Qu’est-ce que la bande de Gaza ?

Qu’est-ce que la bande de Gaza ? Ou plutôt « qu’était-ce ? ». Nul ne sait ce qu’il restera de ce territoire entièrement clos par l’armée israélienne, coincé entre Israël, l’Égypte et la Méditerranée. Il mesure 41 km en longueur et de 6 à 12 km en largeur, soit une superficie de 365 km².

Dans cet espace s’entassent 2,23 millions d’habitants (6 000 habitants au km², l’une des densités les plus élevées au monde) dont 1,7 million de réfugiés. On y trouve aussi un millier de chrétiens, avec leurs églises dont l’une a été bombardée en octobre 2023. Huit camps de réfugiés, de constructions de fortune au bord de rues étroites, mais aussi des villes, dont celle de Gaza et ses quelque 780 000 habitants. Univers en réduction, la bande de Gaza, c’était aussi des routes, des hôtels, des restaurants de poisson grillé, des tours en verre, des plages, des écoles, des universités, des librairies, des hôpitaux, des jardins, des vergers, des souks, des petites entreprises. Ce sont aussi des écoliers en robe rayée bleu et blanc pour les filles, chemises bleues pour les garçons : l’uniforme des 500 000 élèves des établissements de L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). La pauvreté et le chômage sont massifs : près de 80 % de la population survit grâce à l’aide humanitaire.

Les Gazaouis ne pouvaient sortir qu’en tout petit nombre — quelque 18 000 travailleurs étaient autorisés à se rendre quotidiennement en Israël avant le 7 octobre. Même filtrage au compte-gouttes par l’Égypte au terminal de Rafah, au sud du territoire. Un seul passage, Kerem Shalom, permettait l’importation de biens, en quantité insuffisante.

Un territoire dessiné par les conflits

La bande de Gaza, territoire très anciennement peuplé, situé au carrefour des routes et des empires dès l’Antiquité, a été dessinée par les conflits modernes. Après la première guerre mondiale, elle passe de l’empire ottoman au mandat britannique. À la création d’Israël en 1948, elle est administrée par l’Égypte, mais garde un statut « autonome ». La ligne d’armistice de 1949 est transformée en frontière durable.

Gaza est brièvement occupée par Israël en 1956-1957. Les Palestiniens résistent et les affrontements font un millier de morts. Elle est conquise par les Israéliens pendant la guerre de 1967. Des colons s’y installent en 1970. Leurs maisons, leurs serres et leurs jardins verdoyants — ils pompent la plus grande partie de l’eau — interdisent l’accès à la mer à de nombreux habitants.

C’est dans la bande de Gaza que la résistance palestinienne armée après 1967 est la plus active, menée par le Fatah de Yasser Arafat. Il faudra l’offensive menée par le général Ariel Sharon, futur premier ministre, pour en venir à bout. Mais l’opposition à l’occupation reste puissante, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) s’y renforce, tandis que les Frères musulmans restent à l’écart. C’est à Gaza qu’éclate en 1987 la première Intifada, la « révolte des pierres » qui sera durement réprimée, comme en Cisjordanie. Événement capital, les Frères musulmans locaux fondent alors le Hamas, qui décide de s’impliquer dans la lutte nationale.

Sous blocus

En 1994, à la suite des accords d’Oslo (1993), c’est à Gaza que Yasser Arafat retourne pour établir le premier siège de l’Autorité palestinienne, qu’il déplacera ensuite à Ramallah. Le Hamas se lance dans des attentats-suicides en Israël, tandis que le processus d’Oslo s’enlise. Mais l’armée et les colons partent en 2005 : Israël veut se concentrer sur la colonisation de la Cisjordanie. Devenu premier ministre, Sharon a en effet décidé de se retirer du territoire, ce qui entraîne le départ des 8 000 colons. Sans aucun soldat israélien à l’intérieur, Gaza reste, selon la définition des Nations unies « un territoire occupé », ou comme le disent les Palestiniens, une « grande prison à ciel ouvert dont les geôliers sont à l’extérieur ».

Bastion du Hamas, Gaza aide celui-ci à gagner les élections législatives palestiniennes de 2006. L’Autorité palestinienne et les États occidentaux refusent de reconnaître le résultat de ce scrutin pourtant démocratique, et le Hamas, après de violents affrontements avec le Fatah, installe son pouvoir dans la bande côtière en 2007. Les Israéliens vont jouer sur cette division entre la Cisjordanie et Gaza, instaurer un blocus total contre le territoire, tout en permettant à cette « entité hostile », de survivre, notamment grâce au transfert de fonds réguliers du Qatar.

En 2018 et 2019, c’est la « Marche du retour ». Des Gazaouis, femmes et hommes de tous âges, manifestent contre la clôture israélienne. Ils se font abattre comme au stand de tir par les snipers israéliens. Bilan : 230 morts et plus de 7 000 blessés par balles, souvent amputés.

Ce dramatique épisode confirme qu’à Gaza aussi, toute manifestation pacifique est écrasée par les armes. Différentes guerres (en 2006, 2008-2009, 2012, 2014, 2021, au printemps 2023), opposent Israël et le Hamas, soutenu par ses alliés, notamment le Djihad islamique, avant celle, d’une dimension inégalée, qui a entraîné un nombre de morts et de destructions sans précédent.

Pour aller plus loin
Jean-Pierre Filiu, Histoire de Gaza, Fayard, 2015
Amira Hass, Boire la mer à Gaza, chronique 1993-1996, La Fabrique éditions, 2001

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