Actuellement 280 colonies israéliennes sont installées en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, abritant plus de 662 000 colons, tandis que 3,5 millions de Palestiniens vivent dans la même région. Selon l’ONG israélienne B’Tselem, le taux de croissance de la population des colons a augmenté de 42 % par rapport à 2010 et a plus que quadruplé depuis 2000.
Le 19 juillet 2018, le Parlement israélien a adopté la loi « Israël, État-nation du peuple juif », disposant que « l’État considère le développement des colonies juives comme une valeur nationale et agit pour encourager et promouvoir leur création et leur renforcement », quant au regard du droit international et des résolutions de l’ONU, la colonisation est un crime de guerre engendrant de multiples violations des droits humains.
Pour le droit international, la Cisjordanie, la bande de Gaza et le plateau du Golan constituent des zones militaires occupées. Israël est la puissance occupante et, à ce titre, responsable du bien-être de la population civile palestinienne. Les droits et obligations d’une puissance occupante figurent dans la quatrième Convention de Genève, qui interdit toute activité de colonisation en territoire occupé. Les puissances occupantes ne sont pas autorisées à transférer une partie de leur propre population civile dans les territoires qu’elles occupent, ni à confisquer des biens privés1.
L’Europe principale importatrice des produits israéliens
La résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations unies de 2016 enjoint les États à « faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967 ». Pourtant, L’Europe constitue la principale destination d’exportation des produits israéliens. Il y a une vingtaine de zones industrielles administrées par Israël en Cisjordanie, couvrant environ 1 365 hectares, et les colons cultivent 9 300 hectares agricoles. Israël délivre des permis de construire ou d’exploitation de carrières aux entreprises israéliennes et étrangères tandis qu’il les refuse aux entreprises palestiniennes. Les entreprises implantées dans les colonies bénéficient de loyers bas, de taux d’imposition favorables, d’aides gouvernementales et d’accès à la main d’œuvre palestinienne bon marché. Elles permettent en outre de renforcer les municipalités coloniales en fournissant à leurs habitants israéliens de multiples services, ainsi que des emplois et des revenus (au travers de taxes).
Tout cela n’a pas empêché l’Europe de commercer avec les colonies, concourant ainsi à leur pérennité et leur prospérité. Israël bénéficiait déjà de tarifs douaniers préférentiels en application de l’Accord d’association UE-Israël de 1995. En 2004, l’UE a conclu avec Israël un « arrangement technique » par lequel les autorités israéliennes s’engagent à indiquer le lieu d’origine véritable de tous les produits, ceux provenant des colonies ne pouvant être exemptés de taxes douanières.
Fraudes à l’étiquetage
Cet aménagement complaisant n’a cependant pas empêché les autorités israéliennes de continuer à indiquer « made in Israel » sur tous les produits, y compris ceux qui comportent des codes postaux correspondant à des colonies. En outre, certaines entreprises israéliennes contournent le problème en fournissant aux autorités douanières le code postal de l’une de leurs succursales en Israël, alors même que le produit en question provient d’un site de production en Cisjordanie.
Cette fraude a ouvert une première brèche dans le commerce avec les colonies : par l’arrêt Brita de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 25 février 2010, il a été jugé que les produits issus de Cisjordanie ne sont pas soumis au régime tarifaire préférentiel prévu par l’accord UE-Israël.
Le « made en Israël » ne trompe pas seulement les autorités douanières, mais aussi les consommateurs soucieux de n’être pas complices, par leurs achats, de cette colonisation. Depuis le 25 novembre 2015, au terme d’une longue lutte, une communication interprétative de l’UE oblige à un étiquetage des produits des colonies israéliennes distinct de celui des produits israéliens. Étiquetage qui demeure aussi difficile à contrôler pour les consommateurs que pour les douaniers.
Complice de la colonisation
Mais cela ne suffit pas : dès lors que l’UE reconnaît l’illégalité des colonies, elle ne peut, sans incohérence, commercer avec celles-ci en permettant leur pérennité. Elle se rend complice de la colonisation.
Un groupe de citoyens issus de 7 États membres de l’UE peut, au moyen d’une « initiative citoyenne européenne » (ICE) prévue par le traité de Lisbonne en 2007, demander à la Commission européenne de prendre des mesures spécifiques2. Dès lors que l’initiative recueille un million de signatures, la Commission est obligée d’examiner sérieusement les suites à donner.
C’est pourquoi une coalition d’une centaine d’organisations en Europe (dont une trentaine d’organisations syndicales, associatives, ONG et partis politiques en France) a saisi la Commission européenne d’une demande tendant à l’interdiction du commerce des produits des colonies illégales sur le marché européen : il s’agit de mettre en accord la politique commerciale européenne avec le droit international et les droits fondamentaux en faisant respecter l’interdiction de la colonisation.
Le texte de l’initiative appelée #StopSettlements (#StopColonies) invite la Commission à présenter en sa qualité de gardienne des traités une proposition d’actes juridiques dans le cadre de la politique commerciale commune. Il en déduit qu’elle doit proposer des actes juridiques fondés sur la politique commerciale commune visant à empêcher les entités juridiques de l’Union tant d’importer des produits originaires des colonies illégales de territoires occupés que d’exporter des produits vers ces territoires, afin de préserver l’intégrité du marché intérieur et de ne pas aider ou contribuer au maintien de telles situations illégales.
La campagne de recueil des signatures de soutien a été lancée le 20 février 2022, date de la journée mondiale de la justice sociale. La coalition dispose d’un an pour recueillir les signatures d’un million de citoyens européens grâce au partage de la pétition. Après la collecte et la certification d’un million de signatures, les organisateurs rencontreront la Commission et le Parlement européen dans un délai de trois mois.
Les articles présentés sur notre site sont soumis au droit d’auteur. Si vous souhaitez reproduire ou traduire un article d’Orient XXI, merci de nous contacter préalablement pour obtenir l’autorisation de(s) auteur.e.s.
1Articles 49 et 55 de la IVe Convention de Genève et article 8 du Statut de Rome – voir notamment les résolutions 242 (1967) et 446 (1979) du Conseil de sécurité des Nations Unies ; résolutions de l’Assemblée générale condamnant les activités de colonisation d’Israël dans les territoires occupés, dont la résolution 59/251 (2004) ; avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ) de 2004 qui interdit à tous les États de prêter aide ou assistance au maintien de cette situation illégale
2Six ICE ont abouti jusqu’alors, dont une demande d’interdiction du glyphosate.