C’est un texte rare que publie le mensuel The Atlantic dans sa dernière livraison (datée d’avril). Intitulé « La doctrine Obama », l’article, d’une longueur inhabituelle même pour les mensuels américains, est le résultat de dizaines de rencontres de son auteur, le journaliste Jeffrey Goldberg, avec le président américain ainsi que nombre de ses proches à la Maison Blanche et avec des dirigeants étrangers, aboutissant à un portrait du personnage et à une forme de confession. Barack Obama livre sa vision des choses sur la plupart des sujets chauds de politique internationale.
Il apparaît d’abord comme un homme paradoxal, mélange de convictions humanistes et de froid pragmatisme. Peu de présidents américains diront : « Nous avons une histoire avec l’Iran, avec l’Indonésie et en Amérique centrale. Nous devons être conscients de cette histoire avant de parler d’intervention, et comprendre les suspicions des peuples » à l’égard des États-Unis, parce qu’eux ont de la mémoire. Pour autant, cela ne modifie rien au précepte numéro un d’Obama : préserver la vie d’un seul Américain prime sur toute autre considération. Il est donc un grand adepte des « assassinats ciblés », menés à partir de drones depuis les États-Unis au Pakistan, en Afghanistan ou au Yémen, avec leur cortège de victimes « collatérales » (un thème non abordé par Goldberg). L’homme apparaît aussi très convaincu de sa supériorité intellectuelle, se montrant assez méprisant pour les dirigeants du monde, alliés inclus — à part Angela Merkel pour laquelle, quelles que puissent être les divergences, il exprime un profond respect. Il doit ainsi résister aux pressions « huntingtoniennes » (de type « guerre des civilisations ») de François Hollande et de David Cameron sur la question de « l’islam radical », s’irrite-t-il.
Ce mépris transparait également envers tous ceux qui adhèrent au Washington playbook, ce « guide » non officiel qui fixe les règles de la politique étrangère américaine et auquel, selon lui, adhère l’immense majorité des diplomates et tous ceux qui, dans les think tanks, façonnent la politique étrangère du pays. Ce « guide » offre diverses réponses à diverses situations possibles, mais toutes, selon Obama, sont dominées par la propension à privilégier l’usage de la force. Au passage, Goldberg signale, sans citation, qu’Obama est conscient que ces think tanks sont trop liés à leurs sources pour être honnêtes. Ces sources étant d’une part les monarchies du Golfe et de l’autre Israël, il ne cache pas que ces organismes lui sont de peu d’aide à la décision. Quant aux services américains de renseignement, il a peu confiance en leur capacité à appréhender le Proche-Orient. Ainsi, note-t-il, le général Lloyd Austin, chef du Central Command (Centcom) qui y supervise les opérations américaines, lui affirmait-il encore début 2014 que l’organisation de l’État islamique (OEI) n’avait qu’une « importance marginale » en Syrie. Mais qui sait si Obama ne se défausse pas ainsi sur ses sources pour éviter les critiques ?
L’Arabie saoudite, une alliée ?
Obama n’hésite pas à remettre en cause, du moins intellectuellement, des dogmes durs de la diplomatie américaine. Leon Panetta, ex-patron de la Central Intelligence Agency (CIA) et secrétaire à la défense, rapporte que le président s’est interrogé devant lui : pourquoi faudrait-il qu’Israël bénéficie dudit « avantage militaire qualitatif » qui lui donne un accès aux armes les plus sophistiquées auxquelles ses adversaires n’ont pas droit ? Pour autant qu’on le sache, cette interrogation n’a mené à aucune conclusion à ce jour. Toutefois il apparaît particulièrement méfiant à l’égard d’un pays, l’Arabie saoudite, perçu par la « communauté » des géostratèges américains comme un allié indispensable. Il a souvent montré « son irritation devant la doxa qui implique de traiter l’Arabie saoudite comme un allié » en toutes circonstances, écrit Goldberg. Il l’a d’ailleurs prouvé en signant l’accord avec l’Iran sur le nucléaire, malgré son hostilité avérée (comme celle d’un autre allié, Israël). Lorsque le premier ministre australien, Malcolm Turnbull, l’interroge, les réponses d’Obama montrent qu’il n’a aucune illusion sur le rôle des Saoudiens dans l’émergence d’Al-Qaida et de l’OEI. Il a vu en Indonésie comment « dans les années 1990, des écoles coraniques massivement financées par des Saoudiens » ont commencé d’ébranler l’islam local très tolérant de son enfance.
