Un léger vent d’optimisme a soufflé la semaine dernière à l’assemblée générale du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale à Washington : la sortie de crise est une réalité pour la quasi-totalité des pays européens et nord-américains. C’est moins vrai pour leurs voisins proche-orientaux. L’année 2017 a été une mauvaise année au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA) pour la croissance et l’emploi. À cela une raison : les efforts plus ou moins affirmés des gouvernements pour, sinon réduire, du moins contenir leurs déficits publics. Et aussi et surtout des cours du pétrole qui restent déprimés malgré une reprise sur l’année. Les experts du FMI ne sont guère optimistes pour la suite, le baril devrait se tenir autour de 50 dollars jusqu’en 2022. Les tensions actuelles liées à des soubresauts climatiques ou guerriers ne doivent pas faire illusion, leur impact sur les prix sera momentané.
Bien sûr, les pays producteurs de pétrole sont les plus touchés. La croissance y est anémique, largement inférieure à la poussée démographique. Le PIB du Koweït devrait baisser de 2 %, celui de l’Arabie saoudite proche de zéro. Seule exception : l’Iran qui, avec la levée des sanctions, a repris sa place sur le marché pétrolier et affiche un score impressionnant de 12 %, mais pour combien de temps ?
Les pays de la région MENA importateurs de pétrole s’en sortent mieux, cependant l’écart n’est pas très élevé. La Tunisie stagne depuis la révolution de 2011 autour de 2 %, l’Égypte, en pleine phase de stabilisation, fait à peine mieux. Le Maroc — une exception là encore —, après une exécrable année 2016 causée par la sécheresse, devrait faire près de 5 % cette année grâce… à la pluie. Enfin, quatre pays de la zone (la Libye, la Syrie, le Yémen et l’Irak), en proie à la guerre, n’ont plus d’économie ou presque.
Christine Lagarde, directrice générale du FMI, a appelé à l’action au nord comme au sud de l’hémisphère. Il faut réduire les déficits, augmenter les impôts directs et surtout les rendre plus progressifs. Dans la région MENA, ils ne jouent qu’un rôle subalterne dans les recettes fiscales, l’essentiel venant de la taxation de la consommation des ménages et des importations. L’inégalité des revenus et des patrimoines en est aggravée et atteint des niveaux insoupçonnés. Élève de l’économiste Thomas Piketty (spécialiste de la question), Lydia Assouad a pu étudier le cas libanais en accédant aux données du ministère des finances1. Les résultats sont accablants : 1 % de la population détient 25 % du revenu national et 40 % du patrimoine privé ; 10 % en contrôlent respectivement 40 et 70 %. Le Liban n’est pas une exception, les pays du Golfe ont une distribution des revenus et de la richesse comparable, sinon pire.
La directrice du FMI demande également que des mesures structurelles soient prises sans attendre, que l’on réforme le cadre institutionnel et juridique de la vie des affaires et que les équilibres macrofinanciers malmenés par la crise depuis 2008-2010 soient rétablis. Toutes ses recommandations sont irréalisables sans un accompagnement multilatéral. Comment financer exclusivement avec de l’endettement fort onéreux les programmes de stabilisation que le FMI appuie dans cinq pays arabes ? Son appel à plus de solidarité internationale n’a pas eu grand écho. Les médias en ont peu parlé et le secrétaire américain au trésor, Steven T. Mnuchin lui a conseillé publiquement de se mêler de ses affaires et de s’occuper plutôt des traitements des dirigeants du FMI, trop élevés à ses yeux…
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1Rethinking the Lebanese economic miracle : The extreme concentration of income and wealth in Lebanon 2005-2014, World Wealth and Income Database, septembre 2017.