« Toute visibilité de la pratique religieuse de l’islam est vue comme une manifestation de l’islamisme »
Dans un entretien accordé à Orient XXI, Olivier Roy, politiste et professeur à l’Institut universitaire européen de Florence, revient sur les bruyantes controverses qui ont suivi la publication, en novembre 2025, d’un sondage de l’Ifop sur la religiosité des musulmans de France. Il réfute plusieurs raccourcis et éclaire les raisons de la montée du discours islamophobe.
Orient XXI — La multiplication des offensives médiatiques contre la pratique religieuse des musulmans rythme la vie politique française depuis au moins deux décennies. Chaque campagne est articulée à un rapport, une loi, à une commission parlementaire, ou fait suite à un attentat. Chaque fois, on mobilise un vocable spécifique : « entrisme », « séparatisme », « frérisme », « islamisme », « salafisme », « communautarisme », etc.
En novembre 2025, alors que l’on sort de la commémoration des attentats de 2015 et que se profilent les élections municipales de mars 2026, un sondage réalisé par l’Institut français d’opinion publique (Ifop) sur la religiosité des musulmans a conclu à une « réislamisation », ouvrant la voie à des commentaires nombreux sur les dangers de l’islamisme en France. Que vous inspire cette enquête ?
Olivier Roy — La réislamisation — que j’ai analysé dans L’islam mondialisé (Seuil, 2009) —, c’est la reconstruction de la pratique religieuse musulmane dans une société où la religion soit a perdu son ancrage culturel, soit en est dépourvue. Elle concerne d’abord la pratique, l’orthopraxie, de tout un chacun. Elle ne découle pas vraiment d’une reformulation théologique effectuée par des penseurs religieux ou des philosophes, et encore moins d’une stratégie politique d’un mouvement politique. Ce dernier peut tenter de la récupérer, mais il ne la contrôle pas.
En France, l’islam est apparu du fait de l’immigration de masse des années 1960 au moment même où la société française connaissait une déchristianisation massive et donc une déculturation religieuse. D’où un double effet d’étrangeté : une « nouvelle » religion apparait quand disparait la visibilité du religieux traditionnel, le christianisme. À cela s’est ajouté l’effet « islamisme », c’est-à-dire, au sens strict, la construction de l’islam comme idéologie politique qui est un phénomène propre aux sociétés du Proche-Orient et du Maghreb. Ceci a ajouté une autre forme de visibilité : la menace politique et, à la marge, terroriste.
La visibilité de l’islam en France, l’effacement du christianisme et la politisation de l’islam au Proche-Orient et au Maghreb constituent trois niveaux qui s’additionnent. Tout « retour » du religieux — qui n’est pas un retour en arrière, mais une reconstruction du religieux —, apparait comme du fanatisme, même s’il est célébré par la presse Bolloré quand elle évoque le catholicisme. Une bonne sœur en grande tenue ou un loubavitch en papillotes n’attirent pas plus de regards bienveillants qu’un salafi en kamis. Les reportages sur les rassemblements évangéliques ne parlent que de fondamentalisme confessionnel et les grands rassemblements des Tziganes protestants ne sont vus que sous l’angle des « vols de poules ».
O. XXI.— Il n’y aurait donc pas de spécificité musulmane ?
O. R.— Pour notre société déchristianisée, un croyant modéré ne peut être que quelqu’un qui croit modérément. Le problème est qu’il arrive que les croyants croient vraiment. Toutes les religions révélées pensent qu’elles professent une vérité qui est au-dessus de la loi des hommes. Le pape refuse la distinction entre croyant et citoyen et appelle le croyant à agir selon sa foi dans la société. Comme le dit le pape Léon XIV :
Je n’ignore pas non plus les pressions, les consignes de parti, les « colonisations idéologiques » — pour reprendre une heureuse expression du Pape François —, auxquelles les hommes politiques sont soumis. Il leur faut du courage : le courage de dire parfois « non, je ne peux pas ! », lorsque la vérité est en jeu. Là encore, seule l’union avec Jésus — Jésus crucifié ! — vous donnera ce courage de souffrir pour son nom. Il l’a dit à ses disciples :"Dans le monde, vous aurez à souffrir, mais gardez courage ! J’ai vaincu le monde » (Jean 16, 33).1
S’émouvoir qu’un croyant place la loi divine au-dessus des lois de la République signale combien notre société se méprend sur le sens de la foi.
