
Depuis l’Antiquité, ce plateau à 1 000 mètres d’altitude au nord-est d’Israël et au sud-ouest de la Syrie est jalousement gardé par ses différents occupants. Il est hautement stratégique, car qui le tient surplombe son adversaire. Depuis les hauteurs du Golan (Al-Joulan en arabe), on domine la plaine de Damas qui s’étend à l’est sur le territoire syrien, ainsi que la Galilée israélienne à l’ouest.
Le mont Haramoun (Hermon en hébreu), qui culmine à près de 3 000 mètres, a son extrémité méridionale sur le Golan. La fonte de ses neiges alimente généreusement le fleuve Jourdain, puis le lac de Tibériade en Galilée. Les eaux du Golan représentent un tiers de la réserve aquifère d’Israël. Elles permettent une agriculture diversifiée sur le plateau : céréales, vergers de pommiers et d’oliviers, ainsi que des vignobles — un tiers des vins vendus sous étiquette israélienne proviennent du Golan. L’abondance de l’eau permet une grande diversité florale et faunistique, préservée dans des réserves naturelles.
C’est pour toutes ces raisons qu’Israël refuse de rendre ce territoire occupé depuis la guerre de juin 1967, et que la Syrie des Assad (1971-2024) n’a jamais voulu y renoncer.
Dès les débuts de la conquête ottomane, dans les années 1520, le Golan est inclus au vilayet de Syrie, une division administrative de l’empire ottoman. Lors de l’indépendance de la Syrie en 1946, après la fin du mandat français, le plateau est naturellement intégré au territoire national.
Après la guerre israélo-arabe de 1948-1949, des incidents opposent Tel-Aviv et Damas dans la zone démilitarisée en Galilée, en contrebas. En 1967, Israël s’empare du plateau. Il tient désormais la route de Damas, située à une quarantaine de kilomètres, à portée de ses canons.
Ce n’est qu’après la guerre d’octobre 1973, que la Syrie peut récupérer 30 % du Golan. Un accord de désengagement en 1974 met fin officiellement à la guerre. La zone évacuée par les Israéliens, incluant la ville de Quneitra, entièrement détruite par Israël avant sa restitution, devient une zone tampon. Étroite de quelques kilomètres et longue de 80 km, elle est sous la surveillance des Nations unies. En 1981, Israël vote la loi d’annexion du Golan, soit 1 200 km2. Cette décision est considérée comme « nulle et non avenue » par l’ONU (résolution 497 du Conseil de sécurité). Seuls les États-Unis sous la présidence de Donald Trump l’avaliseront, en mars 2019.
Les Syriens du Golan sont majoritairement Druzes. En 1967, des dizaines de milliers d’habitants fuient les combats, d’autres sont chassés par l’armée israélienne. Un exode qui a laissé peu de traces. L’armée détruit de nombreux villages pour prévenir leur retour. L’implantation de colonies — une trentaine actuellement — modifie l’équilibre démographique du plateau : en 2025, 25 000 Israéliens y résident, contre 23 000 Syriens regroupés dans six agglomérations.
Israël a proposé sa nationalité aux habitants mais s’est heurté à un refus catégorique. Ils ne disposent donc que d’un laissez-passer. Jusqu’à la révolution de 2011, un jeune Syrien du plateau pouvait aller étudier à Damas ou se marier1, mais sans retour possible dans sa famille. L’impossibilité de voyager, de faire des études à l’étranger, ainsi que les dix années de guerre civile en Syrie poussent aujourd’hui de jeunes gens à accepter la nationalité israélienne, ce qui provoque des conflits au sein des familles. Ce mouvement s’est accéléré depuis les années 2020 et pourrait s’amplifier, l’accès à la Syrie étant désormais totalement interdit.
Dès le lendemain de la prise de pouvoir à Damas par les rebelles de Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), en décembre 2024, les chars de l’armée israélienne franchissent la zone tampon. Ils s’avancent alors dans le sud de la Syrie, suscitant la désapprobation internationale. Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou déclare que l’accord de désengagement de 1974 est caduc, tandis que l’ONU rappelle qu’il reste toujours en vigueur. Les nouvelles autorités syriennes entendent, elles aussi, le respecter. L’armée israélienne installe des avant-postes dans la zone tampon et au-delà, et bombarde la région. Tel-Aviv réclame une démilitarisation complète du sud de la Syrie. Les deux parties confirment en septembre 2025 qu’elles négocient un accord de sécurité. Mais, dès le 9 décembre 2025, Benyamin Nétanyahou affirme : « Le Golan fera partie d’Israël pour l’éternité ». Le 15 décembre 2024, le gouvernement israélien annonce un plan visant à doubler la population juive.
1Voir le film La fiancée syrienne (2004) du réalisateur Eran Riklis.
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