Quelle sera la politique économique du prochain président de la République algérienne qui doit être élu au printemps prochain ? Le débat a à peine commencé à Alger. Le patronat a été le premier à tirer, à l’occasion de la quinzième conférence « tripartite » qui a réuni en octobre 2013 le gouvernement, le secteur privé et les syndicats. Rien de bien clair n’en est sorti sinon une volonté patronale plus affirmée que d’habitude de réclamer un changement d’attitude du pouvoir politique, notamment vis-à-vis des capitaux étrangers.
Baisse de croissance en 2013
Le Fonds monétaire international (FMI) est intervenu à son tour en dépêchant à Alger une délégation d’experts du 12 au 25 novembre 2013 pour préparer le rapport qui sera présenté, comme chaque année en janvier, au conseil d’administration de l’institution1. Son chef, Zeine Zeidane, un économiste mauricien qui a fait ses études à Nice et a occupé d’importantes fonctions gouvernementales dans son pays, ne s’est cette fois pas payé de mots. La croissance de l’économie algérienne de cette année sera très inférieure à ce qui était attendu et à ce qui a été atteint en 2012. Avec un taux de croissance de 2,7 % pour 2013 selon les calculs du Fonds, et compte tenu d’une démographie encore robuste (+ 2,1 % en 2013), le niveau de vie ne peut que stagner alors que l’inflation reste vive (+ 5 %), bien qu’en retrait sur 2010 (+ 9 %).
Cette baisse de régime s’accompagne d’une dangereuse détérioration des échanges extérieurs du pays. L’excédent commercial de l’Algérie tend à s’effacer, les exportations reculent alors que les importations flambent. L’alerte est sérieuse : en deux ans, l’excédent courant2 aura été ramené de 6 à 1 % du produit intérieur brut (PIB). Au lieu d’amasser des excédents financiers comme c’est le cas depuis 2005 (l’Algérie détient plus de 200 milliards de dollars de réserves de change), la menace se profile d’un retour du déficit extérieur qui avait obligé Alger dans les années 1990 à souscrire aux dures conditions de la communauté internationale pour payer ses importations de céréales. La délégation du Fonds ne va pas jusque-là pour l’instant et propose ses solutions.
Les propositions du FMI
Premier impératif, mettre fin au déclin de la production d’hydrocarbures qui assure la quasi-totalité des exportations algériennes. L’Algérie, qui est membre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), le cartel des pays exportateurs de pétrole, est un petit producteur pétrolier (à peine 1 million de barils par jour contre 1,5 million pour la Libye ou plus de 9 millions pour l’Arabie saoudite)3 mais un important producteur de gaz naturel exporté surtout par gazoducs vers l’Europe méditerranéenne. Or, sa production recule depuis 2005, entre 2008 et 2012, celle du principal gisement saharien, Hassi R’mel, a baissé de 30,66 %. L’impact est d’autant plus sévère pour les finances extérieures du pays que le gaz et ses dérivés représentent la moitié de ses recettes en devises.
Pour redresser la production, il faut beaucoup plus d’investissements que cela n’a été le cas ces dernières années. La Sonatrach, déjà au maximum de ses possibilités financières, a clairement besoin de renforts qui ne peuvent venir que des compagnies pétrolières internationales. Pour l’instant, elles ne se précipitent pas. Les conditions offertes par l’Algérie ne sont pas attractives : la fiscalité, malgré la loi adoptée en 2011 reste dissuasive, la bureaucratie paralysante et la sécurité est devenue une préoccupation majeure des pétroliers étrangers après l’attaque du champ de Tiguentourine en janvier 2013 durant laquelle quarante personnes ont été tuées. Les travailleurs étrangers de BP et de Statoil ne sont toujours pas revenus sur le site, faute d’un accord avec les forces de l’ordre algériennes sur les mesures à prendre pour sécuriser le grand sud et surtout pour savoir qui paiera l’addition. Une augmentation des coûts de 10 à 15 % est en effet à prévoir.
Attirer à nouveau les investisseurs étrangers dans le secteur prendra sans doute du temps et c’est donc une solution de moyen terme (trois à quatre ans) si le prochain président se décide à le réformer en profondeur. Aussi les experts du FMI préconisent-ils une deuxième solution plus rapide à mettre en œuvre : la réduction de la consommation intérieure de produits pétroliers et de gaz afin de dégager des excédents exportables plus importants et de redresser ainsi la courbe des recettes pétrolières. Elle n’a rien de nouveau et a été préconisée fréquemment dans le passé, mais si son effet peut être immédiat, son coût politique et social est élevé. Relever les prix et les tarifs de produits aussi essentiels que l’électricité, les bouteilles de gaz ou l’essence, qui n’ont pour ainsi pas pas bougé depuis plus de dix ans, fait partout reculer les gouvernants et pas seulement en Algérie. Dans une interview au quotidien Echourouk publiée mardi 3 décembre, le ministre de l’énergie et des mines, Youcef Yousfi l’a solennellement écarté. Mais il a ajouté une précision qui limite la portée de sa promesse et a inquiété l’opinion publique : une révision de la tarification n’est pas à exclure à moyen terme. C’est-à-dire en clair après le mois d’avril 2014, date de la prochaine élection présidentielle.
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1« IMF Mission Concludes Article IV Consultation Visit to Algeria », Press Release n °13/469, 25 novembre 2013
2La balance courante extérieure retrace les recettes en devises (exportation de biens et services, revenus des capitaux placés à l’extérieur) moins les dépenses en devises (importations de biens et services, paiement des intérêts de la dette extérieure…). Si les premières sont supérieures aux secondes, il y a un excédent. Dans le cas contraire, il y a un déficit qu’il faut financer en puisant dans les réserves officielles de change ou en s’endettant auprès des marchés financiers internationaux ou des institutions publiques internationales comme le FMI.
3Les exportations algériennes de brut représentent moins de 3 % des exportations de l’OPEP.