Au Sahara occidental, la « pax americana » consacre la victoire du Maroc

Assiste-t-on à un tournant dans le conflit autour du Sahara Occidental ? Les dernières décisions des Nations unies semblent l’indiquer.


Des femmes portant une écharpe colorée et une grande bannière. Ciel dégagé en arrière-plan.
Dakhla, le 13 janvier 2023. Des Sahraouis déplacés arrivent pour assister à un congrès du Polisario dans le camp de réfugiés de Dakhla, situé à environ 170 km au sud-est de la ville algérienne de Tindouf.
Ryad KRAMDI / AFP

Le 31 octobre 2025, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution qui reconnaît le plan d’autonomie proposé par Rabat pour le Sahara occidental comme nouvelle référence pour le règlement d’un conflit qui pèse sur le Maghreb depuis 1975. Le texte a été entériné par 11 voix pour, aucune voix contre, et trois abstentions (Russie, Chine et Pakistan). L’Algérie a refusé de participer au vote. Cette adoption traduit l’aboutissement de la stratégie marocaine et laisse en suspens le sort des Sahraouis et du Front Polisario qui les représente.

En décembre 2020, alors qu’il s’apprêtait à achever son premier mandat, le président étatsunien Donald Trump avait reconnu la « marocanité » du Sahara occidental en contrepartie de la normalisation de la relation entre le Maroc et Israël et son intégration aux accords d’Abraham. Cette reconnaissance était importante pour Rabat, qui éprouvait des difficultés à clore ce conflit territorial l’opposant au Front Polisario, appuyé par l’Algérie depuis 1975, qui revendiquait la souveraineté sur l’ancienne colonie espagnole du Sahara.

Rabat avait fini par refuser l’organisation d’un référendum d’autodétermination qui lui aurait fait prendre le risque d’un échec. Dès la fin des années 1990, le Maroc avait opté pour une autonomie accordée aux Sahraouis dans le cadre d’un Maroc souverain, et avait proposé un plan en ce sens en 2007. En 2020, la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental par les États-Unis a fait sauter un verrou. Le Maroc a parié sur le fait qu’elle entraînerait une vague de reconnaissances du même type de nombreux États, lui permettant ainsi une victoire totale sur l’adversaire. Cette stratégie fut en effet payante et de plusieurs pays ont emboité le pas aux États-Unis, que ce soit l’Espagne, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, le Portugal, et d’autres encore.

Progressivement, l’option marocaine d’une autonomie au Sahara occidental comme base sérieuse et crédible pour clore ce conflit, a pris le pas sur l’autodétermination qui était au fondement de la revendication du Front Polisario et de l’Algérie. Parrainé par les États-Unis, le texte de la résolution votée au Conseil de sécurité des Nations unies a pour objet de crédibiliser la perspective d’une autonomie du Sahara dans un Maroc souverain.

La paix selon Donald Trump

Les semaines qui ont précédé le vote ont montré l’intérêt de Washington à clore ce conflit, en faveur du Maroc. Le 25 octobre, Steve Witkoff, l’envoyé spécial de Donald Trump pour le Proche-Orient, a ainsi expliqué sur la chaîne étatsunienne CBS que « Washington travaille activement à la conclusion d’un accord de paix entre le Maroc et l’Algérie dont la signature est prévue d’ici deux mois ». Massad Boulos, conseiller du président Trump pour l’Afrique et le Proche-Orient a évoqué le « Sahara marocain » dans le documentaire « Comment le Maroc a mis la main sur le Sahara occidental », publié par le quotidien Le Monde sur sa chaîne YouTube le 2 novembre 2025. Il a confirmé la forte implication de l’administration Trump dans ce dossier. Le président étatsunien entend faire du Maroc et du Sahara occidental un atout stratégique pour Washington au Maghreb. Cette décision s’inscrit dans le prolongement des accords d’Abraham et de la relation désormais instaurée entre Rabat et Tel-Aviv. En arrière-plan, le Trump envisage un partenariat économique avec le Maroc, pays qui lui paraît le plus fiable de la région.

C’est dans ce sens qu’il a encouragé les entreprises étatsuniennes à investir au Sahara occidental. Le 25 septembre 2025, à l’issue d’une réunion avec le ministre marocain des affaires étrangères Nasser Bourita, et en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, le secrétaire d’État adjoint des États-Unis, Christopher Landau, a précisé que son pays allait « encourager les entreprises américaines qui souhaitent investir » au Sahara. Il a aussi précisé que le gouvernement fédéral était désormais en mesure d’accorder des prêts et d’aider à réduire les risques liés aux investissements des entreprises privées étatsuniennes par le biais d’agences comme la Société américaine de financement pour le développement international (DFC) et la banque d’import-export des États-Unis1.