Pour ce qui est de l’islam, la tension est encore plus forte du fait qu’il est associé à l’immigration et à une violence politique venue du Proche-Orient. L’hostilité à l’islam unit la droite anti-immigrés et la gauche anticléricale. Les deux vont donc mettre en avant la « laïcité » qui est devenue une idéologie plutôt que le principe juridique défini par la loi de 1905. Or, la laïcité juridique ne renvoie pas le religieux au privé : elle en régule la pratique publique. Voilà pourquoi la loi porte sur les « cultes » et non pas les « religions ».
Or, aujourd’hui, toute visibilité de la pratique religieuse de l’islam est vue comme une manifestation de l’islamisme, un terme fourre-tout qui n’a plus grand-chose à voir avec la définition qu’il avait reçue en sciences politiques. Toute tentative d’inscrire un marqueur religieux dans l’espace public est désormais perçue comme une stratégie cachée de prise de pouvoir. Donc, tout ce qui relève de la pratique religieuse de l’islam est posé comme donc une menace pour la société. C’est cette incapacité de penser l’islam comme simple religion qui explique la panique morale d’aujourd’hui2.
Je ne dis pas que l’islam est une « simple religion », toute religion est plus que ça, mais que l’inculture religieuse alliée au laïcisme n’arrive plus à comprendre la religion en général.
O. XXI.— Le sondage de l’Ifop a été massivement présenté dans les médias mainstream comme éclairant, novateur, sérieux et utile. L’on a peu lu ou entendu de choses sur le fait qu’il a été commandé par la revue Écran de veille publiée par Global Watch Analysis, une officine qui semble très directement alignée sur les positions des Émirats arabes unis. Quelle en est l’incidence ?
O. R.— Les commanditaires du sondage sont effectivement liés aux Émirats arabes unis3, qui poursuivent par ce biais leur guerre par procuration contre le Qatar en agitant l’épouvantail des Frères musulmans et en finançant presse et think tanks en Europe.
Cela se reflète dans certaines questions biaisées posées à l’échantillon : utiliser le terme « islamiste » sans le définir, mettre dans le même sac salafistes, wahhabis, Frères musulmans et… takfiris4. On fait semblant de supposer que les sondés savent de quoi il s’agit, alors que j’en connais plus d’un qui pense qu’un frère musulman est juste un frère en religion !
Mais douter des intentions d’un sondage ne suffit pas pour le disqualifier. Il peut être sérieux du point de vue de la profession. Cependant, il y a pléthore de sondages sérieux depuis des années et celui-ci n’innove en rien. Il ajoute plutôt de la confusion. Olivier Galland, sociologue qui travaille sur la jeunesse5, et Frank Fregosi6, politiste spécialiste de l’islam de France, ont réagi à ce sondage en mentionnant d’autres études toutes aussi sérieuses qui permettent de nuancer sérieusement les conclusions de l’Ifop et de Global Watch Analysis.
O. XXI.— Quelles sont les limites que vous pointez du doigt ?
O. R.— Le problème n’est pas tellement les chiffres que l’interprétation qu’en donne le sondeur. On peut arriver à une conclusion diamétralement opposée que celle donnée par le commentateur du sondage à partir des mêmes chiffres. Selon le sondage, 15 % des jeunes musulmans pensent que la charia doit s’imposer partout, 47 % qu’elle ne peut s’appliquer dans des pays non musulmans et 31 % qu’elle doit et peut s’adapter. Ainsi, au lieu de 46 % de non intégrés ou mal intégrés, on a 78 % de musulmans qui pensent qu’on peut vivre les principes de sa foi dans la société française.
Tout croyant, musulman ou non, pense que son propre salut est la chose la plus importante. Mais cela n’empêche pas de respecter les lois de la République. La profession de foi, la prière, l’aumône, le jeûne du ramadan et le pèlerinage, désignés comme les cinq piliers, ne sont pas « opposés » à la loi française. Le djihad, rappelons-le, n’est pas un pilier de l’islam. La référence à la charia n’a pas les mêmes connotations pour les croyants et les non musulmans. Les premiers pensent d’abord en termes des cinq piliers et de l’opposition entre ce qui est interdit, haram, ou licite, halal, tandis que les seconds croient y voir un code rigide centré sur des punitions, notamment les mains coupées pour les voleurs ou la lapidation.
Les questions sont ainsi construites à partir des préjugés que l’on a sur l’islam et non à partir de la manière dont les musulmans peuvent poser le problème. Ceux-ci vont généralement se demander « puis-je pratiquer ma foi dans un contexte français ? » plutôt que « la charia est-elle compatible avec la loi de la République ? ».
