Pourquoi tant d’armées étrangères en Somalie ?

Kényans, Éthiopiens, Burundais, Ougandais, Djiboutiens : plus de 20 000 soldats africains sont présents en Somalie dans le cadre de la Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom). Déployés comme force de maintien de « la paix », ils mènent, avec le soutien des États-Unis et de l’Union européenne, des actions de combat contre l’insurrection islamiste Al-Chabab, ainsi que des missions de sécurisation des villes et des routes, de police et d’instruction. Pourquoi ces troupes combattent-elles en Somalie ? Et quelles raisons poussent l’ONU et les puissances occidentales à les soutenir ?

Le déploiement de l’Amisom remonte à 2007. À l’époque, l’Union des tribunaux islamiques (UTI), une fédération de milices formées à partir de tribunaux communautaires, s’était imposée sur une partie du sud somalien et s’était emparée en 2006 de la capitale, Mogadiscio. Mais les gouvernements voisins et occidentaux craignaient la mise en place d’un régime islamiste en Somalie et le développement de groupes djihadistes internationaux.

L’armée éthiopienne intervint en attaquant l’UTI sur le sol somalien. Quelques mois après, l’UTI s’étant dispersée, l’Amisom fut créée en 2007 par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine. Bénéficiant d’un mandat de six mois, son but était de participer à la sécurisation du territoire et de protéger l’installation d’un gouvernement de transition. Pour les pays contributeurs, cela assurait à leurs soldats une formation de qualité assurée par les États-Unis et des salaires avantageux, payés par l’Union européenne.

Un mandat sans cesse prolongé

Treize ans plus tard, l’Amisom est toujours déployée en Somalie. Son mandat est régulièrement prolongé par des périodes de six mois à un an. Des administrations locales se sont constituées, et un gouvernement fédéral de Somalie (GFS) a été installé en 2012. L’Amisom a été chargée d’en assurer la sécurité et la formation de son armée. Ses effectifs ont quadruplé, et son action a évolué pour assumer des opérations de combat et de conquête territoriale.

En effet, après la dislocation de l’UTI, plusieurs de ses composantes ont poursuivi le combat et le groupe Al-Chabab, affilié à Al-Qaida, est devenu le principal groupe armé de la région. Il contrôle une partie du territoire, y rend justice et prélève des impôts.

La volonté d’imposer l’autorité du GFS, perçu comme un élément stabilisateur, reste primordiale pour les pays contributeurs et les soutiens de l’Amisom. Mais peu à peu, la lutte contre Al-Chabab est devenue sa principale mission et la raison du prolongement de son mandat. Les voisins de la Somalie qui participent à la mission subissent en effet des attaques sur leur sol perpétrées par le groupe djihadiste et perçoivent ce dernier comme une menace militaire direct. Pour l’ONU et les financeurs européens et américains, Al-Chabab constitue un maillon de ce qu’ils appellent le « djihadisme global », et leur territoire un éventuel sanctuaire pour des groupes préparant des attaques en Europe.

Un soutien occidental actif

L’Amisom est devenue une force régionale, avec le soutien du Commandement des États-Unis pour l’Afrique (Africom) dont les frappes aériennes continuent d’augmenter (jusqu’à tripler sous la présidence de Donald Trump). Si ces bombardements par drones ont officiellement pour but de tuer des membres des Chabab, dans les faits, ils font de nombreuses victimes civiles que le commandement américain reconnaît rarement. Côté européen, on continue toujours d’assurer une partie du financement de l’Amisom.

De leur côté, les Chabab justifient leur combat et leurs attaques à l’étranger (Kenya, Ouganda, Éthiopie) par la présence sur le sol somalien de troupes étrangères. En plus de chercher à imposer la loi islamique, ils disent vouloir repousser l’invasion des « croisés » et de leurs parrains occidentaux, et démettre le gouvernement « illégitime » que ces derniers protègent. Si les pays concernés se retirent de Somalie, Al-Chabab affirme qu’il cessera de les attaquer. Une partie de la presse locale défend cette vision et compare les exactions commises par Al-Chabab à celles attribuées aux soldats du GFS et à l’Amisom.

Un plan de transition prévoit un transfert des responsabilités au GFS et un départ de l’Amisom en 2021. Mais l’échéance est sans cesse repoussée, car les opérations menées ne semblent pas affaiblir Al-chabab et le GFS semble incapable, seul, de mobiliser des forces de sécurité et une administration ou à assurer les services régaliens.

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