L’ex-patron du renseignement saoudien, le prince Turki Al-Fayçal, dans un article d’une rare agressivité verbale intitulé « M. Obama, nous ne sommes pas des ’resquilleurs’ » (un terme utilisé par le président pour évoquer les Saoudiens), allait d’ailleurs montrer combien la relation américano-saoudienne était désormais tendue : lors de sa rencontre avec le nouveau monarque Salman, il a glorifié, rappelle Turki, le leadership de la monarchie saoudienne dans le monde arabe et musulman et « la nécessité, en particulier, de contrer les activités déstabilisatrices de l’Iran. Et voilà que vous nous accusez de fomenter des conflits confessionnels en Syrie, au Yémen et en Irak s’exclame-t-il. Vous ajoutez l’insulte à la blessure en nous demandant de partager notre espace avec l’Iran ».
Réaliste et internationaliste
L’Obama qui ressort de l’article apparaît surtout comme un homme hanté par les engagements militaires menés par ses prédécesseurs au Vietnam, en Afghanistan et en Irak, et par lui-même en Libye, tous soldés par des échecs politiques cuisants. Entre les quatre grandes options de la diplomatie américaine moderne que sont l’isolationnisme, le réalisme, l’interventionnisme progressiste (du type qu’importe si Saddam Hussein a ou n’a pas d’armes de destruction massive, c’est un despote, alors feu !) et l’internationalisme — dans le sens américain du terme, c’est-à-dire agir par le biais des organisations internationales —, Obama est plus proche des « réalistes » et il est certainement « internationaliste ». Il juge, écrit Goldberg, que « le multilatéralisme modère l’arrogance » qui pèse sur la politique internationale américaine.
De cet équilibre conceptuel, il tire quelques conclusions pragmatiques. Sa philosophie générale : au plan international, un président américain « ne peut pas tout régler, mais s’il ne fixe pas l’ordre du jour, rien ne se fait ». Règle 1 : il n’y a pas de règle unique. « Il y a des situations où on peut faire quelque chose lorsque des enfants innocents se font tuer, et d’autres où on ne le peut pas ». Règle 2 : « Don’t do stupid shit ». Quand Hillary Clinton, sa secrétaire d’État, s’insurge — en politique étrangère, « les grandes nations ont besoin de principes », et ne pas faire de bêtises n’en est pas un — Obama s’étonne placidement : Hillary Clinton, qui a voté au Sénat pour la guerre en Irak, n’a-t-elle donc rien appris sur ce que sont les « conneries » ? Le vrai pouvoir de dissuasion, ce n’est pas le recours systématique à la force ; c’est au contraire obtenir ce que vous recherchez sans avoir à l’utiliser. Le plus grand succès de Ronald Reagan, selon lui, aura été de comprendre l’importance de Mikhail Gorbatchev, quand tous les républicains qui l’accusent, lui, Obama, de faiblesse aujourd’hui sont les mêmes qui accusaient Ronald Reagan de « naïveté » vis-à-vis de l’URSS il y a trente ans.
La Syrie occupe donc une place prépondérante dans les entretiens. Obama ressent visiblement le besoin de s’expliquer en détail, en particulier sur son revirement. Le 20 août 2012, il annonçait que l’utilisation par Bachar Al-Assad d’armes chimiques constituerait sa « ligne rouge ». La plupart des dirigeants arabes sont dès lors convaincus que si cela advient, Obama enverra des troupes. « C’est certain, il agira », écrit à son monarque l’ambassadeur saoudien à Washington. Un an plus tard exactement, le 21 août 2013, l’armée syrienne massacrait la population de Ghouta, une banlieue de Damas, à l’arme chimique. Obama décidera de ne pas réagir militairement.
La « ligne rouge » dépassée en Syrie
Retour en arrière : si Obama a cru au début du soulèvement populaire en Syrie que Bachar Al-Assad tomberait vite, comme Zine El-Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak, le débat sur la nécessité ou pas de s’investir directement dans le conflit en Syrie s’engage dès que la guerre s’enlise. Il oppose pro et anti-interventionnistes. Hillary Clinton mènera le camp des partisans de l’action armée durant le premier mandat. Son successeur au département d’État John Kerry fera de même lors du second, avec l’appui de l’ambassadrice à l’ONU, Samantha Power. À la Maison Blanche, ils sont majoritaires. Afin d’« envoyer un message à Assad », Kerry presse de bombarder des « sites névralgiques » militaires en Syrie (mais pas les dépôts d’armes chimiques, pour ne pas risquer une catastrophe pour les populations). Le chef de cabinet d’Obama, Denis McDonough, dirige les opposants, auquel se ralliera le vice-président Joe Biden. Hollande, note Goldberg, s’avèrera « l’Européen le plus enthousiaste en faveur d’une action militaire ». Merkel, qu’Obama respecte beaucoup, est très réticente. Obama va conclure, écrit Goldberg, que le prix d’une intervention directe en Syrie serait plus lourd que l’inaction.