Le sondage dit que 38 % des enquêtés approuvent quelques principes islamistes. Mais lesquels ? Faire la charité, ne pas boire de l’alcool, être solidaire des autres musulmans, faire le djihad, promouvoir une république islamique ? On ne saura pas. Il y a un amalgame qui fait que la question n’a pas de sens, mais permet de gonfler le pourcentage des gens à la loyauté considérée comme douteuse.
O. XXI.— Quelles données du sondage semblent malgré tout intéressantes pour un sociologue des religions ? Que révèlent-elles de surprenant ou de contre-intuitif ?
O. R.— Le sondage paradoxalement, si l’on évite le discours partisan du commentateur, montre plutôt l’intégration des musulmans pratiquants, mais une intégration « en tant que croyant ». C’est ce qui semble incompréhensible pour bien des commentateurs et témoigne d’une méprise.
Le sondage rend compte d’une évolution du rapport à la religion, car ce rapport est en permanence reconstruit par les acteurs en fonction de leur positionnement dans la société française. La première génération d’immigrés n’était pas moins croyante que l’actuelle, mais leur marginalisation sociale entraînait l’invisibilisation de leurs pratiques. Ce qui a changé aujourd’hui, c’est la visibilité du croyant et sa demande de reconnaissance de cette visibilité. Et si le croyant est plus visible, c’est qu’il est plus intégré : d’où le scandale.
Dans les conclusions hâtives qui sont parfois tirées, on oublie les parcours de vie ; c’est le problème de ces sondages effectués à un instant T et qui ne voient pas que les sondés des précédents sondages ne correspondent pas aux mêmes catégories sociales et générationnelles. On nous dit que les femmes d’un certain âge portent moins le voile que les plus jeunes. Sans doute. Mais les jeunes qui le portent aujourd’hui le porteront-elles en vieillissant ? Il faut inscrire la religiosité dans une dynamique.
O. XXI.— En quoi le sondage peut-il justement éclairer des enjeux générationnels ?
O. R.— Les jeunes d’aujourd’hui, toutes origines confondues, sont en général sinon plus religieux du moins plus tolérants à la religion. Il y a une banalisation de la pratique religieuse. Dans les collèges et lycées, cette pratique peut également prendre la forme d’une protestation contre un laïcisme autoritaire et punitif, marqué par le contrôle des tenues, l’interdiction de débattre sur la religion en cours et le signalement à la hiérarchie (voire à la gendarmerie). Des jeunes, plutôt désabusés et en quête d’identité, vont jouer la provocation en suivant d’ailleurs des sortes de mode : celle des abayas a succédé à celle des crop tops, chers à l’ancien ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui les avaient dénoncés comme anti-républicains7. Ces modes ont parfois peu à voir avec la foi.
Cela fait cinquante ans que je suis, entre autres, des élèves et des étudiantes musulmanes. Il y a un schéma répétitif : le voile de 18 à 25 ans que l’on abandonne facilement lors de l’entrée sur le marché du travail, ainsi que des pratiques religieuses tout aussi fluctuantes que les explications qu’on en donne.
O. XXI.— Comment contextualiser ces transformations du rapport au religieux ?
O. R.— D’abord, il faut souligner la variété des formes de « retour à la religion ». Depuis les années 1990, il y a une vague identitaire et normative dans toutes les religions. Mais, aujourd’hui, avec la génération Z8, c’est plus fluide, c’est moins identitaire, plus lié à des quêtes individuelles, souvent dans le cadre de petits groupes en quête de sens plus que d’une structuration institutionnelle. Il faut voir que la génération Z est plus « mélangée » que celles d’avant pour une raison simple : la montée en puissance de classes moyennes d’origine musulmane.
On reste trop souvent dans le cliché des « zones islamisées » des quartiers difficiles où se concentrerait la jeunesse musulmane. Or, si les zones d’exclusion restent là, toute une jeunesse est en ascension sociale. Une nouvelle classe moyenne musulmane s’installe et pousse ses enfants à faire des études. C’est aujourd’hui cette classe moyenne qui encaisse le plus l’islamophobie.
