Cliquez ici si vous ne parvenez pas à afficher correctement cette lettre d'information.
Gaza, deux ans déjà
Sliman Mansour, From the River to the Sea, 2021

Les mots manquent. Surtout après deux ans. Deux années et plus de 67 000 morts, dont plus de 20 000 enfants, depuis le lancement de la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza. Et trois fois plus de blessées. Soit, au total, de l’aveu même des responsables israéliens, 10 % de la population gazaouie. Par leur ampleur, les dégâts sont indicibles dans l’enclave palestinienne, qui a été occupée à 80 % par l’armée israélienne.

Une recension des anéantissements ne suffirait pas à décrire la situation actuelle : génocide envers le peuple palestinien dont les membres ont été qualifiés « d’animaux humains » ; écocide à travers plus d’une centaine de milliers de tonnes de bombes larguées et l’usage de phosphore blanc, arme dont l’usage est prohibé selon le droit international ; domicide comme l’illustre le ciblage de plus de 90 % des habitations et la généralisation de la vie sous tente pour les survivantes ; épistimicide contre le savoir et les lieux de sa transmission, à travers la destruction des 12 universités du territoire et le ciblage des écoles de l’UNRWA qui servaient de refuge pour la population ; nécrocide car l’explosion systématique des cimetières tue les morts une seconde fois…

Et la souffrance sans nom. Celle de ramasser les morceaux de corps de ses enfants, dont les parents ont écrit les noms sur leurs membres pour pouvoir les retrouver ; celle de survivre au meurtre simultané de dizaines de proches ; celle d’être affamé dans l’indigence ; celle de déplacements continus et aléatoires ; celle d’être dépossédé de son présent, de son passé, de sa mémoire et de son avenir ; celle de vivre aux abois face à une myriade de technologies de plus en plus meurtrières — ciblage de masse par l’intelligence artificielle, quadricoptères tueurs et robots explosifs, sans évoquer les bombardements aériens, d’artillerie et les snipers. Un génocide lucratif pour de nombreuses entreprises d’armement qui considèrent la Palestine, à l’instar d’autres « théâtres d’opérations », comme des laboratoires technologiques.

La complicité de la majorité des États occidentaux — États-Unis en tête —, par leur soutien inconditionnel, puise autant ses racines dans des traditions coloniales, génocidaires que racistes, qui s’assument sans fard dans nombre de médias dominants, en France majoritairement détenus par des milliardaires. Malgré l’argutie de quelques dirigeants, l’accomplissement de la barbarie en direct n’a donné lieu qu’à peu de sanctions effectives à l’encontre de l’État génocidaire. Le silence ou la complicité des États arabes, quand ces derniers n’instrumentalisent pas la « cause palestinienne » à des fins de politique intérieure, n’ont d’égal que la poursuite de la normalisation avec Israël dans la région. De l’Arabie saoudite ou de la Syrie, qui sera le prochain ?

Tout cela en faisant fi des atteintes itératives par Israël et ses complices au droit international et aux exigences humanitaires fondamentales. Malgré l’avis de la Cour internationale de justice, reconnaissant dès début 2024 le « risque de génocide » et les mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale à l’encontre de Benyamin Nétanyahou et de Yoav Gallant, alors ministre de la défense, pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, la situation n’a fait qu’empirer. Au-delà des civils ciblés, plus de 94 % des hôpitaux ont été détruits ou endommagés. Nombre de travailleurs humanitaires ont été assassinés, y compris des secouristes en activité. La coutume internationale n’a, elle non plus, jamais été respectée, comme en témoignent la violation unilatérale du cessez-le-feu de janvier 2025 ou encore la prise pour cibles de négociateurs palestiniens. Le constat laisse donc sans mot ni voix.

À l’heure où la première phase d’un nouveau cessez-le-feu a été conclue — apportant un peu de soulagement aux Gazaouis après un laisser-faire complet —, le destin de Gaza oscille désormais entre la survie et la déclinaison du « plan Trump ». Reste que l’autodétermination des Palestiniens semble n’avoir jamais été aussi éloignée. Ces derniers restent dépossédés de leur voix au chapitre.

Seules les mobilisations internationales face à cet écœurement continu, face à cette hypocrisie sélective des valeurs humaines et aux compromis de classes dirigeantes techno-fascistes, redonnent un peu d’humanité au genre humain. La criminalisation de cette solidarité et les accusations d’antisémitisme sont restées vaines : des manifestations aux boycotts, des sit-ins aux sabotages, en passant par les marches internationales, les caravanes et les flottilles, les peuples se soulèvent pour et par le soumoud, la ténacité de la résistance palestinienne. Une réaction non seulement humanitaire, mais avant tout politique contre le dernier avatar colonial, et son expanSionisme sans fin ni limites.

Un symbole abstrait composé de formes géométriques en noir sur fond blanc.

Plus de 270 journalistes ont été tués à Gaza, pour beaucoup délibérément, et les journalistes étrangers sont toujours interdits de pénétrer sur le terrain, sauf via d’exceptionnelles visites guidées par l’armée israélienne. Pour marquer les deux ans de cette guerre génocidaire, et poursuivre son travail d’information libre, le Réseau des médias indépendants sur le monde arabe publie, à travers un nouveau dossier, des contributions spéciales, principalement depuis Gaza.

Pour Assafir Al-Arabi, l’écrivain et chercheur Almeqdad Jamil Meqdad décrit le désarroi des départs forcés, complété par un texte du journaliste Abdallah Abou Kamil sur les tiraillements des adieux familiaux et la force du témoignage.

De son côté, Babelmed republie les lettres de Rola Abou Hashem, journaliste et mère de quatre enfants, qui évoque son quotidien sous les bombes.

Pour Nawaat, depuis Gaza, Ahed Farwana, secrétaire général du syndicat des journalistes palestiniens, détaille la ténacité du travail journalistique, à tout prix.

Enfin, Maghreb Émergent publie une synthèse d’analyses, dont un entretien avec un responsable palestinien en Algérie, sur le bilan de ces deux années de guerre génocidaire.

Conformément à la loi «Informatique et libertés» du 6 janvier 1978, vous pouvez à tout moment demander à accéder, faire rectifier ou supprimer les informations personnelles vous concernant en nous contactant. Si vous ne souhaitez plus recevoir d'emails de la part d'Orient XXI, cliquez ici pour vous désabonner.