À ses yeux, seule « une menace directe pour la sécurité nationale » américaine justifie en dernier recours une action armée. Or, il juge que la guerre en Syrie n’en constitue pas une. Ensuite, il a très mal vécu, en 2009, la pression de ses militaires lui demandant l’envoi de 30 000 hommes supplémentaires en Afghanistan, dont il estime a posteriori qu’ils n’ont rien modifié à la situation. Là encore, il sent qu’on cherche à le « coincer » pour un résultat très peu acquis d’avance. À la lecture du texte de Goldberg, il nous est d’ailleurs revenu le souvenir d’une rencontre en mai 2013 avec le diplomate Tom Pickering, un ex-ambassadeur américain en Russie (ainsi qu’en Israël et en Jordanie, entre autres), encore visiblement très actif dans la coulisse. Il prônait alors la recherche d’une « trêve humanitaire » en Syrie, et s’opposait à une intervention américaine. « Pour chaque arme que nous livrerons aux rebelles, Moscou en livrera trois à Assad », nous disait-il, pour convaincre qu’il n’y aurait pas d’autre sortie de crise que politique. Visiblement Obama, quatre mois plus tard, est convaincu qu’intervenir entraînerait son pays dans un piège. À savoir, comme en Afghanistan, en Irak et en Libye, forcer inéluctablement les États-Unis à agir ensuite pour un changement de régime, une option qu’il estime irréaliste et plus que risquée.
Ne s’est-il pas dédit, lui demande Goldberg, lui qui, dans son allocution de réception du prix Nobel de la paix, en 2009, avait déclaré : « l’inaction peut mener à une intervention plus coûteuse plus tard » ? Obama le nie, sur le mode : chaque situation est spécifique. Oui, il a pensé utile d’ériger une « ligne rouge ». Pourtant réflexion faite, il a opté en conscience pour la moins pire des options. Et depuis, écrit Goldberg, il apparait extrêmement soulagé. « Lancer des bombes contre quelqu’un pour le seul motif de prouver que vous avez la volonté de le faire est la pire raison d’utiliser la force », lui dira-t-il. « Dans l’esprit d’Obama, ce 30 août 2013 a été celui de sa libération, celui où il a défié non seulement l’establishment de la politique étrangère américaine et son “guide” à coups de missiles de croisière, mais aussi les attentes d’alliés frustrants et coûteux, qui cherchent à exploiter les muscles des États-Unis pour assouvir leurs objectifs étroits et personnels », conclut Goldberg. Messieurs Hollande et Cameron, à bon entendeur, salut ! (Selon le journaliste Gareth Porter, deux mois plus tard, Obama autorisera l’envoi de 15 000 missiles anti-char TOW vers l’Arabie saoudite, charge à Riyad de les faire parvenir à des groupes d’insurgés syriens agréés par Washington. La plupart finiront dans les mains de Jabhat An-Nosra, l’émanation syrienne d’Al-Qaida. Ce qui finira par convaincre Obama de l’inanité d’intervenir dans le conflit syrien).
L’OEI, une menace non existentielle
Quant à l’intervention à Benghazi, en Libye, Obama, c’est clair, ne souhaitait pas s’y engager. Joe Biden et le ministre de la défense d’alors, Robert Gates, non plus. Mais à la Maison Blanche, une coalition emmenée par Hillary Clinton incluant Susan Rice, la directrice du Conseil de sécurité nationale, Samantha Powers, l’ambassadrice à l’ONU, et d’autres, ont fortement poussé vers l’intervention. Obama a fini par s’y résoudre, dès lors que les États-Unis n’apparaissaient pas en leader. Il dit aujourd’hui : « ça n’a pas marché ». Peut-être qu’un massacre — celui de la population de la ville par les forces de Mouammar Kadhafi — a été évité, mais le résultat final a été une catastrophe, enclenchée initialement par cette intervention. Quand Obama évoque le bilan américain en Libye, vu l’état des lieux aujourd’hui, il a ces mots : « un spectacle de merde ». L’aboutissement final de l’intervention est le chaos généralisé et une présence massive de l’OEI sur le sol libyen. Un repoussoir de ce qu’il ne faut surtout pas faire, selon Obama.
Sur l’OEI, justement, on constate une nette divergence entre lui et son secrétaire d’État John Kerry. Pour ce dernier, l’organisation « est une menace pour chacun dans le monde. Imaginons ce qui adviendrait si nous ne le combattons pas. (…) On pourrait se retrouver avec une migration massive vers l’Europe qui mettrait fin au projet européen, (…) et vous verriez le retour aux années 1930, l’émergence du fascisme, du nationalisme et d’autres choses encore ». Pour Obama, l’OEI est une menace directe, quoique « pas existentielle » pour les États-Unis. « Le changement climatique, ça oui, c’est une menace existentielle, et pour le monde entier », dit-il à Goldberg. « Obama rappelle fréquemment à ses collaborateurs que le terrorisme supprime beaucoup moins de vies aux États-Unis que les armes à feu, les accidents de voiture et même les glissades dans la baignoire ». Il dit aussi qu’il faut refuser l’hystérie et replacer le terrorisme dans sa juste perspective : il est capable de causer de graves dommages, pas de bouleverser l’ordre mondial ni celui des grands États occidentaux.
