Pourquoi la guerre au Yémen ?

© Hélène Aldeguer, 2017.

Le Yémen est le pays le plus pauvre du Moyen-Orient. Depuis mars 2015, il est bombardé par une coalition de pays emmenée par l’Arabie saoudite, l’un des plus riches. Le conflit a fait plus de 10 000 victimes, il touche principalement les civils qui sont au bord de la famine. Il a aussi conduit à la destruction de nombreuses routes, d’hôpitaux, d’usines et d’écoles. L’objectif de l’opération militaire « Tempête décisive » lancée par les Saoudiens est de restaurer le pouvoir du président Abd Rabbo Mansour Hadi, à la tête du Yémen depuis 2012. Il a été renversé début 2015 par une rébellion, les houthistes qui se sont alliés avec l’ancien président Ali Abdallah Saleh. Cet objectif de restauration de Hadi semble toutefois inatteignable, car les positions sur le front militaire sont figées. On assiste à un réel enlisement.

Un conflit régional

Cette guerre est particulièrement complexe, ce qui explique qu’elle est très souvent ignorée par les médias. Elle se comprend notamment comme le résultat d’une rivalité entre l’Iran, qui soutient les houthistes (par ailleurs appartenant à une branche du chiisme, le zaydisme), et l’Arabie saoudite qui soutient donc Hadi. Chaque pays souhaite assurer sa puissance à l’échelle du Moyen-Orient et cette compétition se fait au détriment de la population yéménite. Mais cette lecture régionale est insuffisante, car l’implication de l’Iran reste marginale et c’est essentiellement les rivalités entre les élites yéménites qui expliquent la guerre. La fin des bombardements saoudiens serait donc sans doute insuffisante pour arrêter la violence.

L’héritage de la dictature

La guerre est en effet tout d’abord un héritage laissé par Ali Abdallah Saleh qui a été président pendant trente-trois ans. Il a divisé sa société pour mieux régner et monopoliser le pouvoir. En réaction, les régions du nord et du sud ont contesté son régime, ce qui a fragilisé le sentiment d’appartenance nationale. L’échec économique et la corruption ont de plus favorisé une défiance et des conflits interpersonnels et entre tribus qui s’expriment dans les combats actuels.

La guerre est ensuite le résultat de l’échec du « Printemps yéménite » de 2011 qui a mis fin au pouvoir de Saleh. La population s’est soulevée contre la dictature. Après des mois de manifestation pacifique, Saleh a accepté de céder son pouvoir à son vice-président, Hadi. En échange, il a reçu une immunité et a pu rester au Yémen, toujours à la tête de son parti. Hadi devait redistribuer les ressources entre les différentes régions et accompagner la rédaction d’une nouvelle constitution. Mais l’absence de perspectives économiques ainsi que le maintien de la corruption ont généré du mécontentement. De plus Saleh s’est activé en coulisses pour saper l’autorité de son successeur et a cherché à se venger de ceux qui l’avaient trahi. Il s’est alors allié à un de ses anciens ennemis, Abdelmalik Al-Houthi, qui a gagné en puissance jusqu’à prendre le contrôle de la capitale. C’est pour faire face à cette situation que l’Arabie saoudite a décidé d’intervenir.

L’impunité de l’Arabie saoudite

Si la guerre dure en dépit de son enlisement c’est du fait d’un certain manque d’implication des gouvernements occidentaux qui ne cherchent pas à faire véritablement pression sur les belligérants. Les contrats d’armement passés avec l’Arabie saoudite et les autres pays du Golfe empêchent sans doute les États-Unis, le Royaume-Uni et la France de faire pression pour stopper une guerre inutile et meurtrière. Ils sont même incapables de réellement critiquer les crimes commis contre les civils. Par ailleurs, différents Yéménites ont intérêt à ce que la guerre se poursuive. Ils bénéficient de l’économie de guerre ou le chaos leur permet de s’imposer.

L’un des effets de la guerre est de conduire à la division du pays entre un nord aux mains des houthistes et un sud contrôlé par Hadi. Cette situation vient concrétiser le désir des dirigeants du mouvement sudiste qui souhaitent depuis longtemps l’indépendance de leurs régions. Enfin, les jihadistes bénéficient directement de la violence en imposant leurs combattants sur le terrain et en prétendant combattre des chiites, comme en Syrie et en Irak. Ils gagnent là en popularité.

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