Ce n’est plus en effet le « séparatisme » qui fait les beaux jours de la rubrique anti-islam portée dans les médias et par nombre de responsables politiques, mais « l’entrisme ». Ceux qui entrent, ce sont justement ceux qui ont percé le plafond de verre. Ils sont cadres, entrepreneurs, financiers, avocats, journalistes, ou professeurs. Lorsqu’ils sont pratiquants, ils veulent adapter leurs marqueurs religieux à leur nouvelle condition sociale dans un milieu beaucoup plus mixte socialement, mais aussi religieusement.
On voit chez les jeunes un effort de se construire individuellement comme musulman. C’est une quête de soi avec un mélange d’identité et de souci de son salut. Si l’islam était communautariste, on aurait l’équivalent d’un Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) et d’un grand Rabbinat musulman. On aurait éventuellement un parti islamique (sous un autre nom). Enfin, on aurait un électorat musulman qui voterait comme tel. Or, les musulmans votent plutôt pour La France Insoumise, mais dans la dispersion. C’est paradoxalement l’État qui essaie de communautariser les musulmans en leur imposant depuis les années 1990 une instance religieuse englobante dont personne ne veut, pas même les titulaires.
O. XXI.— La mécompréhension de la société française face aux croyances religieuses se doublerait donc d’une défiance à l’égard de toute la jeunesse ?
O. R.— Le nouveau rapport des jeunes à la religion inquiète. Il y a eu récemment un numéro spécial du magazine d’extrême droite Causeur intitulé « Le nouveau péril jeune » (septembre 2025). Naguère, le terme de « jeune » était un euphémisme pour le jeune de banlieue et donc le jeune musulman. Mais il est désormais clair que c’est toute la génération Z qui devient suspecte : inculte, ignare et… soit naïve, soit fanatique. La criminalisation massive des mobilisations en soutien à la Palestine en est une illustration probante. Il suffit par ailleurs de regarder l’activité du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIDPR) chargé de contrer les atteintes à la laïcité en particulier dans les établissements scolaires. On y multiplie les stages de formation (et de formation de formateurs), on nomme des référents laïcité un peu partout et… rien ne se passe. Le message ne passe pas et occasionne une forme de défiance générationnelle en réaction à cette insistance des pouvoirs publics à réciter une forme de magistère. Les jeunes ne lisent d’ailleurs plus les médias et ne regardent plus la télévision. Il y a une coupure générationnelle croissante, qui n’est traitée que comme une pathologie et une menace à l’ordre social. La jeunesse est la nouvelle classe dangereuse. Et comme le pourcentage de musulmans dans la jeunesse augmente mécaniquement pour des raisons démographiques, cela accentue l’effet de panique morale.
O. XXI.— Comment situer ces jeunes musulmans par rapport aux dynamiques en cours parmi les chrétiens ?
O. R.— On assiste en France à un phénomène de born-again chrétien9. Chez les protestants, cela remonte à deux décennies, mais cela touchait surtout les milieux sociaux défavorisés très souvent d’origine immigrée ou bien Rom. Ils étaient un peu perçus comme des salafistes chrétiens, engagés dans des logiques démonstratives et conservatrices. Cependant, dans la génération Z, on a aujourd’hui un phénomène de born again catholiques qui touche beaucoup plus les classes moyennes blanches. On les confond souvent avec les jeunes catholiques du pèlerinage de Chartres10qui, eux, suivent plutôt une tradition familiale. Mais le phénomène qui touche la génération Z est beaucoup plus large et diffus et n’entretient pas de relation systématique avec l’extrême droite et lesdits « cathos tradis ».
Or, il y a aujourd’hui une plus grande mixité des classes moyennes, donc plus de contact entre les différents born-again. Ces interactions sont visibles, par exemple, dans la fréquentation des écoles catholiques par des enfants musulmans poussés par leurs parents dans leur parcours scolaire.
La nouveauté est plus dans l’émulation que dans la rivalité avec l’islam : le parallélisme touche par exemple le jeûne. Faire carême est sans doute l’obligation religieuse qui a le plus rapidement disparu après Vatican II, alors que la messe, la confession et l’eucharistie restaient le cœur de la pratique catholique. Mais on voit désormais de jeunes « néo-cathos » se remettre à faire carême en parallèle avec le ramadan — d’autant plus facilement quand les calendriers concordent. Les jeunes musulmans dans les écoles catholiques sont en contact avec un christianisme pratiqué et l’on peut constater une tolérance réciproque. Le 5 novembre 2025, les élèves voilées dans les tribunes de l’Assemblée nationale, qui ont scandalisé certains députés, sont venues avec leur école chrétienne. Elles ont été soutenues par la direction de l’enseignement catholique.
