Forum de Doha

Nucléaire iranien. Cet accord qui n’en finit pas d’être imminent

Si le Doha Forum (26-27 mars 2022) a consacré nombre de ses discussions à la guerre ukrainienne en donnant largement la parole au gouvernement de Kiev — les Russes ne sont pas venus —, y compris par une visioconférence en direct avec le président Volodymyr Zelinsky, l’avenir de l’accord sur le nucléaire iranien préoccupe tous les participants, notamment ceux de la région du Golfe.

L'image montre un homme assis sur un fauteuil blanc, participant à une conférence ou un forum. Il porte une tenue formelle et semble être en train de s'exprimer ou d'écouter. En arrière-plan, on peut voir un logo avec le mot "DOHA" et d'autres inscriptions en arabe. Des fleurs et une bouteille d'eau sont également visibles sur la scène. L'atmosphère semble professionnelle et tranquille.
L’ancien ministre iranien des affaires étrangères Sayyid Kamal Kharrazi participe à un débat lors du Forum de Doha, le 27 mars 2022
Karim Jaafar/AFP

Le représentant européen pour la politique étrangère de l’Union européenne (UE) Josep Borrell a créé la surprise en annonçant le 26 mars 2022, au cours du Forum de Doha, qu’un accord sur le nucléaire iranien était « très proche ». Pourtant, le 27 mars au matin, deux interviews successives de Sayyid Kamal Kharrazi, ancien ministre iranien des affaires étrangères de la République islamique d’Iran (1997 – 2005) et président du Strategic Council on Foreign Relations, et de Robert Malley, représentant spécial des États-Unis pour l’Iran ont apporté un bémol à cet optimisme. Comme le résume Malley, « nous sommes très proches d’un accord, mais cela fait très longtemps que nous sommes très proches. » Pour Kharrazi, « l’accord est imminent, mais il dépend des États-Unis ». Il a rappelé que, même sous la présidence de Barack Obama, de nouvelles sanctions avaient été adoptées contre son pays et que les Européens avaient été incapables, contrairement à ce qu’ils avaient promis, de mettre en place une formule pour contourner les sanctions après le retrait américain de 2015. Il faut donc, selon lui, un mécanisme permettant de « mesurer la levée des sanctions ».

Un point de concordance entre les deux parties, la négociation est limitée. « C’est un accord sur le nucléaire, a insisté Malley ; il n’a pas pour but de régler tous les problèmes ». Par conséquent on ne traitera pas, dans ce cadre, du programme de missiles iraniens, ou de la politique régionale de l’Iran.

Les Gardiens de la révolution sur la sellette

Les négociations sont rendues plus compliquées par le refus de l’Iran de tout contact direct avec les États-Unis, responsables de la sortie de l’accord, passant par l’intermédiaire du représentant de l’Union européenne qui s’est rendu le 26 à Téhéran. Les deux parties semblent s’entendre sur le fait que l’essentiel des problèmes a été réglé, mais la méfiance demeure et des oppositions existent aussi bien à Washington qu’à Téhéran. Des questions, largement « symboliques », comme le maintien des Gardiens de la révolution sur la liste des organisations terroristes (décidé en avril 2019), peuvent encore faire dérailler le processus. Pour Kharazzi, les Gardiens font partie de « l’armée nationale, ils sont le symbole de la sécurité de l’Iran, la force qui a repoussé l’organisation de l’État islamique (OEI) en Syrie, en Irak et au Liban ». D’autre part, l’ancien ministre reconnaît le rôle qu’ils jouent dans l’économie nationale. Les maintenir sous sanctions pèserait donc sur le pays. Si une déclaration du ministère des affaires étrangères iranien du 26 mars a semblé accepter le fait que la question des Gardiens n’était pas centrale, elle a été contredite le lendemain par plusieurs responsables, signe de tensions à Téhéran.

Pour le président Joe Biden, déjà soumis à une forte opposition au Congrès contre l’accord (pas seulement de la part des républicains), au mécontentement de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis — victimes des tirs de missiles et de drones des houthistes, accusés d’être au service de l’Iran —, blanchir les Gardiens risque d’être politiquement délicat.

En ce qui concerne la position russe, « nous pouvons travailler avec eux, ils ne bloquent pas un accord », a insisté Malley. La Russie a joué un rôle constructif pour faciliter les négociations ; cependant la guerre menée en Ukraine a durci leur position. À un moment, ils ont conditionné l’accord à une espèce de deal pour contourner les sanctions occidentales, mais devant les réactions très négatives de l’Iran, ils ont fait marche arrière.

Un traité de courte durée

Malley a rappelé que l’administration Biden avait, dès son installation, favorisé un retour à l’accord, et qu’elle restait engagée en ce sens. Mais le temps commence à manquer, d’autant que le président américain ne pourra l’entériner à la veille des élections de mid term en novembre 2022, qui sont susceptibles d’être remportées par les républicains. Plusieurs observateurs conviennent que si cet accord n’est pas signé d’ici trois mois, il deviendra caduc.

Quoiqu’il en soit, la durée de vie du nouveau traité risque d’être courte, jusqu’à l’élection présidentielle de 2024, aucun mécanisme constitutionnel ne pouvant garantir que le futur locataire de la Maison-Blanche ne le déchirera pas encore, car Biden ne dispose pas de majorité au Congrès pour l’inscrire dans le marbre. Il reste donc au maximum deux ans pour le mettre en œuvre, lever un système de sanctions très complexe, et permettre à l’Iran d’en retirer les bénéfices.

« Nous sommes pour un accord, a résumé le représentant iranien, mais nous ne ferons rien qui compromette notre indépendance nationale ». Mais comment mesure-t-on la menace sur « l’indépendance nationale » ?

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