Israël-Palestine : pour que l’initiative française ait une chance de succès

La réunion ministérielle de relance du processus de paix au Proche-Orient s’est tenue à Paris le 3 juin. Elle a accueilli vingt-huit délégations étrangères, dont celle des États-Unis conduite par le secrétaire d’État américain John Kerry. En revanche, les représentants de la Palestine et d’Israël n’étaient pas présents. Elle s’est terminée par un communiqué insipide qui se borne à « saluer » la perspective de réunir, d’ici la fin de l’année, une conférence internationale. Quelle sont ses chances de succès, alors même que le gouvernement israélien l’a rejetée ?

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Les conditions nécessaires à la paix au Proche-Orient que partage l’ensemble de la communauté internationale sont l’évacuation des territoires occupés en juin 1967, la création d’un État palestinien à côté d’Israël, avec Jérusalem comme capitale des deux États, et une solution « juste » du problème des réfugiés. Cette perspective a déjà été entérinée par le conseil de sécurité des Nations unies en novembre 2003, dans sa résolution 1515 et réitérée en décembre 2008, avec la résolution 1850.

Dans son discours du 3 juin à la réunion ministérielle de relance du processus de paix au Proche-Orient, le président François Hollande a noté que « certains tirent argument du chaos qui s’est installé dans la région pour se désintéresser de la question israélo-palestinienne, considérant que le conflit est devenu périphérique et qu’il est en quelque sorte sous contrôle. Je pense au contraire que ces changements rendent d’autant plus urgente une résolution du conflit et que les bouleversements régionaux créent des obligations nouvelles pour la communauté internationale et pour rechercher la paix. » Même si cela n’est pas dit clairement, c’est une manière de remettre la Palestine au cœur des conflits du Proche-Orient. Hollande a ensuite réaffirmé ce qui reste le postulat de toutes les négociations depuis l’échec du sommet de Camp David en 2000 : « Il reviendra aux parties, c’est-à-dire aux Israéliens et aux Palestiniens, et à elles seules, de faire le choix courageux de la paix. Nous ne pouvons pas nous substituer aux parties prenantes. » En ne désignant aucun « coupable », en renvoyant à une forme de négociation bilatérale -– ce qui est la position de Benyamin Nétanayhou -– la diplomatie française revient à l’idée simple, pour ne pas dire simpliste, que le conflit met aux prises deux protagonistes égaux en pouvoir et en droits, tous deux souhaitant la paix, qu’il faudrait amener à se montrer « raisonnables ».

Or il n’en est rien. Israël poursuit sa politique de colonisation à outrance de la Cisjordanie, de « judaïsation » de Jérusalem. Le retrait de Gaza en 2005 est apparu pour ce qu’il était, la continuation de l’occupation sous une autre forme : les geôliers, au lieu d’être dans la prison, sont aux portes — avec l’aide active, il faut le reconnaître, du gouvernement égyptien. La seule survivance des accords d’Oslo de 1993 est « la coopération sécuritaire » qui, chaque jour, discrédite un peu plus Mahmoud Abbas et son équipe. Israël refuse tout simplement l’idée de l’évacuation des territoires occupés en 1967.

Si la communauté internationale et la France étaient cohérentes avec l’idée des deux États, elles auraient compris depuis longtemps que le seul moyen d’amener Israël à négocier est de faire pression sur son gouvernement, dominé par l’extrême droite comme l’a confirmé l’entrée en son sein d’Avigdor Lieberman, le nouveau ministre de la défense. Une négociation réelle nécessite un rapport de forces entre les deux parties, aujourd’hui totalement favorable à Israël qui reste soutenu aussi bien par les États-Unis que par la France. Les relations bilatérales entre Paris et Tel Aviv n’ont jamais été aussi denses depuis l’expédition de Suez en 1956. Faut-il rappeler qu’il fut un temps, dans les années 1980, où la France était à l’avant-garde, bien seule, appelant à la reconnaissance de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et à l’autodétermination des Palestiniens, malgré les critiques virulentes de Washington et de Tel-Aviv.

Si Paris veut faire avancer le « processus de paix », il faut reconnaître que le gouvernement israélien est l’obstacle et qu’il faut donc l’amener à des concessions. Les pressions sont-elles possibles ? Bien sûr, du refus d’importer des produits des colonies illégales à des sanctions commerciales — rappelons que l’Union européenne est le premier partenaire commercial d’Israël — en passant par le refus de subventionner les recherches militaires dans les universités, l’éventail est très large. La France, qui se réclame sans cesse du droit international, pourrait mettre en œuvre l’avis consultatif de 2004 de la Cour internationale de justice (CIJ) qui déclare illégale la construction du mur en Palestine. La France pourrait aussi s’interroger sur le cas des binationaux qui font leur service militaire dans les territoires occupés : l’assassinat d’un Palestinien immobilisé par un soldat franco-israélien le 24 mars dernier est venu rappeler que des citoyens disposant de passeports français participent à des opérations que la France considère comme illégales. Pourquoi ce qui est valable en Syrie ne le serait pas en Palestine ?

Ces actions peuvent être relayées par la société civile, mobilisée dans le mouvement Boycott désinvestissements sanctions (BDS), un mouvement démocratique et pacifique. Et pourtant c’est ce mouvement que les autorités françaises cherchent à interdire, confirmant, en réalité, leur refus de toute pression sur le gouvernement d’extrême droite israélien et laissant planer plus que des doutes sur leur volonté d’arriver à une solution au Proche-Orient.

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