O. XXI.— Voyez-vous de réelles différences ?
O. R.— La différence avec l’islam est que ce renouveau spirituel catholique se fait sur fond continu de déchristianisation : le nombre de baptêmes d’adultes augmente, mais le nombre global de baptisés baisse ainsi que les vocations sacerdotales, ce qui veut dire que les néo-baptisés ne deviennent pas prêtres.
On pourrait croire que pour les musulmans c’est l’inverse : la remontée de la pratique irait de pair avec une augmentation des « vocations ». Or, cela ne semble pas le cas : il y a fort peu de « vocations » à être imams. Ceux-ci continuent à être recrutés soit dans les pays d’origine, soit parmi des autodidactes, sans grand prestige et mal payés. Bien sûr, il y a le débat sur la formation des imams et il y a l’obstruction systématique à la création d’écoles musulmanes. Mais s’il y avait un vrai retour à la foi « institutionnelle » chez les jeunes musulmans, c’est-à-dire le désir de travailler à constituer une vraie communauté religieuse, alors on aurait davantage d’imams éduqués, car issus des milieux étudiants. Ce n’est pas le cas. On voit d’ailleurs plutôt des transmissions familiales : le nouvel imam est le fils de l’ancien, signe d’une patrimonialisation des entreprises religieuses plutôt que d’une mobilisation communautaire.
On voit donc que l’apparente augmentation de la pratique chez les jeunes musulmans ne contribue pas à institutionnaliser l’islam. On reste alors largement dans la logique des « deux cités » selon Saint Augustin, où le croyant et le citoyen sont deux versions de la même personne dans deux mondes, deux cités, qui ont une intersection, mais ne se recoupent pas. C’est ce point que les laïcistes n’arrivent pas à comprendre : on peut être totalement croyant et totalement citoyen parce qu’il s’agit de deux mondes juxtaposés, et non en concurrence. Quant à l’argument selon lequel en islam il n’y aurait pas de séparation entre religion et politique, il a toujours servi à instrumentaliser la religion à des fins politiques plutôt que l’inverse.
1Extrait du discours prononcé le 28 août 2025 devant une délégation d’élus locaux français du Val-de-Marne, lors d’une audience privée menée par l’évêque de Créteil Mgr Dominique Blanchet.
2NDLR. La panique morale renvoie à un concept formulé par le sociologue Stanley Cohen dans les années 1970 pour rendre compte des réactions collectives disproportionnées face à l’émergence de pratiques individuelles minoritaires perçues, malgré leur caractère minoritaire, comme déviantes ou dangereuses pour la société.
3De 2017 à 2020, le Qatar, accusé de soutenir les mouvements d’opposition, en particulier les Frères musulmans, a fait l’objet d’une brutale ostracisation par ses voisins. L’Arabie saoudite et, plus encore, les Émirats arabes unis ont mis en place un blocus du pays et activé divers relais internationaux visant à stigmatiser la politique étrangère qatarienne, notamment en Europe et en Palestine. La réconciliation obtenue par le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman a notamment conduit le Qatar à aligner sa diplomatie sur celle de ses voisins. Mais des tensions demeurent ponctuellement.
4NDLR. Les « excommunicateurs », extrémistes musulmans considérant tous ceux qui ne souscrivent pas à leur vision de l’islam comme des apostats.
5« Sur la “réislamisation” de la jeunesse musulmane », avec Gérard Grunberg, Telos, 25 novembre 2025.
6« Musulmans de France, religiosité, islamisme : les chiffres contestés de l’enquête Ifop », The Conversation, 26 novembre 2025.
7NDLR. L’ancien ministre de l’éducation nationale avait déclaré, le lundi 21 septembre 2020 sur RTL, à propos des crop tops : « Vous n’allez pas à l’école comme vous allez à la plage ou en boîte de nuit. Vous allez à l’école dans une tenue correcte (…) Chacun peut comprendre qu’on vient à l’école habillé d’une façon républicaine ».
8Population née entre la fin des années 1990 et la fin des années 2000.
9NDLR. Dans ce cadre, le terme renvoie aux néo-baptisés ou à des individus qui redécouvrent, adultes, une foi un temps laissée de côté
10NDLR. Le pèlerinage Notre-Dame de Chrétienté, également appelé pèlerinage de Chartres, est un pèlerinage catholique traditionaliste entre Notre-Dame de Paris et Notre-Dame de Chartres. Il se déroule tous les ans durant le week-end de la Pentecôte.
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