De nombreux projets sont envisagés, notamment en matière d’énergies renouvelables, mais aussi en ce qui concerne le développement du tourisme. Toutefois, en vertu du droit international, cette région si prometteuse au plan économique est toujours considérée comme un territoire à décoloniser et le Maroc comme une puissance occupante. La non-résolution de ce conflit devenait un obstacle pour la mise en place du plan Trump, d’où sa volonté de débloquer un conflit paralysé en une opportunité économique et stratégique dans une région où la Chine et la Russie tentent de s’implanter et de gagner du terrain.

Pour y parvenir, Donald Trump considère le plan marocain d’autonomie comme la seule voie. Il entend inclure l’Algérie dans ce projet qui lie prospérité économique et paix, d’où la nécessité de solder le contentieux entre Rabat et Alger qui date de 1962. Les États-Unis pourraient jouer le rôle d’intermédiaire dans cette réconciliation susceptible de modifier la géopolitique de la région. Mais dans cette conception trumpienne de la paix, il n’y a pas de place pour l’autodétermination qui fut au fondement même de la revendication du Front Polisario cinq décennies durant.

L’Algérie dans l’impasse

Au Conseil de sécurité, l’Algérie a refusé de prendre part au vote d’un texte qui appelle à prendre pour base le plan marocain pour le Sahara. Mais les revendications enflammées du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui semblent avoir laissé place à la realpolitik. Affaiblie au plan régional et international, l’Algérie tente de se rapprocher de Washington pour consolider un partenariat économique et stratégique. Elle observe également les liens qui se tissent entre Rabat et Moscou pour se convaincre un peu plus que son logiciel idéologique a vieilli. Souhaitant ardemment retrouver sa place d’antan dans les relations internationales, elle profite peut-être de ce moment pour montrer qu’elle est disposée à opérer des revirements majeurs.

La dernière mouture du texte de la résolution a soigneusement été rédigée pour obtenir l’abstention de la Russie et de la Chine, mais également la non-participation au vote de l’Algérie plutôt que son opposition frontale. Le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) est prorogé d’un an (jusqu’à octobre 2026, alors que le texte initial prévoyait trois mois) et les références à l’autodétermination (« une autodétermination réaliste ») figurent bien dans le texte.

Front Polisario et autodétermination

Marginalisé et menacé par Donald Trump de se voir inscrit sur la liste des mouvements terroristes, le Front Polisario s’est dit prêt à accepter le plan d’autonomie du Maroc, à condition que la population sahraouie l’approuve par référendum. Le 20 octobre, il a présenté une « proposition élargie » au Conseil de sécurité des Nations unies qui comprend trois options : l’indépendance du territoire, son intégration au Maroc et enfin un pacte d’association libre dont il précise qu’il pourrait ressembler à l’offre marocaine d’autonomie. Il a toutefois décidé de ne « participer à aucun processus politique ou négociation fondés sur des propositions visant à légitimer l’occupation militaire illégale du Sahara occidental. »2

Le mouvement a le sentiment d’avoir été abandonné par son parrain algérien, même si le 11 octobre, devant les hauts gradés de l’armée algérienne, le chef de l’État Abdelmadjid Tebboune faisait part des pressions exercées par « des grandes puissances » et affirmait : « Personne ne peut nous menacer, nous n’abandonnerons pas le Sahara occidental. »3.

Le texte de la résolution du Conseil de sécurité précise, dans ce qui ressemble davantage à une contradiction qu’à un consensus, que l’autonomie pourrait (au conditionnel) représenter la « solution la plus praticable ». Les Marocains qui ont fêté ce vote avec joie ne se sont pas beaucoup trompés. Car, même s’il demeure des inconnues liées au sort des Sahraouis ou sur la mise en place de cette autonomie du Sahara dans un Maroc souverain, ce vote est une victoire significative pour Rabat. Il est bien l’aboutissement d’une stratégie consistant à faire accepter par la communauté internationale la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Elle a été finalement couronnée de succès grâce au parrain étatsunien. Le 4 novembre 2025, un communiqué du Cabinet royal stipulait que le roi Mohammed VI a décidé de faire du 31 octobre, jour du vote au Conseil de sécurité de l’ONU, une fête nationale sous le nom de « la Fête de l’unité ».

1«  Christopher Landau : “Nous allons encourager les entreprises américaines qui souhaitent investir au Sahara”  », Tel Quel, 25 septembre 2025.

2«  Le Polisario ne participera pas à aucun processus ou négociation devant “légitimer” l’occupation marocaine du Sahara occidental  », Sahara Press Service, 3 novembre 2025.

3Jassim Ahdani, «  Pourquoi l’administration Trump évoque un “accord de paix” imminent sur le Sahara occidental  », Jeune Afrique, 23 octobre 2025.

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