté à la fois par le président américain Barak Obama et même par le Guide Ali Khamenei. Après la dure expérience de quatre décennies d’islam politique, et dans le contexte politique actuel de contestations pleines d’espoirs, un nouvel accord ouvrirait à nouveau l’Iran aux coopérations et aux échanges internationaux. La levée des sanctions économiques libérerait les fortes dynamiques si longtemps étouffées d’une société iranienne qui veut tout simplement vivre. Ce choc pacifique, économique et politique affectera les factions politiques au pouvoir qui devront gérer ce nouveau contexte international qui aura d’inévitables conséquences institutionnelles.

Aujourd’hui l’enjeu est la mobilisation de la nombreuse et nouvelle classe moyenne, urbaine, éduquée et ambitieuse, composée de jeunes adultes de 30 à 50 ans. Ces « petits-fils de Khomeiny » qui forment le cœur de l’Iran actuel ont conservé l’esprit contestataire de leurs parents qui ont fait la Révolution et la guerre Irak-Iran. Ils soutiennent les protestations actuelles de leurs enfants âgés de 15 à 25 ans, mais pour l’heure, ils hésitent à se joindre au mouvement, car ils sont écrasés par la crise économique, découragés par l’absence d’alternative politique et désabusés par les pays européens qui n’ont pas fait grand-chose contre les sanctions iniques imposées depuis 2018 par le président Donald Trump. La plupart se sont abstenus lors de l’élection d’Ebrahim Raisi à la présidence en 2021. L’ouverture économique du pays provoquera un choc économique de nature à transformer la société et la politique iraniennes, comme ce fut le cas pour la politique d’islamisation de l’éducation des années 1980 qui a en fait abouti — on le voit aujourd’hui — à la libération des femmes et des jeunes.

Depuis plus d’un an, les négociations conduites à Vienne par l’Union européenne s’éternisent en raison des divisions et des surenchères de la partie iranienne et des exigences des États-Unis et de certains de leurs alliés, sur les questions nucléaires. Mais la révolte des femmes et des jeunes nous oblige. Il s’agit désormais pour la France et l’Union européenne de faire en sorte que le pouvoir conservateur iranien signe rapidement un nouvel accord de Vienne et que soient levées les sanctions. On objectera à juste titre que l’afflux de capitaux permettra au gouvernement d’acheter la paix sociale et profitera aux corrompus qui ne manquent pas dans la République islamique. Hélas ! cela n’est pas nouveau, mais existe-t-il une solution de rechange crédible pour permettre aux dynamiques de la société iranienne d’émerger, de s’exprimer et probablement de l’emporter, une solution qui garantisse de plus que le programme nucléaire resterait sous contrôle ?

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