Les illusions du discours du Caire
Bref, Goldberg confirme ce que chacun a compris depuis un moment : pour Obama, le Proche-Orient est passé au second plan dans l’ordre des priorités stratégiques américaines, dont la première est d’abord en Asie — qui « représente le futur », dit-il —, ensuite en Amérique latine et en Afrique. Qu’attendait-il, cependant, du fameux discours du Caire du 4 juin 2009 ? Réponse : « essayer de persuader les musulmans d’examiner plus attentivement les racines de leurs malheurs ». Sans succès, admet-il désormais. Au début du « printemps arabe », il y a vu une confirmation du projet prôné par ce discours, avant que vienne la désillusion. Depuis, « l’émergence de Daesh a renforcé la conviction d’Obama que le Proche-Orient ne pourra être remis en ordre (fixed) ni sous son mandat, ni dans la génération à venir ». Du discours du Caire à sa ligne politique en Syrie, un profond pessimisme en est venu à dominer la pensée stratégique du président vis-à-vis de la région. Pourquoi, s’interroge-t-il, les jeunes Asiatiques, malgré leurs régimes très corrompus et parfois l’immense pauvreté dans laquelle ils vivent, « se projettent-ils dans un futur positif », alors que tant de jeunes proche-orientaux sont attirés par des démons destructeurs ? Quant à l’urgence dans la région, c’est à ses yeux de convaincre l’Arabie saoudite et les monarchies du Golfe de parvenir à un accord « de guerre froide » avec l’Iran, pour éviter une dégradation généralisée du conflit sunnites-chiites, tant il paraît convaincu que l’Iran, à terme, apparaîtra comme un partenaire compliqué mais plus stable (comme la Chine ?) que les régimes arabes en déliquescence.
Aujourd’hui, le cauchemar d’Obama, écrit Goldberg, serait qu’un attentat d’envergure sur le territoire américain l’oblige à s’engager militairement. Et il poursuit : « L’argument central des adversaires d’Obama est qu’en évitant aux États-Unis de s’immerger dans les crises proche-orientales, le président nous précipite vers le déclin, m’a dit Ben Rhodes (un ex-conseiller-adjoint du président à la sécurité nationale). Obama pense exactement l’inverse. Il croit qu’une surextension [de la présence] américaine au Proche-Orient ne pourrait que nuire à notre économie, nuire à notre capacité à regarder vers d’autres opportunités et à nous confronter à d’autres défis et, plus que tout, mettrait en danger des membres de l’appareil sécuritaire américain pour des motifs qui ne sont pas un intérêt de sécurité nationale direct ». Traduction par Goldberg : la priorité d’Obama, c’est de « mettre les bouchées doubles dans les parties du monde où le succès est possible, et limiter l’exposition américaine ailleurs ». Ses adversaires, eux, pensent que les problèmes du Proche-Orient ne se résoudront pas par eux-mêmes, et que sans intervention américaine, ils métastasent.
Pourquoi Obama a-t-il accepté ces nombreuses et longues conversations avec Jeffrey Goldberg, un journaliste de renom qui, avant la guerre de George W. Bush en Irak, a joué un rôle essentiel, identique à celui de la célèbre Judith Miller du New York Times, pour convaincre les Américains du bien-fondé de la vision néoconservatrice (à cette nuance près que depuis, Goldberg a admis s’être trompé) ? Vraisemblablement parce qu’Obama éprouve le besoin de se justifier et qu’il avait plus besoin, pour ce faire, d’un adversaire empathique que d’un adorateur acquis — ce qui lui ressemble.
Sans doute, aussi, pour préparer sa sortie dans dix mois, et son testament politique. Car désormais, la plus grande probabilité qui se profile, c’est une accession d’Hillary Clinton à la Maison Blanche. On pourrait dès lors facilement imaginer un retour au Washington playbook, ce guide de la politique étrangère américaine qui énerve tant Obama. Hillary Clinton, qui a soutenu l’invasion de l’Irak en 2003, celle en Libye en 2011 et un bombardement de la Syrie en 2013, serait vraisemblablement accueillie avec grand espoir du côté des monarchies du Golfe, l’Arabie Saoudite en premier lieu. Et aussi, ce qui n’est plus un paradoxe depuis longtemps, par Israël.
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