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Pourquoi le peuple kurde n’a-t-il pas d’État ?

© Hélène Aldeguer, 2017.

Établis en Mésopotamie, le berceau de la civilisation occidentale, les Mèdes, ancêtres des Kurdes, appartiennent à la famille des peuples indo-européens. Du XVIe jusqu’au début du XIXe siècle, ils ont gardé une relative autonomie, après la victoire du sultan turc sur le chah d’Iran, en échange de quoi les princes kurdes s’étaient engagés à garder les frontières de l’empire ottoman.

Victimes du partage colonial

Les visées coloniales de la France et du Royaume-Uni, dès avant la fin de la première guerre mondiale, mettent un terme au rêve d’indépendance du peuple kurde. Dans un premier temps, en 1916, les accords secrets franco-britanniques conclus entre les diplomates Sykes et Picot prévoient le démembrement de l’empire ottoman qui, dès le début de la guerre, s’était rangé aux côtés des Empires centraux.

Après la guerre, le traité de Sèvres conclu en 1920 entre les Alliés (dont la France, le Royaume-Uni, les États-Unis et l’empire ottoman) dépèce en fait cet empire au profit de ses voisins. Il préconise aussi la création d’un Kurdistan indépendant.

Mustafa Kemal, le leader nationaliste turc, recherche l’aide de chefs kurdes pour libérer l’Anatolie (perdue lors du traité de Sèvres) en leur faisant miroiter la création d’un État des Turcs et des Kurdes.

Mais la promesse internationale sera mise à mal trois ans plus tard par le traité de Lausanne, en 1923. Le Proche-Orient est alors divisé en plusieurs pays, et le droit des Kurdes à disposer de leurs terres et d’un État indépendant est renié. Et la Turquie ne tient pas ses engagements vis-à-vis des Kurdes.

Répartis sur quatre États

Le Royaume-Uni et la France obtiennent des « mandats » sur les nouveaux États nés après guerre : le premier sur l’Irak et la Palestine, la seconde sur la Syrie et le Liban, sans aucun respect des droits des peuples, dont le peuple kurde, à l’autodétermination.

En 1925, la province kurde de Mossoul, riche en pétrole, est incluse dans l’Irak, placée sous mandat britannique. Le pays des Kurdes est alors réparti dans quatre États : Turquie, Iran, Irak et Syrie. Si le peuple kurde revendique son indépendance, ses luttes en ce sens et les organisations dont il se dote seront liées à la situation spécifique dans chacun de ces États.

— En Iran

Dès 1946, les Kurdes d’Iran (6 à 7 millions de personnes soit 8 à 10 % de la population), proclament en 1946 la République de Mahabad, avec l’appui de l’Union soviétique. Mais elle est écrasée l’année suivante par le régime du chah.

— En Irak

Mustapha Barzani, chef historique du mouvement national kurde, obtient en 1974 la reconnaissance de l’autonomie des Kurdes (5 millions de personnes soit 20 % de la population) après une insurrection armée. Mais Saddam Hussein ne respecte pas la loi et, contre toute velléité indépendantiste, la répression est massive et violente. Ainsi des bombardements aux gaz chimiques de la ville kurde d’Halabja en 1988, faisant des dizaines de milliers de morts. Lors des bombardements américains contre l’Irak en 1991, Kurdes et chiites sont particulièrement ciblés par le régime. En 2003, les Kurdes soutiennent l’invasion militaire de l’Irak par les États-Unis. À la faveur de ce conflit, ils obtiennent une large autonomie, inscrite dans la Constitution irakienne de 2005. Toutefois, les tentatives d’instaurer l’indépendance à travers un référendum à l’automne 2017 se sont heurtées à un refus de Bagdad et de toutes les puissances régionales (à l’exception d’Israël). Jusqu’en octobre 2017 le Kurdistan irakien était dirigé par le très conservateur Massoud Barzani, leader du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) en rivalité avec l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), fondé par Jamal Talabani, récemment décédé. Depuis quelques années, un troisième parti, Gorran (Mouvement pour le changement) s’est imposé sur la scène politique.

— En Turquie

La négation de l’identité du peuple kurde (15 millions de personnes soit 20% de la population) est implacable. Depuis les années 1980, la lutte entre la guérilla du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et l’armée turque a fait plus de 40 000 morts. La région du Kurdistan est placée sous état d’urgence. Mais les Kurdes participent aussi au jeu politique et électoral. En juin 2015, le jeune parti prokurde, Parti démocratique des peuples (HDP) obtient avec 13 % des sièges un groupe d’élus au Parlement. Mais en novembre 2015, dans un climat de quasi-guerre civile, lors de nouvelles élections, son score tombe à 11%. Depuis la tentative de coup d’État par une partie de l’armée contre le président Erdogan en juillet 2016, les responsables kurdes, comme une partie des forces vives du pays, sont emprisonnés. Et ses élus ne siègent plus au Parlement.

— En Syrie

Avec 2 millions de personnes (soit 9 % de la population), les Kurdes représentent la minorité la plus importante du pays, concentrée principalement au nord-est, mais aussi à Alep et à Damas. Depuis la guerre menée par le pouvoir contre la volonté de démocratie de la population syrienne, puis l’arrivée sur le territoire syrien de l’Organisation de l’État islamique (OEI), les Kurdes du Parti de l’union démocratique (PYD) ont adopté une stratégie d’autodéfense et se sont trouvés en première ligne dans la lutte contre l’OEI. Le PYD, porteur d’un projet politique intitulé « confédéralisme démocratique » a proclamé l’autonomie de la région le Rojava qu’il a renommée Fédération du nord de la Syrie.

Par ailleurs, près de deux millions de Kurdes vivent en diaspora, dont plus de la moitié en Europe.

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